Christophe Amadei est l'un des acteurs incontournables de la filière en Corse. Mais face à une concurrence qui s'est affranchie des règlements et des normes, il peine à maintenir son entreprise à flot. Alors que le rapport sur la filière est présenté à la CdC, nous l'avons rencontré.
"Mon bois, vous ne le trouvez pas sur Le bon coin. Tout est professionnel, tout est fait dans les règles. Et l'argent ne passe pas de poche en poche sans facture. Croyez-moi, c'est rare".
Christophe Amadei hausse les épaules."Aujourd'hui, dans la filière bois-bûche, je suis le cheveu sur la soupe. On me voit, au mieux, comme un farfelu, au pire comme un empêcheur de tourner en rond".
Assainir le marché
À en croire l'exploitant forestier, "le dernier de Corse", précise-t-il, la filière est "totalement anarchique". "Tout le monde, même vous, si ça vous tente, peut aller couper du bois, et le vendre aux particuliers". Difficile de le nier. On connaît tous des gens qui achètent des stères de bois pour se chauffer, l'hiver, et beaucoup d'entre eux passent par une connaissance, une annonce internet, ou le bouche-à-oreille.
Des normes ont pourtant été définies en septembre 2020. "L'ODARC estimait que sur les 4,5 millions de bois de chauffage qui étaient vendus chaque année, seul 1 million était fait par les professionnels reconnus, alors que le reste était le fait de personnes qui travaillaient dans l'illégalité. L'Office a voulu réorganiser la filière".
De prime abord, l'initiative avait tout pour assainir le marché. "Un cahier des charges a été défini. Il fallait couper du bois à certaines périodes, ne couper que ce que l'on vous dit de couper, se mettre en conformité en matière de transport, de conditionnement, faire sécher le bois pendant un an avant de le vendre. Enfin, on était censés faire les choses comme elles devaient être faites."
Paradoxalement, cela n'aurait fait qu'empirer les choses.
Concurrence déloyale
La raison de cette situation, selon lui : le fait que contrairement à lui, nombre de concurrents n'ont pas respecté les règles, et que les vendeurs du dimanche ont continué de prospérer, sous le radar, sans que les autorités ne fassent rien pour les en empêcher.
Depuis trois ans, mon activité n'a cessé de péricliter. En un an, on est passé de 5 à 3 employés.
Christophe Amadei
"Avec le dépôt pour faire sécher le bois, l'embauche d'ouvriers qualifiés, que je ne fais pas dormir dans des tentes en pleine forêt mais que je traite correctement, avec le matériel de protection, les poids lourds qui sont nécessaires pour transporter, les primes, mon bois est évidemment plus cher que celui de ceux qui n'ont pas tous ces frais." Résultat, une mévente de 300.000 euros en 2023, et deux salariés, contre cinq l'an dernier...
"Depuis trois ans, mon activité n'a cessé de péricliter". Au point que Christophe Amadei étudie sérieusement l'hypothèse d'un dépôt de bilan. "On va mettre un échelonnement en place, et on continuera à exercer, pas question de renoncer. Et puis je n'ai pas le choix, j'ai de gros crédits à payer. Mais je suis très pessimiste."
Ce mercredi 20 décembre, Christophe Amadei s'est rendu à l'Assemblée de Corse, pour assister à la session où est débattu le rapport du plan forêt, dans lequel il est prévu d'investir 15 millions d'euros entre 2024 et 2029. Mais sans grande conviction.
"On le sait tous, quel est le problème de la filière. Tant qu'on ne fera pas respecter les règles, on pourra mettre tout l'argent qu'on veut, rien ne changera..."