"C'est dehors ! Avec les enfants, c'est dehors !". Comment une association chargée d'accompagner des réfugiés ukrainiens leur annonce froidement l'obligation de quitter les lieux

Accueillis, pour certains, depuis deux ans sur la presqu'île de Pen Bron, en face du Croisic, en Loire-Atlantique, des réfugiés ukrainiens ont appris qu'ils allaient devoir quitter les lieux pour d'autres logements. La manière dont cette annonce leur a été faite a de quoi choquer.

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Pour les 69 réfugiés ukrainiens logés dans des chambres individuelles, dans l'ancien établissement sanitaire de Pen Bron, sur la commune de La Turballe, la nouvelle a fait l'effet d'une douche froide en plein mois de décembre. 

Accueillis, pour certains depuis 2022, ces personnes, hommes, femmes, enfants, personnes âgées, ont appris lors d'une réunion d'information qu'ils allaient devoir quitter les lieux dans les prochaines semaines. Et ils n'auront pas d'autre choix que la proposition qui leur est faite de rejoindre d'autres logements. Sans avoir, pour le moment, de détails sur ces logements. 

Au-delà de ce déménagement, c'est la façon dont cela leur a été annoncé qui est choquante. La réunion, menée par un représentant de l'association France Horizon, mandatée par l'État pour accompagner ces réfugiés, l'a été avec bien peu d'humanité.

Témoin, une vidéo enregistrée lors de cette rencontre avec les représentants de France Horizon, que nous avons pu visionner et, dans laquelle, on entend le discours aussi ferme que froid de leur interlocuteur.

"La police va venir et elle nous donnera raison"

"Si vous refusez notre proposition, on ferme votre porte, prévient le salarié de France Horizon. C'est pas une blague, on l'a déjà fait. On ferme à clef votre porte. Ceux qui croient qu'on n'a pas le droit de faire ça se trompent. Ceux qui croient qu'ils vont appeler la police, ou je sais pas quoi, ils se trompent. La police va venir et elle nous donnera raison."

Et l'homme de répéter froidement la situation : "Choisissez une proposition, une seule. Si vous n'êtes pas d'accord, vous partez !" . La traductrice transmet le message au groupe médusé, silencieux dans la salle. 

"Avec les enfants, c'est dehors !"

Pour donner du poids à sa menace, le représentant de l'association cite le cas de trois réfugiés qui ont décidé de refuser la proposition de relogement, et annonce ce qui les attend.

"Elles vont avoir trois jours pour accepter, prévient cet homme. Après ces trois jours, on ferme à clé. Et c'est dehors ! Avec les enfants, c'est dehors !"

Cyniquement, l'homme insiste une nouvelle fois et énonce les possibilités : "Vous faites comme vous voulez. Vous retournez en Ukraine, vous changez de région, vous payez un camping. Mais c'est dehors !"

Le représentant de l'association est alors informé qu'une journaliste est présente dans la salle. Il lui demande poliment, mais fermement de sortir. Puis reprend la parole :

"C'est choquant, dit-il ensuite au groupe de réfugiés. Il y a des gens parmi vous qui pensent que c'est eux qui font la loi. Ça (la présence du journaliste), c'est choquant."

Puis, l'homme fait le point sur la situation en précisant que pour 69 réfugiés logés à Pen Bron, 50 places ont été trouvées, pour le moment, à Nantes.

"C'est encore un stress pour nous"

Il n'y aura pas discussion visiblement lors de cette réunion. Pour ces réfugiés, il faudra à nouveau déménager et se réinstaller ailleurs. Dans une ville qu'ils ne connaissent pas et, sans doute, éloignés les uns des autres.

Dans un français approximatif, Olga Neskernko, qui fait partie de ce groupe de réfugiés, dit le choc que représente cette décision pour ses compatriotes et elle. 

"C'est difficile, il faudra encore bouger, encore déménager. Pour moi, c'est le troisième, dit-elle. Je suis avec mon fils, il doit encore changer d'école. Ce sera sa troisième école et c'est encore un stress pour nous."

Olga dit vouloir trouver un logement par elle-même et un travail, en espérant pouvoir rester dans la presqu'ile, qu'elle a appris à connaitre.

Un collectif pour prendre leur défense

Un collectif de citoyens a été créé pour venir en aide à ces réfugiés et demander au préfet de Loire-Atlantique le respect de la trêve hivernale.

"Ce qui est choquant, estime Jean Silloray, qui habite La Turballe et a fondé ce collectif, c'est le manque de préparation. Ces enfants, au niveau de leur scolarité, il est insupportable qu'ils soient déplacés dans une autre école, un autre lieu. Il faut que la trêve hivernale puisse être respectée. Ce qu'ils (ces réfugiés) recherchent, c'est construire leur vie et vivre en paix, sur la presqu'île et jusqu'à Saint-Nazaire."

Jean estime que les adultes ont des compétences qui peuvent être utiles dans cette région. Les séparer dans un moment aussi difficile, serait, selon lui, une erreur. 

"C'est important qu'ils puissent être respectés en tant que réfugiés de guerre", conclut Jean.

Quitter des chambres pour aller vers de vrais logements

Contactée, France Horizon, précise que ce n'est pas la première réunion qui évoque la prochaine fermeture de ces hébergements. 

"Ce sont des personnes qui restent en France, qui s'installent durablement. Donc, il faut qu'elles s'installent dans des logements où elles pourront elles-mêmes cuisiner, comme en Ukraine", explique Conception Mousseau-Fernandez, directrice régionale de France Horizon qui précise que depuis l'été dernier, plusieurs ménages ont quitté les lieux pour aller vers des appartements. "Et ça s'est toujours très bien passé", dit-elle.

Si ces personnes n'ont pas de choix sur le logement qui leur est proposé, c'est du fait des tensions sur le marché de l'immobilier, selon Conception Mousseau-Fernandez. Mais une attention particulière est portée à ceux qui ont un emploi pour ne pas les en éloigner.

Le centre d'hébergement de Pen Bron avait été choisi dans l'urgence. Il était provisoire, précise la directrice régionale de France Horizon. Il doit redevenir un hôtel.

Ces familles ne sont pas abandonnées, on continue de les accompagner.

Conception Mousseau-Fernandez, directrice régionale France Horizon

Concernant la façon dont les choses ont été exposées lors de cette réunion du vendredi 13 décembre, Conception Mousseau-Fernandez, parle d'une mauvaise compréhension.

"Si des propos attribués à mes équipes ont été interprétés comme brutaux, ça ne reflète absolument pas l'esprit de bienveillance et de soutien qui guide vraiment notre action au quotidien auprès des familles que l'on héberge depuis 1940", répond la directrice régionale de France Horizon qui dit assumer toutefois la fermeté du ton du fait que la situation était, selon elle, connue des réfugiés depuis le mois de juillet.

Olivier Quentin avec Mathieu Guillerot

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