Au lendemain de la manifestation en soutien à Yvan Colonna, qui s'est terminée par de violents affrontements entre forces de l'ordre et manifestants, la vie reprend son cours - presque normalement - pour les Bastiais et les Bastiaises.
"Ah ça, ils ont été efficaces." Assis sur un banc place du marché, à Bastia, ces deux retraités constatent d'un œil approbateur le dur labeur des agents de nettoyage dans la nuit. Des affrontements de la veille, dimanche 13 mars, il ne reste "que" quelques traces : des cartouches vides de gaz lacrymogènes, des projectiles caoutchouc de grenades de désencerclement, et autre bris de verre, cailloux, ou poubelles brûlées çà et là.
"Quand on sait de quoi ça avait l'air en fin d'après-midi on peut quand même dire qu'ils n'ont pas chômé", salue l'un. "C'est presque comme si on voulait vite faire oublier ce qui s'est passé", lui répond son ami.
Il est 8h20, ce lundi matin, et les rues se remplissent peu à peu. Pour nombre de Bastiais, la manifestation de soutien à Yvan Colonna, partie hier du palais de justice jusqu'à la préfecture, et qui s'est clôturée par plusieurs heures de violentes tensions entre manifestants et force de l'ordre, est au centre des discussions. "Ça a bien tapé, hein", sourit ce lycéen, entouré de ses camarades à l'entrée de son établissement. "Tu y étais, toi ?", glisse l'un. "Astru. On est venus préparés."
Sans donner plus de détails sur l'étendue de leur participation à la manifestation, les jeunes assurent avoir un ami souffrant de stigmates "du face à face". "Il s'est pris des bouts des grenades de désencerclement", relatent-ils. "Il n'est pas parti avec les pompiers, mais il saignait bien quand même." Pas de quoi les décourager pour autant : s'il faut revenir pour de prochains rassemblements, ils l'annoncent sans ciller, ils reviendront.
"On commence à se dire : jusqu'à quand ? Et jusqu'où ira-t-on ?"
Les yeux cernés et la mine énervée, Anne-Marie remonte la place Saint-Nicolas jusqu'à sa voiture, garée en contrebas de la mairie. La nuit a été courte pour cette quadragénaire : si les affrontements se sont terminés peu avant 22h, elle qui habite rue César Campichi indique avoir difficilement réussi à fermer l'œil, occupée avec son époux à rassurer leur fille, inquiète d'une potentielle reprise.
"On n'était pas directement sur le parcours du cortège, donc on pensait être épargnés, mais au final j'aurais dû m'y attendre, souffle-t-elle. Ma fille a pris peur en entendant le bruit des grenades de désencerclement et les jets de gaz et de pierres. On a même hésité à partir après le repas pour dormir tous les trois chez mes parents en sortie de ville, mais on n'a pas voulu risquer de sortir avec tout ce qu'il se passait."
Si Anne-Marie assure soutenir le mouvement et comprendre l'énervement des manifestants elle admet néanmoins une certaine fatigue mentale, au-delà des répercussions physiques. "Hier, c'était un cas à part bien sûr, mais ça fait une semaine que ça casse un peu tous les soirs devant la préfecture et qu'on se dit qu'à tout moment, ça peut vraiment dégénérer. On commence à se dire : jusqu'à quand ? Et jusqu'où ira-t-on ?"
La venue du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, en Corse mercredi 16 et jeudi 17 mars, visera notamment à "ouvrir un cycle de discussion". Un dialogue qui ne pourra néanmoins se tenir, a averti le ministère sans retour au calme.