Bastia : les très longs délais du Tribunal d’Instance

Me Jean-Sébastien de Casalta, bâtonnier du Barreau de Bastia; Jean-Bastien Risson, président du Tribunal de Grande Instance de Bastia; Me Vanina Cervoni, avocate spécialisée; Dumè Biaggi, vice-président du Conseil des Prud'hommes ©France 3 Corse ViaStella

Depuis le 1er mars, les délais s'accumulent dans les dossiers normalement jugés devant le Tribunal d'instance de Bastia. La raison : l'absence de 2 juges sur les 3 affectés à cette justice dite du quotidien.

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Moment insolite : une protestation d’avocats qui s’organise en plein tribunal. Ils entendent dénoncer un fonctionnement ralenti du Tribunal d’instance depuis un mois : depuis que celui-ci ne dispose plus d’un magistrat sur les trois normalement en fonction. Leur demande, ne pas voir systématiquement les dossiers sur le fond être renvoyés, pouvoir plaider au moins les affaires prêtes à être jugées pour pénaliser le moins possible le justiciable. Si ce jour-là, le Conseil de l’ordre était venu l’expliquer aux seuls magistrats disponibles, c’est en fait à sa hiérarchie qu’il s’adressait.

« Nous ne sommes pas nous avocats en situation, bien évidemment, de régler le problème en lieu et place de l’institution. Mais c’est à l’institution de prendre les décisions qui s’imposent et de faire en sorte que le Tribunal d’instance, le départage prudhommal, puisse continuer à fonctionner normalement », explique Me Jean-Sébastien de Casalta, bâtonnier du Barreau de Bastia.

Pas de renforts

Le président du Tribunal de Grande instance se dit conscient des difficultés, mais gère la pénurie. S’il connaissait l’absence programmée de deux juges, il n’a pas pu anticiper leur remplacement. La raison : la carence de magistrats au niveau national. Les renforts demandés ne lui ont été accordés que pour le mois de septembre. Jusque-là, les situations d’urgence auront la priorité.

« Dans le choix que nous avons opéré, nous avons choisi de continuer à assurer pleinement et de manière tout à fait normale, la protection des personnes démunies, et les urgences. C’est-à-dire, par exemple, les tutelles. Elles seront intégralement traitées puisque l’on ne peut les laisser sans la protection du tribunal », affirme Jean-Bastien Risson, président du Tribunal de Grande Instance de Bastia.

Dans la ville sont traités chaque année, 1.000 dossiers de tutelle, 1.000 injonctions de payer et 750 affaires civiles. Parmi lesquels les référés, les saisies sur salaire et les surendettements. Des dossiers théoriquement pas impactés. Mais pour les avocats, d’autres méritent aussi d’être jugés, sans attente. « L’affaire était prête au mois de novembre dernier. C’est renvoyé en mars, et maintenant, on nous dit que c’est renvoyé en septembre. Pour une demande faite en 2015, pour une action qui est de droit, la justice traîne des pieds », se désespère Me Vanina Cervoni, avocate spécialisée.

Le Conseil des Prud’hommes aussi touché

Au Conseil des prud’hommes aussi, on s’inquiète. Des dossiers sans solutions s’accumulent. Il y a 64 départages prudhommaux sont déportés. Il s’agit de litiges entre salariés et patrons, où les juges prudhommaux n’ont pas pu se mettre d’accord et où un juge professionnel du Tribunal d’instance doit venir les départager. Mais depuis le 6 mars, plus assez de juges, plus assez de départages, avec parfois, des conséquences dramatiques.

« Un salarié qui viendrait demander la rupture de son contrat de travail par exemple. Nous avons un délai très court pour rendre cette décision. Si nous ne sommes pas d’accord, c’est le juge qui la rendra, mais aujourd’hui il ne la rendra pas parce qu’il n’y en a plus et pour autant, ce salarié va se retrouver sans emploi, sans salaire, et sans pouvoir s’inscrire à Pôle Emploi, et ça, c’est inacceptable. Et si la décision prend un an, un an et demi ou deux ans, ce n’est pas tolérable », regrette Dumè Biaggi, vice-Président du Conseil des Prud'hommes.

Si la situation reste en l’état, les avocats concernés, en accord avec le Conseil de l’Ordre envisage d’attaquer l’Etat pour dénoncer que la justice ne soit plus rendue dans les délais imposée par la loi Macron.
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