Les évasions de prison les plus spectaculaires en Corse : par hélicoptère, au lance-roquette, ou par fax

Ce 14 mai, un détenu s'est échappé d'un fourgon pénitentiaire dans l'Eure. La fugue - aussi rapide que sanglante, avec deux morts à déplorer - a fait la une des journaux. En Corse, plusieurs évasions impressionnantes ont également défrayé la chronique.

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Les images ont fait le tour de la presse comme des réseaux sociaux. La photo du visage de Mohamed Amra, 30 ans, aussi. Délinquant anonyme jusqu'à ce mardi 14 mai - condamné notamment pour vols aggravés, association de malfaiteurs, extorsion, ou encore violence avec arme au cours des années -, le détenu fait désormais partie des fugitifs les plus recherchés depuis son évasion d'un fourgon pénitentiaire qui le ramenait à la maison d'arrêt d'Evreux. 

S'il ne s'agit pas d'un cas unique - le Conseil de l'Europe a recensé 734 évasions en France en 2021, soit 105 pour 10.000 détenus -, cette évasion marque par sa rapidité, quelques minutes à peine, son ampleur, avec des complices surarmés, et surtout son bilan dramatique : deux morts et trois blessés parmi les agents chargés de l'escorte du détenu.

En Corse, au fil des ans, plusieurs évasions de plus ou moins "gros profils" ont défrayé la chronique. Retour sur cinq épisodes pénitentiaires insulaires, qui prennent pour la plupart place au sein de la prison de Borgo.

22 janvier 1984 : l'évasion à la corde

Il est aux environs de 12h50, quand la police est alertée d'une corde pendouillant le long du mur extérieur de la prison de Sainte-Claire de Bastia.

Après décompte des pensionnaires, les gardiens constatent la disparition de Francis Mariani, 34 ans, incarcéré pour la tentative d'attaque d'un fourgon postal en Balagne ; et de Charles Pieri, 33 ans, impliqué dans l'assassinat d'un légionnaire. Rapidement, les enquêteurs suspectent des complicités intérieures comme extérieures. Les cellules des détenus, qui ne peuvent être ouvertes de l'intérieur, l'ont forcément été par une personne qui se trouvait dehors.

Libérés de leur cellule, les deux hommes se rendent au troisième étage, établissent alors les éléments d'enquête, et passent depuis la fenêtre - dont ils avaient préalablement scié les barreaux - une corde par-dessus le mur d'enceinte. Avec un miroir, ils font signe à des complices qui tendent la corde, leur permettant ainsi de prendre le large.

L'affaire embarrasse, dans une maison d'arrêt déjà confrontée à plusieurs évasions rien qu'au cours de l'année précédente. En quelques mois, il s'agit ainsi de la septième évasion de la prison Sainte-Claire.

28 novembre 1998 : l'évasion à la pince-monseigneur

Une pince-monseigneur et des échelles. Écroués chacun pour des assassinats distincts, Joseph Menconi (dit "José"), 33 ans, et Dominique Ambroggi, 30 ans, parviennent à s'échapper au petit matin de la maison d'arrêt de Borgo.

Les deux hommes, connus du grand banditisme et considérés comme dangereux, profitent dans ce cadre de soutiens extérieurs, qui ont neutralisé - sans le blesser - le gardien en poste au mirador, et leur ont fourni deux échelles, avec lesquelles les détenus franchissent le mur d'enceinte de 7 mètres de la prison. Le grillage de la cour de promenade, qui permet d'atteindre le mur d'enceinte, est lui découpé à l'aide d'une pince-monseigneur.

L'alerte est donnée par les gardiens quelques minutes plus tard. Mais trop tard : les hommes ont déjà fui à moto. José Menconi est interpellé en janvier 2003. Dominique Ambroggi est lui arrêté en mars 2004 à Orly.

31 mai 2001 : l'évasion par fax

C'est sans doute l'évasion la plus connue en Corse. Le 31 mai 2001, Francis Mariani, 52 ans, Pierre-Marie Santucci, 44 ans, et Maurice Costa, 49 ans, franchissent les murs de Borgo à la vue et au su de tous par la grande porte. Les trois hommes sont pourtant connus des services de police et de justice comme des proches du grand banditisme corse.

