Double assassinat de Bastia-Poretta : "Il se cache, mais pas trop, puisqu'il accepte de répondre à la presse", la défense de Jacques Mariani demande le retour de l'ex-repenti à l'audience

Cinquième semaine d'audience devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône, et un box des détenus qui reste toujours quasiment vide, déserté de tous les prévenus à l'exception de Jacques Mariani. La défense de ce dernier annonce son intention de déposer un supplément d'information afin que l'ex-repenti, entendu le 30 mai dernier, revienne témoigner.

Le sourire aux lèvres, debout et le bras nonchalamment appuyé contre un rebord, c’est un Jacques Mariani décontracté qui se présente, à quelques minutes de la reprise de l’audience, ce lundi matin. D’humeur visiblement bavarde, il se permet même d’échanger quelques mots avec Joseph Menconi et François Marchioni – qui comparaissent libres -, avant d’être gentiment rappelé à l’ordre par l’un des policiers.

Pour cette nouvelle journée d’audience, il reste le seul accusé détenu qui a accepté de se présenter devant la cour d’assises. Entouré de trois membres de forces de l’ordre, l’homme seul ne suffit pas à occuper l’espace qui reste autrement désespérément vide du box des accusés.

Le box avait justement été agrandi en vue d’accueillir les neuf accusés détenus de ce procès du double assassinat de Bastia-Poretta, assure un avocat. Des travaux qui se seraient chiffrés à quelque 100.000 euros… Et qui semblent désormais bien obsolètes, alors que les huit autres accusés détenus ont refusé – comme ils l’ont fait lors des quatre dernières journées d’audience – de quitter les geôles du palais de justice.

Un box "beaucoup trop grand pour un innocent", glisse Me Yassine Maharsi, l’un de ses avocats. Son client, il le rappelle, nie, dans cette affaire, les faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime qui lui sont reprochés.

Débutée avec près d’1h30 de retard – à 10h25 à défaut de 9h, comme annoncé sur le planning d’audience, "mais c’est devenu habituel depuis le début du procès", sourient des membres des forces de l'ordre -, cette cinquième semaine d’audience s’est ouverte avec le témoignage en visioconférence du neveu de François Marchioni.

Interrogé sur des recherches effectuées depuis son téléphone vers un site de revente pour une voiture qui aurait pu servir dans le cadre du double assassinat, ainsi que pour le potentiel achat d’un téléphone prépayé, le jeune homme ne se rappelle majoritairement plus, ou ne sait pas vraiment.

La possible "association de malfaiteurs"

Un témoignage qui n'appelle pas à de nombreuses réactions au sein de la cour, et clos par l’examen à la demande du président par le jeune homme des photos prises des accusés. "Lesquels reconnaissez-vous ?", interroge Jean-Yves Martorano. Le témoin indique reconnaître, notamment, son oncle, Christophe et Richard Guazzelli, Christophe Andreani, et Abdel-Hafid Bekouche, qu’il désigne comme "Karim, c’est comme ça que je le connais".

Sur le banc de la défense, les conseils de Jacques Mariani s’agacent silencieusement. "Le président veut pousser pour que soit reconnue l’association de malfaiteurs", reprochent-ils à la pause.

La compagne d’Ali Sebbouba – père de Jaouad Sebbouba, parmi les prévenus dans cette affaire - n'est, elle, pas présente, ce 3 juin, pour témoigner. Une absence "comprise" par la cour, près de deux ans jour pour jour après l’assassinat de son époux, à Montesoro, dans les quartiers Sud de Bastia, alors qu’il s’apprêtait à partir en voiture à son travail.

Mis en examen en 2018, soupçonné par les enquêteurs d’avoir aidé à cacher la voiture des tueurs, Ali Sebbouba aurait dû, dans tous les cas, "bénéficier d’un non-lieu", précise le président face à la cour.

Le retour demandé de l'ex-repenti et l'absence regrettée d'un enquêteur

La matinée présente aussi l'occasion pour Me Yassine Maharsi de faire remonter devant la cour d’assises deux demandes : la première, le versement aux débats d’un article de Corse-Matin, en date du 31 mai dernier, et dans lequel l’ex-repenti Jérôme Tousaint répond aux questions du journaliste. Le président de la cour, Jean-Yves Martorano, y consent. Il faut dire, estime l'avocat, que cette interview est "assez choquante", considérant que l’homme, lors de son témoignage devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhônes, avait obtenu de se présenter à huis clos.

