Élections territoriales en Corse : l'insoluble problème des déchets

Les élections territoriales se tiendront les 20 et 27 juin prochains. Afin de mieux en appréhender les enjeux, France 3 Corse ViaStella vous propose des dossiers thématiques. Épisode 1 : la gestion des déchets.

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Comment assurer la pleine gestion des déchets en Corse ? Sur l’île, les crises autour de cette problématique se succèdent année après année, et les pistes de résolution divisent.

Le dossier, complexe, dépend de plus de l'action de plusieurs entités : la Collectivité de Corse, en charge du plan stratégique ; le Syvadec (syndicat de valorisation des déchets de la Corse), qui assure la valorisation des déchets sur l'île ; les intercommunalités ou les communes, aux commandes des collectes d'ordures, et enfin l'Etat, qui détermine le tonnage annuel d'enfouissement de déchets et les autorisations d'exploiter.

Moins de déchets produits en 2020...

La production de déchets ménagers en Corse a diminué en 2020 par rapport à l'année précédente : dans son rapport annuel, le Syvadec pointe ainsi que chaque habitant a généré, au cours de l'année, 677 kg de déchets dits municipaux [déchets collectés par les collectivités, ndlr], soit un volume total de 226 900 tonnes.

C’est 6 % de moins qu’en 2019, et cela représente 14.595 tonnes de déchets en moins à traiter. 

Un point certes positif, mais qui s'explique en grande majorité non pas par l'adoption de meilleures pratiques de tri des insulaires (le taux de tri s'établit à 37,2% en 2020, soit 252 kg/habitant contre 36,62 % en 2019), mais par la crise sanitaire, et en premier lieu l'impact du tourisme. 

Le secteur représente habituellement sur l'île l'équivalent de 25% d'habitants supplémentaires. Avec la saison touristique globalement en retrait en 2020, ce taux a de fait baissé, et la production d'ordures ménagères qui va avec.

...mais toujours plus que la moyenne nationale

Pour autant, la Corse reste une mauvaise élève à l'échelle nationale : les insulaires ont ainsi produit 29% d'ordures ménagères en plus que la moyenne des habitants de France entière : 525 kg par an et par habitant.

Un écart qui a néanmoins tendance à régresser : en 2019, la différence était de +39%.

Un centre d'enfouissement et un écôpole en activité

Problème, l'île ne dispose que de peu d'infrastructures de gestions de déchets. À ce jour, deux centres d'enfouissements sont encore en activité. En premier lieu, celui de Prunelli di Fium-Orbu, d'une capacité annuelle de 43.000 tonnes. 

Le site est régulièrement le théâtre de fermetures partielles en cours d'année : l’an dernier, le centre n’accueillait dès le 25 août plus que les déchets de la communauté de communes du Fium’Orbu-Castellu. Le site était alors déjà presque arrivé à saturation annuelle, avec 40.000 tonnes enfouies, entraînant le transfert des déchets restants de l'île à Viggianello I, second centre d’enfouissement technique (CET) de l’île, en Corse-du-Sud. 

Un scénario qui ne pourra pas se reproduire cette année : Viggianello I, après plus de dix ans d'activité, est arrivé au terme de ses capacités et ne fonctionne plus depuis la fin du mois d'avril. 

Une fermeture définitive qui s'est accompagnée de la mise en route de l'écopôle, un centre de tri et de valorisation des déchets installé sur un terrain voisin, également appelé "Viggianello II".

Le projet, porté par la SAS Lanfranchi et entériné en 2019 par Josiane Chevalier, alors Préfète de région, vise notamment à réduire les déchets à la source, avec une chaîne de tri. Les parties valorisables seront conservées dans des conteneurs, les déchets organiques enfouis.

L'écopôle a néanmoins depuis ses premices reccueilli des avis défavorables de la majorité territoriale et des élus locaux, ces derniers étant peu désireux de voir les déchets continuer à prendre la direction de la région.

Le site devrait accueillir 58.000 tonnes de déchets par an, pour une durée d’exploitation de dix ans. Soit presque moitié moins que son prédecesseur, limité par arrêté préfectoral à 110.000 tonnes annuelles.

Deux prochains centres de surtri

Les deux sites ne sont aujourd'hui plus suffisants pour absorber l'ensemble de la production globale des déchets insulaires. D'autant que celle-ci devrait être augmenter de 27% d'ici 2033, selon le plan territorial de prévention et de gestion des déchets, examiné et adopté en session plénière le 26 février par l’Assemblée de Corse.

