Gaspard Koenig, philosophe, penseur libéral et tout récemment candidat à la prochaine élection présidentielle a choisi la Corse pour son premier déplacement de campagne. Rencontre avec le créateur du parti "Simple", qui aspire à une "simplification des lois".
Des milieux intellectuels aux sphères politiques, Gaspard Koenig a fait un grand pas. Candidat surprise à l'élection présidentielle, le philosophe, qui se dit de "centre radical" entend bien peser dans le débat, et réunir de tous bords autour de son projet de simplification des lois.
Pour son tout premier déplacement de campagne, Gaspard Koenig a choisi la Corse. Une visite express sur deux jours, avec pour première étape, ce lundi 17 janvier, les locaux de la Collectivité de Corse à Bastia, où le philosophe s'est notamment entretenu avec le président du conseil exécutif Gilles Simeoni.
Rencontre avec Gaspard Koenig, "citoyen" bien décidé à faire entendre "haut et fort" ses idées.
Votre candidature s'articule autour d'un projet principal : simplifier la législation française, que vous estimez trop lourde et incompréhensible pour une grande partie de la population.
Gaspard Koenig : J'ai fondé mon parti, "Simple", en mai 2021. Aux racines de ce dernier, une intuition qui m'est venue en parcourant la France à cheval, durant lequel j'ai pu constater l'incroyable charge mentale administrative que les gens subissaient. Dans notre démocratie, nul n'est censé ignorer la loi, mais aujourd'hui, nul ne peut la comprendre.
Résultat, on constate qu'il se rajoute toutes sortes d'intermédiaires qui viennent faciliter les puissants, ceux qui peuvent se payer de quoi naviguer dans ces systèmes complexes, et au contraire fragilise les plus démunis, les plus faibles et les plus excentrés des centres de pouvoir.
J'ai donc lancé mon parti, et continué pendant plusieurs mois à faire des déplacements sur le terrain, partout en France, pour rencontrer des personnes et m'entretenir avec eux sur le thème de la simplication. Parce que l'excès de normes est devenu un problème urgent et critique.
Concrètement, que proposez-vous ?
Gaspard Koenig : Au cours des dernières décennies, chaque gouvernement a mis en place une commission de simplification des lois visant à déterminer quelle loi est inutile, quelle norme peut être supprimée... Mais on se rend bien compte que cela ne marche pas, tout simplement.
Alors nous avons conçu une proposition : le projet Portalis, du nom du juriste qui avait été chargé par Napoléon - alors premier consul -, au lendemain de la révolution française, de refonder le droit, donnant naissance au Code civil. Aujourd'hui, la France compte 75 codes juridiques qui gouvernent notre vie en société, et sont tout simplement incompréhensibles.
Ce que l'on propose, c'est de remonter aux grands principes, intelligibles, formulés en bon français, et en nombre beaucoup plus limité. Nous voulons diviser par cent le nombre de normes, et bouleverser au passage notre rapport à l'administration. Après quoi nous distribuerons à chaque Français un volume qui contient l'ensemble du droit, lui permettant d'évoluer tranquillement en société.
Autres propositions de votre programme : la mise en place d'un revenu universel, et une plus grande autonomie régionale et communale. Des points que vous avez notamment abordés lors de votre entretien avec Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse.
Gaspard Koenig : Le choix de ce premier déplacement de campagne en Corse était symbolique : l'île est très en pointe sur la réflexion et l'expérimentation du revenu universel [en 2020, Jean-Guy Talamoni, alors président de l'Assemblée de Corse, avait fait adopter un rapport en ce sens, ndlr], et [les élus nationalistes] font part depuis des années de plus grandes vélléités d'autonomie sur plusieurs domaines. Sur un point comme sur l'autre, la Corse voudrait mettre en place son propre modèle, mais ne le peut aujourd'hui pas pour des raisons légales.
Ces deux propositions sont au coeur de mon programme. Concernant le revenu universel, la Corse, plus encore que le reste du territoire, enregistre un fort taux de non-recours au RSA (revenu de solidarité active) : on estime qu'au minimum un tiers des gens n'arrivent pas à accéder à leurs droits, parce que c'est trop compliqué.