"Nous sommes en train de réfléchir à déposer un supplément d’information, explique le conseil. Parce que nous avons un témoin où personne ne sait a priori où il est, pour lequel ont été prises des précautions, qui se cache mais apparemment pas trop puisqu’il accepte de répondre à la presse. Alors nous allons demander à ce qu’il revienne témoigner, et pas en huis clos."

"Je pense que le certificat médical envoyé est un faux [...] Ce n’est pas suffisant, et ce n’est pas sérieux pour une cour d’assises"

Me Yassine Maharsi, conseil de Jacques Mariani

La deuxième remarque de l’avocat concerne un enquêteur, appelé à venir témoigner dans le calendrier d’audience, mais qui ne s’est pour l’heure pas présenté à la barre, faisant valoir des raisons médicales. "Je pense que le certificat médical envoyé est un faux, avance le conseil. Il y a des erreurs dessus qui sont inadmissibles. Ce n’est pas suffisant, et ce n’est pas sérieux pour une cour d’assises".

"Il faut d’abord qu’on sache ce qu’il en est, tempère le président. Nous allons faire la demande d’un certificat médical actualisé, et s’il y a une difficulté, la cour statuera."

"C’est extrêmement important pour la défense de Monsieur Mariani qu’il soit présent", insiste Me Yassine Maharsi. "Pour nous aussi, confirme Me Adrien Milani, conseil de Gaëlle Sker  - compagne de Richard Guazzelli, non-présente à l’audience ce lundi. Il n’y a pas, dans ce procès, un seul procès-verbal qui n’a pas été signé [par cet enquêteur]".

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Interview de Me Adrien Milani, avocat de Gaëlle Sker, compagne de Richard Guazzelli. ©A. BOUSCHON / FTV

Témoins absents et débats écourtés

Réouverts après la pause méridienne, les débats de l’après-midi sont écourtés, pour cause : aucun des trois témoins attendus à la barre ne s'est présenté. Pour le premier, l’avocat général fait valoir l’importance de sa venue à l’audience : "Il me semble indispensable qu’il soit entendu physiquement".

Sans opposition de la défense sur ce point, le président ordonne ainsi que soient relancées les recherches dudit témoin.

Pour la seconde personne qui devait être entendue, ni le ministère public ni la défense n'émettent pas d’opposition ni d’observation à ce que la cour passe outre son absence. Les dépositions de cet homme, qui aurait prêté quelques heures une voiture à Christophe Guazzelli – soupçonné par la justice d’être parmi les têtes de ce double assassinat -, sont lues en lieu et place. La voiture en question a pu être liée, dans le cadre de l’enquête, au double assassinat.

Le troisième qui était appelé à la barre est l’oncle d’Ange-Marie Michelosi, l’un des prévenus détenus dans cette affaire. Là encore, l’avocat général et la défense n’émettent pas d’opposition à ce que la cour lise simplement les procès-verbaux le concernant et passe outre son absence, "même si on la regrette fort", soupire le président.

Une lecture longue – plus d’une heure -, des comptes-rendus des enquêteurs. Sans avoir entendu les enquêteurs en question avant, regrettent les conseils de Jacques Mariani, pointant une nouvelle fois du doigt le planning d'audiencement maintes fois actualisé. Et dans un ordre jugé "logique" par les enquêteurs, mais qui pourrait parfois sembler à décharge contre leur client, notent-ils.

Dans une cour d'assises, on a trois magistrats professionnels qui ont accès au dossier et on a six jurés qui n'ont accès à rien, à part ce qui se passe à l'audience.

Me Heidi Dakhlaoui, conseil de Jacques Mariani

"Nous avons estimé que la retranscription faite par le président de cette audition et des questions posées par l'enquêteur n'était pas tellement fidèle de ce qu'on avait dans la procédure, explique au sortir de la salle Me Heidi Dakhlaoui, l'un des avocats de Jacques Mariani. C'est la raison pour laquelle nous avons fait part de nos observations.

"Vous savez, continue-t-il, dans une cour d'assises, on a trois magistrats professionnels qui ont accès au dossier et on a six jurés qui n'ont accès à rien, à part ce qui se passe à l'audience. Alors évidemment, il est indispensable de faire des observations quand on les estime légitime."

Les débats reprennent dès demain, mardi 4 juin, avec la poursuite de l'examen des faits dans leur aspect "associatif".

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