La quantité totale de déchets enfouis dans l'île, estimée à 1 064 850 tonnes en 2018, devrait ainsi atteindre 1 235 700 tonnes en 2027, et 1 347 200 tonnes en 2033.

Dans une première mouture, le rapport évoquait la possible création d'une "unité de valorisation énérgetique" (un incinérateur permettant de produire de l'électricité ou d'alimenter un réseau de chaleur). Le projet, très controversé, a finalement été laissé de côté au profit de deux nouveaux centres de surtri, l’un sur le territoire de la CAPA, et l’autre à Monte en Haute-Corse. Tous deux devraient voir le jour sur l’île au cours des prochaines années. Un premier est annoncé pour d’ici 4 ans.

D'autres projets contestés

Plusieurs structures ont été proposées et mises à l'étude au cours des dernières années, soulevant, à chaque fois, une levée de boucliers des populations et élus locaux comme des associations de défense de l'environnement.

Depuis 2018, la commune de Moltifao est considérée par le Syvadec pour accueillir un nouveau centre d'enfouissement. Le 9 janvier dernier, le projet a été présenté par l'organisme de traitement des déchets aux 59 élus de la communauté de communes Pasquale Paoli le projet, ainsi que le résultat des études géotechniques et hydrauliques.

Le site retenu est une ancienne carrière, qui devrait accueillir des déchets dits "non dangereux" pendant 13 ans, et à raison de 50.000 tonnes par an maximum. Le démarrage de l'exploitation est prévu en août 2023, avec d'ici là, des travaux d'aménagements qui devront être réalisés pour un coût estimé à 10 millions d'euros, hors taxe.

Mais plusieurs élus ont déjà fait savoir leur nette opposition : on compte parmi ces derniers Cathy Cognetti, première vice-présidente de la communauté des communes, Nicolas Saliceti, maire de Cambia, et Jean Félix Pasqualini, maire de Canavaghja.

Outre les représentants insulaires, les riverains sont également fortement remontés contre le projet. Réunis dans un collectif  "Non aux enfouissements des déchets à Moltifao", ils militent contre l'ouverture de ce centre, avancant des craintes d'une possible pollution de la Tartaghjine par les déchets stockés.

Autre dossier vivement polémique : le projet Ghjuncaghju. Ses promoteurs, la SARL Oriente Environnement, ont pour objectif de construire, le long des berges du Tavignanu, un centre d'enfouissement et de traitement des déchets pour 70.000 tonnes par an ainsi qu'un stockage de déchets amiantifères. Le tout pour une durée de 30 ans.

Le dossier est débatu depuis des années et fait l'objet d'une longue bataille judiciaire entre la société et un collectif de riverains, Tavignagnu Vivu.

En novembre 2016, l'alors préfet de Haute-Corse, Alain Thirion, s'était opposé à la structure en prenant un arrêté refusant à Oriente Environnement l'autorisation d'exploiter une installation de stockage sur la commune. Une décision contestée par la société devant le tribunal de Bastia, qui, en octobre 2019, lui donne l'autorisation.

Le collectif Tavignagnu Vivu fait appel de la décision. Mais celle-ci est confirmée en juillet 2020 par la cour administrative d'appel de Marseille. Le collectif se pourvoit, aux côtés de la collectivité de Corse, auprès du Conseil d'Etat. Là encore, il n'obtient pas victoire et le Conseil d'Etat valide le 21 avril dernier le jugement des magistrats marseillais.

L'histoire ne devrait pas s'arrêter là pour autant : le collectif Tavignanu Vivu a affirmé vouloir continuer les mobilisations, et a annoncé se pourvoir devant la cour de justice européenne.

Le tri sélectif, un axe "majeur et prioritaire"

En l'attente, la Collectivité de Corse vise à un renforcement du tri à la source, objectif qualifié d'axe "majeur et prioritaire" par les auteurs du plan territorial de prévention et de gestion des déchets 2021.

De nombreux efforts restent ainsi à faire en matière de tri sélectif : selon le Syvadec, on ne trierait dans l'île que 1,5 emballage sur 10, 3 papiers sur 10 et 6 bouteilles de verre sur 10. Si le tri progresse, 70 % des contenus d'une poubelle pourrait donc encore être triée, réduisant considérablement le tonnage d'ordures ménagères annuelles.

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