Il n'y aura pas de candidat Rassemblement national le 7 juillet dans la 2e circonscription de Haute-Corse. Le bureau régional a opté pour le désistement de Sylvie Jouart, et le soutien au candidat divers droite François-Xavier Ceccoli. Un choix unique en France.
D'une triangulaire à un duel : l'annonce, hier, du désistement de la candidate du Rassemblement national Sylvie Jouart a rebattu les cartes dans la deuxième circonscription de Haute-Corse.
Si les représentants du parti de Jordan Bardella comme le candidat divers droite François-Xavier Ceccoli affirment ne pas avoir passé d'accord, le RN appelle néanmoins ses électeurs dans la circonscription à se rallier derrière ce dernier. But affiché : faire perdre le député sortant nationaliste Jean-Félix Acquaviva.
Pour le parti d'extrême droite, la situation est, en l'état, inédite. Si Jordan Bardella indiquait lundi, au JT de TF1 ne pas donner de consigne de vote ni demander à ses candidats de se désister, sur le terrain, l'hypothèse de retrait au cas par cas au profit de candidats de droite existait dans plusieurs circonscriptions.
Des désistements sans soutien officiel
Les candidats qualifiés au second tour avaient jusqu'à ce mardi, 18h, pour retirer leur candidature. Dans le camp du Rassemblement national et ses alliés menés par Eric Ciotti, on compte, outre celui de Sylvie Jouart, et selon un décompte de l'AFP, deux autres désistements.
Le premier, celui de Gilles Bourdouleix, candidat de l'union de droite pour la France (RN-Ciotti) dans la 5e circonscription du Maine-et Loire. Arrivé en deuxième position au premier tour avec 30,5 % des voix, il devait trouver face à lui au second tour le député sortant Renaissance Denis Masséglia (33,7 %) et la candidate La France Insoumise pour le Nouveau front populaire France Moreau (21,3 %)... C’est-à-dire des profils pour lesquels l'union RN-LR n'avait pas d'intérêt de se désister.
C'est pourtant le choix surprise effectué par le maire de Cholet. Auprès du quotidien Ouest-France, Gilles Bourdouleix se dit simplement "écœuré par une campagne électorale nauséabonde qui insulte la démocratie et nos concitoyens", et ne donne pas de consigne de vote.
Dans la 1ère circonscription du Calvados, c'est cette fois le parti à la flamme qui a retiré la candidature de Ludivine Daoudi, qualifiée en troisième position avec 19,95 % des suffrages.
Pas pour apporter son soutien officiel au candidat divers droite Joël Bruneau (43,11 %) face à la candidate LFI-NFP Emma Fourreau (34,82 %) au second tour... Mais pour échapper à une polémique, née de la diffusion d'une photo de la candidate RN portant une casquette nazie.
Favoriser la droite plutôt qu'un candidat "mélenchoniste"
Deux désistements qui font donc suite à des considérations autres que celles de barrer le passage d'un candidat issu de l'union des gauches ou de la majorité présidentielle. Pour Sylvie Jouart, c'est en revanche tout le cœur du sujet. En se retirant, le parti espère faire tomber de son siège le député sortant Jean-Félix Acquaviva, et voir y grimper à sa place un candidat plus "compatible" avec leurs idées.
François-Xavier Ceccoli l'a répété : s'il venait à être élu, il n'entend pas siéger avec le groupe Rassemblement national, mais avec "[sa] famille politique des Républicains et ce, quelle que soit la taille de son groupe parlementaire". Pour autant, le maire de San Giuliano ne s'interdit pas la possibilité de voter "en [son] âme et conscience les textes de loi, du moment qu'ils sont bons pour la Corse et pour la France, et ce, qu'ils proviennent du RN, des LR ou de Renaissance."
À l’inverse, au sein du bureau régional du Rassemblement national, on soupçonne plutôt Jean-Félix Acquaviva d'être un soutien de La France insoumise.
Le député sortant n'a pourtant jamais rejoint, au cours de ses deux mandats, le groupe LFI puis NUPES, préférant - comme ses collègues nationalistes insulaires -, celui de LIOT (Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires). Mais pour François Filoni, délégué régional du RN, c'est presque tout comme. Son accusation repose sur le parrainage accordé à Jean-Luc Mélenchon, chef de file de LFI, lors de la dernière élection présidentielle.
Des propos qui passent mal
Derrière ce soutien du RN à François-Xavier Ceccoli, également, les propos tenus par la majorité nationaliste, et notamment par le président du conseil exécutif de Corse, à l'égard du parti. François Filoni ne masque pas son agacement face à "l'appel à faire barrage contre [eux]" de Gilles Simeoni, "qui est sorti de sa réserve". Ce dernier faisait notamment état, au soir du premier tour, "d'un véritable tremblement de terre", ou encore d'un moment politique "extrêmement douloureux".
Ce sont aussi et surtout des propos tenus dans le cadre d'un meeting de campagne de Michel Castellani, député sortant nationaliste dans la première circonscription de Haute-Corse, qui auraient fait grincer des dents.
Au cours de cette réunion, le parti d'extrême droite a été présenté comme "nos ennemis depuis toujours, les ennemis du peuple corse, et les ennemis de tous nos combats" par le maire de Bastia, Pierre Savelli. Des propos qui seraient remontés jusqu'au siège parisien du Rassemblement national, et vécus comme un mépris de l'électorat RN par le parti à la flamme.
"Nous n'avons pas de leçons de vertu à recevoir de ceux qui mènent une campagne de caniveau"
De son côté, François-Xavier Ceccoli a tenu, dans un communiqué, ce mardi, clarifier sa position. "Les raisons du désistement de madame Jouart sont aujourd'hui connues et publiques. Même si certains voudraient travestir la réalité, les propos outranciers du Président de l'exécutif visant à stigmatiser des milliers d'électeurs et le ralliement spontané de la candidate de Jean-Luc Mélenchon au candidat Acquaviva sont les seules raisons du retrait de cette candidature et de l'appel du Rassemblement national à faire battre le député sortant."
Élu, il siégerait donc au sein de sa famille politique, où il entend défendre "les valeurs qui ont toujours caractérisé [son] engagement politique : celles du Gaullisme; d'une droite sociale au service des intérêts supérieurs de la Corse et du pays."
"J'en appelle à la dignité de chacun. Nous n'avons pas de leçons de vertu à recevoir de ceux qui mènent une campagne de caniveau", continue le candidat. Qui conclut : "Nous ne laisserons pas salir l'espoir qui s'est levé dimanche matin pour bâtir une Corse forte et solidaire dont nous avons plus que jamais besoin".
Campagne intensive
Le désistement du Rassemblement national permettra-t-il au maire de San Giuliano de remporter la députation ? En 2022, il avait échoué à rejoindre l'hémicycle du Palais Bourbon à 156 voix près.
Deux ans plus tard, le candidat divers droite entend bien renverser les résultats. En face, Jean-Félix Acquaviva bénéficie, lui, du soutien de la candidate de l'union des partis de gauche, Hélène Sanchez, ainsi que de celui du troisième homme des législatives 2022, Lionel Mortini.
Des deux côtés, la campagne s'annonce intensive jusqu'à dimanche prochain.