Ce que nous proposons, c'est une automatisation du versement des minima sociaux, sous la forme d'un revenu universel. Celui-ci permettrait de ne plus avoir à faire de demandes ou remplir des formulaires, mais simplement recevoir en fonction de sa situation un revenu qui couvre les besoins de subsistance. Un revenu qui ne serait de plus pas stigmatisant, puisque reçu par l'ensemble de la population.
Et au sujet de l'autonomie locale ?
Gaspard Koenig : Pour l'accès à une plus grande autonomie, ensuite, je pense qu'il faut permettre une décentralisation beaucoup plus marquée, qui doit s'appliquer à l'ensemble du territoire métropolitain et en Outre-mer. Cela de façon à mettre tout le monde sur un pied d'égalité par rapport à l'autonomie locale, mais évidemment avec une ambition beaucoup plus élevée que ce que l'on constate aujourd'hui.
Dans ce cadre, l'Etat garderait bien sûr la main sur tout ce qui est régalien, notamment les libertés fondamentales. Il n'est pas question de transiger dessus. Mais on renforcerait l'idée que chaque région puisse s'organiser comme elle le souhaite.
Certaines régions sont peut-être contentes du système actuel, et pourraient continuer à exister telles qu'elles le font aujourd'hui. Mais d'autres, comme la Corse, veulent se saisir de nouvelles compétences - avec la fiscalité afférante - ce qui implique que l'Etat lâche un peu de terrain de son côté. La reprise en main des compétences sera très différente en fonction des régions, parce que les besoins sont fondamentalement différents.
Ce même système peut tout aussi bien être décliné au niveau communal : dès lors qu'une commune voudra se saisir d'un certain nombre de compétences, comme par exemple la construction d'un établissement scolaire, l'agrandissement d'un hôpital... Et que cette même commune est prête à lever un impôt égal à l'impôt national correspondant, cela pourra se faire.
Dans tous les cas, il faut que cette décentralisation intervienne par le bas, plutôt que par une restructuration par le haut comme on voit habituellement, qui ne convient pas et entraîne des changements permanents qui ne collent pas aux réalités des territoires et des populations.
Cela jusqu'à l'autonomie fiscale des collectivités ?
Gaspard Koenig : Absolument. Il faut néanmoins que l'assiette soit commune : on ne peut pas inventer des impôts qui soient spécifiques à un territoire, parce que les gens n'auraient plus les moyens de comparer, et là on briserait la notion de territoire commun.
En revanche, l'idée qu'on puisse faire varier les taux de manière très large est quelque chose qui me semble souhaitable et qui permet de construire des modèles socio-économiques différents en fonction des régions et en fonction des besoins.
Pour parvenir à vous présenter à l'élection présidentielle, il vous faut réunir 500 parrainages d'élus. Ce déplacement en Corse est aussi une possibilité pour vous de tenter de récolter des promesses dans ce sens...
Gaspard Koenig : Depuis la fondation du parti, nous avons réunis plus de 2000 volontaires, répartis sur tout le territoire. Nous avons rencontré énormément d'élus, de maires de petites communes, et depuis l'annonce de ma candidature [le 11 janvier, ndlr], nous avons activement commencé la recherche de parraignages. Aujourd'hui, nous disposons d'une cinquantaine de promesses.
Nous sommes assez confiants sur notre capacité à atteindre quelque premières centaines de signatures d'ici début février, avec bien sûr l'objectif clair des 500 parrainages. Nous espérons bien sûr grossir un peu nos rangs en Corse...
Ce que j'ai constaté tout au long de mes déplacements, c'est que mes propositions parlent très souvent aux élus locaux. Ils retrouvent dans le besoin de simplification des lois et l'autonomie locale. Je tiens d'ailleurs à dire à tous ces élus qui, à l'approche de l'élection, sont sous pression pour donner leur parrainage, que j'offre un programme qui est fondé sur la confiance et que j'entend avancer ensemble, par le référendum et la discussion, vers une autre façon de considérer l'administration.