Le site militaire corse est une base avancée de l'OTAN en Méditerranée. Il a pris part à plusieurs conflits armés par le passé, de Kolwezi en 1978 à la Libye en 2011. Mais il n'est pas engagé dans la guerre en Ukraine. Même si tout peut basculer rapidement.
Depuis hier, les Pilatus sont prêts à décoller sur la piste de la base de Solenzara. Mais ils ne mettront pas le cap sur la Pologne ou la mer Noire. Ces petits avions sont là pour une dizaine de jours, et vont servir à la formation des jeunes pilotes.
Dans l'enceinte de la base aérienne 126, ce n'est pas vraiment l'effervescence. Pas de contrôle intensifié aux abords du site, pas de mouvements de troupes... Rien de ce qui pourrait laisser deviner une mise en alerte du site.
"Solenzara n'est pas engagé. Les avions qui partent pour les pays limitrophes de l'Ukraine décollent d'Istres, en ce moment", explique-t-on du côté de la base.
Base d'entraînement
Certes, Solenzara est une base de l' OTAN, l'Organisation du traité de l'Atlantique nord, et l'alliance est engagée dans le conflit entre l'Ukraine et la Russie. Mais, souligne-t-elle, la base a pour tâche, principalement, d'accueillir les entraînements des campagnes de tir air-air et sol-air.
On n'a pas d'avions prêts à décoller, mais rien ne dit que cette nuit ou demain, il n'y en aura pas.
Une seule unité y est basée en permanence, un escadron de quatre Super Puma, chargés en priorité d'assurer le sauvetage des personnes. "On n'a pas d'avions de chasse en permanence sur site", rappelle la responsable de la cellule communication.
Mais la situation de la base, au cœur de la Méditerranée, en fait également le support des escadrons de combat, ainsi qu'une base avancée de l'OTAN pour les opérations aériennes à l'Est, lors de certains conflits.
La cheffe de la communication se souvient encore de l'opération Harmattan, en Libye, en 2011. La base avait été aux avant-postes de l'intervention. 48 heures à peine après le vote de la résolution du conseil de sécurité des Nations Unies, le 17 mars 2011, des bombardiers décollaient de Corse pour l'Afrique du Nord. "A l'époque, on était passé très, très rapidement en alerte", souligne la responsable.
Elle sait donc que tout peut changer en quelques heures. D'autant que la situation, en Ukraine, évolue à toute vitesse. "On n'a pas d'avions de chasse prêts à décoller, mais cela ne veut pas dire que, cette nuit ou demain, il n'y en aura pas".
Alors, sur la base de Solenzara, on se tient prêts à réagir en urgence. Mais on continue de vivre au rythme d'un camp d'entraînement, et pas d'un porte-avions de guerre. En préparant les prochaines campagnes de tir, avec la venue des Mirage 2000 en avril, et celle des Rafale en mai...
Historique de la base de Solenzara
En 1952, alors que la Guerre Froide redéfinit les frontières du monde, l'OTAN veut se doter de quatre bases aéronautiques, qui permettraient aux escadrons américains, français, néerlandais et belges de s'entraîner.
L'une d'elles sera située en Corse, sur la côte orientale. En 1956, les travaux débutent sur la commune de Ventiseri. Et le chantier va durer quatre ans, interrompu à plusieurs reprises, d'abord par les violentes intempéries de 1957, plus par le retrait des Etats-Unis, qui décident qu'elles n'utiliseront finalement pas le site. Mais le 1er juillet 1960, sur la plaine autrefois déserte et sauvage de Ventiseri, la base 126 ouvre enfin ses portes. En septembre, c'est la 5ème Escadre de Chasse qui inaugure les infrastructures, avec une première campagne de tirs. Elle doit faire face à des conditions pour le moins précaires, alors que les bâtiments, épars au milieu du maquis, ne sont pas encore terminés.
Aujourd'hui, plus de 60 ans après, la base de Solenzara couvre 600 hectares, dispose d'une piste de 2.990 mètres, et peut accueillir 55 appareils. 900 personnes, civils et militaires, travaillent chaque jour sur le site.
La base 126 doit porter, comme il est de coutume, un nom "de tradition". C'est celui du capitaine Preziosi qui a été choisi. Albert Preziosi était membre de l'escadron de chasse Normandie-Niemen, qui lui devait sa première victoire aérienne. Le pilote des Forces aériennes françaises libres était né à Vezzani, à une cinquantaine de kilomètres.
Pour l'anecdote, une légende tenace veut qu'il ait eu une histoire d'amour en Afrique du Nord, en 1942, alors qu'il s'était écrasé dans le désert libyen. De cette relation serait né un enfant, Mouammar Kadhafi, le Guide de la révolution libyenne...
Solenzara ou Ventiseri ?
Base 126, Base Capitaine Preziosi... Autant de noms qui ornent le portail du centre militaire, mais qui ont été très vite été éclipsés par un autre nom, dans les conversations entre les Corses, comme dans le milieu militaire. La base de de Solenzara.
Un état de fait qui a toujours agacé les gens de Ventiseri, la commune de Haute-Corse où la base se trouve. Alors qu'ils l'entendent désignée, en permanence, du nom d'une autre commune, voisine, de Corse-du-Sud !
Nombre d'explications sont avancées. L'une d'elles voudrait que, en 1959, quand le colonel Pisotte et ses hommes arrivent en Corse pour préparer l'ouverture, ils posent leur barda à Solenzara. A l'époque, il n'y pas grand chose pour les accueillir, sur la plaine de Ventiseri. La confusion serait peut-être née de là...
En 1992, le nom de "Ventiseri - Solenzara" est donc donné à la base, pour tenter de corriger le tir, et faire preuve de bonne volonté. Trente ans après, on ne peut pas dire que cela ait été très efficace.