Incarcérés depuis près d'un an, après la tentative de racket d'un tenancier d'une pizzeria à Sartène - qui avait retiré sa plainte aussitôt qu'il avait compris qui étaient les personnes concernées -, ces derniers auraient dû, selon toute vraisemblance, être libérés dans les mois qui suivent.

Mais les trois hommes décident d'écourter leur séjour. Ils font dans ce cadre appelle à un stratagème peu commun, avec la rédaction d'un faux "ordre de mise en liberté". Pour ce faire, les détenus s'appuient sur un original, peut-être obtenu auprès d'un gardien.

Le jour-J, les télécopies tombent à 17h04 au greffe de la prison de Borgo. Celles-ci ont été faxées par l'un de leurs complices sur le continent, qui a pris soin de modifier le numéro d'émission figurant sur l'en tête. Si les documents sont particulièrement ressemblants, ils ne sont pas parfaits - le nom du magistrat mentionné est par exemple écorché -. Mais ils ne soulèvent pas de doute parmi les gardiens.

Francis Mariani, Pierre-Marie Santucci et Maurice Costa sortent sans difficultés moins d'une demi-heure plus tard après la réception du courrier. Il faudra cinq jours de plus, et la demande d'audition d'un juge, pour que la supercherie soit finalement découverte.

Une évasion sans violence ni destruction qui pose par la suite, après la reprise des fugitifs, un cas juridique inédit à la justice. Dans cette affaire, et faute de pouvoir prouver qu'ils étaient les instigateurs du faux fax, aucune charge ne sera retenue contre les trois hommes.

26 juin 2001 : l'évasion par les airs

Avant Redoine Faïd en 2018 et sa spectaculaire évasion de la prison de Réau, en Seine-et-Marne, d'autres détenus avaient déjà expérimenté la fuite par hélicoptère. C'est le cas de Louis Carboni. En 2001, l'homme, 45 ans et fiché au grand banditisme, purge une peine de 15 ans pour association de malfaiteurs et trafic de drogue.

Le 26 juin, un hélicoptère de la sécurité civile survole la prison de Borgo, où il est incarcéré. L'appareil a été braqué quelques minutes plus tôt par deux hommes sur l'héliport de l'hôpital de Bastia. À l’intérieur, le pilote et un mécanicien sont pris en otage, et contraints de se rendre à la maison d'arrêt.

Trompés par l'apparence de l'hélicoptère, les gardiens ne soupçonnent pas immédiatement une tentative d'évasion. Louis Carboni parvient à se hisser à bord de l'appareil à l'aide d'une corde balancée depuis l'appareil dans la cour de promenade, dans un espace sans vue nette depuis le mirador.

En toute discrétion et sans qu'aucun coup de feu n'ait été tiré, l'hélicoptère s'envole jusqu'à une plage, un peu plus loin, où l'homme rejoint deux complices qui l'attendent avec une voiture et une moto.

Le fugitif est arrêté six mois plus tard, en janvier 2002, par la police espagnole, à Figueiras, en Catalogne. Il s'apprêtait alors à braquer un transporteur de fonds.

7 mars 2003 : l'évasion au lance-roquette

Tout juste remis sous écrou, Joseph Menconi parvient à s'échapper pour la seconde fois de la maison d'arrêt de Borgo. Sa parenthèse carcérale n'aura duré que deux mois.

La fugue est cette fois plus directe et plus armée : trois hommes cagoulés se présentent aux environs de 4h du matin devant les gardiens de prison, et les menacent, à l'aide d'un lance-roquette et d'une arme de poing. Apeuré, le garde leur ouvre la porte. Conduits à l'intérieur de la prison, ils rejoignent Joseph Menconi, qui est entre-temps parvenu à quitter sa cellule d'isolement, en sciant plusieurs barreaux. 

Les hommes quittent les lieux en voiture, et abandonnent en chemin leurs armes, qui s'avéreront être factices. Joseph Menconi est interpellé moins d'un mois plus tard, dans les Bouches-du-Rhône.

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