Toutes les 10 minutes, un enfant est signalé disparu en France. Ce 25 mai, journée Internationale des Enfants Disparus est l’occasion de rappeler le souvenir de ces petits dont la trace s’est perdue .... parfois en Corse. Comme Alessia et Livia, jumelles suisses, en 2011.
Vous avez peut-être croisé leurs petits visages dans les halls d’aéroport ; souvent découpées dans des photos de famille, ces portraits, réunis sur une affiche, sont très souvent placardés à l’abord des postes de contrôle d’identité. Tout le monde ne les remarque pas ; mais ceux qui les voient, comme happés par ces avis de recherches d’enfants, restent longtemps hantés par ces regards plein de vie, de joie, de malice. Ces regards dont on voudrait tant qu’ils brillent encore.
Alessia et Livia, perdues de vue en Corse
Ceux qui les auront regardés n’oublieront pas le ruban bleu dans le carré châtain impeccablement coupé de Marion ; l’air timide d’Estelle, dans son pull rouge; les joues rebondies du petit Yannis ; la blondeur de Livia et de sa soeur Alessia, figée à jamais dans ce large sourire qui soulève ses fines lunettes cerclées de métal mauve.Selon l’avis de recherche, ces deux petites jumelles ont été officiellement vues pour la dernière fois à Saint-Sulpice en Suisse, le 30 janvier 2011.
Mais c’est en Corse que la piste des fillettes a conduit les enquêteurs. Impossible d’oublier cette quête qui fit la une des journaux. Cet espoir fou qui a tenu la France et la Suisse en haleine, le temps que tous les renseignements soient exploités.
Quelqu’un avait entendu les petites à bord du ferry reliant Marseille à Propriano, cette nuit du 31 janvier. Dans cette commune de l’extrême sud, une commerçante pensait bien les avoir aperçues ce matin du 1er février.
On croira un moment avoir localisé la voiture du père dans le Centre Corse, et puis dans le Cap, près de la plage de Tamarone, où les recherches se concentrèrent, dans un sordide suspense. Las ! Rien ne permettra de localiser Alessia et Livia. Elles avaient six ans.
La douleur de la perte et celle de l’ignorance
Ce que l’on sait aujourd’hui de cette histoire, c’est que Matthias Schepp, ce père qui les avait enlevées en marge d’une procédure de divorce, embarquera seul à bord d’un Bastia-Toulon le 1er février 2011.Qu’il traversera l’Italie en voiture pour atteindre la bourgade de Cerignola, dans la région des Pouilles. Que le 3 février, il se jettera sous un train reliant la ville de Milan à celle de Bari.
Et que juste avant son suicide, il aura écrit à la mère des petites filles, une lettre dans laquelle il affirmera avoir tué leurs enfants avec ces mots : "elles reposent en paix, elles n’ont pas souffert, tu ne les reverras plus."
De fait, depuis neuf ans, personne ne les a revues. Pour leur mère, la douleur de la perte s’est conjuguée à celle de l’ignorance. Mais Irina Lucidi ne s’y est pas résolue.
"Vous souvenez-vous de votre maman ?"
Elle s’est engagée dans une fondation pour soutenir les autorités dans des cas de disparitions, et faire évoluer la législation suisse. Et en janvier dernier, à travers cette association non-gouvernementale Missing Children Switzerland, la mère d’Alessia et Livia a lancé un nouvel appel à témoins, sur Facebook. Avec une photo artificiellement vieillie pour donner l’idée de ce à quoi les filles, qui seraient aujourd’hui âgées de 15 ans, devraient ressembler.Et au-dessus de ces deux visages d’adolescentes, ce message poignant : "Alessia et Livia, vous souvenez-vous de votre maman ?"
200 clubs de football partenaires
Que faire ? En ce 25 mai, Journée internationale des enfants disparus créée en 2003, les initiatives se multiplient. Cette année, plus de 200 clubs de football, parmi les plus grands (Liverpool, Barcelone, Marseille, Borussia Dortmund, AC Milan, Paris SG, Real Madrid, Manchester United) dont les 86 membres de l'European Club Association contribuent à la recherche d’enfants : sur leur compte Twitter, les photos d’enfants disparus défileront toute la journée.Questi bambini provengono da diverse parti del mondo e sono tutti scomparsi.
— AS Roma (@OfficialASRoma) May 25, 2020
Condividendo questo video possiamo aiutare chi sta tentando di riunirli con i loro cari ?#InternationalMissingChildrensDay #FootballCarespic.twitter.com/uDmP0kWRyx
"A l’origine, l’idée vient de l’AS Roma", explique Laureen Burbau, la responsable communication et médias de Droit d’Enfance en charge du 116000, le numéro d’urgence d’enfants disparus. "Le club a décidé l’an dernier de publier une image d’enfant disparu sur les réseaux sociaux à chaque transfert de joueur. En Italie, ça a permis de retrouver 6 enfants".
6 enfants retrouvés en Italie grâce aux réseaux sociaux
Retrouver, un mot aussi rare que précieux dans ces histoires. "Nous utilisons énormément les réseaux sociaux, poursuit Laureen Burbau et ça fonctionne, ça permet de recueillir des témoignages, de faire avancer les recherches."D’où la nécessité de communiquer sur ce numéro d’urgence encore peu connu, le 116 000, numéro gratuit et européen, qui aide les familles recherchant leur enfant. Et elles sont nombreuses.
51287 disparitions signalées en 2019
En France, 51 287 disparitions de mineurs étaient inscrites au Fichier des personnes recherchées (FPR) l’an dernier. Une chiffre à prendre avec des pincettes."Il ne s’agit pas de 51287 enfants différents, mais du nombre de signalements. Même le ministère de l’Intérieur ne peut donner le nombre de disparitions exactes. Certains fuguent plusieurs fois. Un tiers des fugueurs est retrouvé dans les 72 heures. Un tiers au bout de quelques semaines, quelques mois. Un tiers reste en errance jusqu’à sa majorité. Il sort alors du fichier des personnes recherchées, sauf si sa disparition est jugée inquiétante."
En 2019, 522 de ces signalements concernent des enlèvements parentaux ; 918 sont des disparitions de mineurs jugées inquiétantes. Retrouver ceux-là tient du miracle. Les disparitions jamais élucidées, trop souvent criminelles, donne à cette journée internationale son autre raison d’être.
"Ce 25 mai, c’est pour se souvenir de ces enfants toujours disparus, de la douleur des familles. C’est un devoir de mémoire." Un devoir qui a son symbole, le myosotis, choisi pour son nom anglais : forget me not (ne m’oublie pas).