La future convention médicale ne reconnaîtra pas le statut d'île montagne à la Corse. C'est une décision difficile à accepter pour le collectif des médecins libéraux, qui redoute l'aggravation de la dégradation du système de santé sur l'île. Certains professionnels envisagent le déconventionnement.
La fenêtre de tir était étroite, mais elle existait, selon les médecins libéraux corses, qui ont voulu y croire jusqu'au bout, malgré des interlocuteurs qui, pour la plupart, n'ont jamais fait mystère de leur hostilité à la démarche.
Et pourtant, le 8 février dernier, la Caisse Nationale d'Assurance Maladie a opposé une fin de non-recevoir aux propositions du collectif qui s'était constitué sur l'île au printemps dernier. Ces propositions, qui reposaient sur une prise en compte des spécificités de la Corse, ne pèseront pas sur négociations conventionnelles qui se déroulent actuellement et qui fixeront les termes du contrat liant les médecins libéraux à la CNAM pour les cinq prochaines années.
"Un rapport a été remis et discuté lors d' un focus consacré spécifiquement aux DOM TOM et à la Corse avec la CNAM. Il a été mis en évidence que les conditions dans ces différents territoires étaient
superposables et nécessitaient des adaptations spécifiques similaires. Malgré tout ce travail et le constat alarmant concernant l'accès aux soins en Corse, la CNAM ne reconnaît aucune légitimité à la Corse de bénéficier des mêmes mesures spécifiques que les territoires ultramarins. Toutes nos propositions ont été rejetées".
RDV le 16 mars
Ce blocage témoignerait "de la volonté de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie d'instaurer un système de santé à bas coût qui s'inspire du modèle britannique (13 semaines pour obtenir un rdv avec son médecin généraliste, 2 ans pour se faire opérer d'une arthrose de hanche). Ce modèle aura des répercussions encore plus fortes qu'en Angleterre sur notre île car la Corse est déjà en difficulté de par son particularisme île-montagne non pris en compte".
Les médecins libéraux corses s'interrogent sur le bien-fondé d'une convention
ML Corsica
La menace circulait, à demi-mot, parmi les médecins réunis devant l'ARS, à Ajaccio, fin janvier. C'est désormais affiché clairement par le collectif, très remonté après l'échec des négociations : "Les médecins libéraux corses s'interrogent sur le bien-fondé d'une convention qui entérine la dégradation de l'accès aux soins pour tous et ne permet pas aux médecins libéraux d'exercer une médecine de qualité dans des conditions acceptables en Corse".
Le 16 mars prochain, ils vont se réunir pour "débattre du bien-fondé du système conventionnel en Corse face à l'absence de prise en compte par l'Assurance Maladie et par les hommes politiques au pouvoir des spécificités de notre île et de l'urgence à agir".
Un déconventionnement serait un signal fort envoyé à Paris. En effet, le conventionnement couvre notamment les processus administratifs, fixe les tarifs de référence qui servent de base aux remboursements et les procédures de remboursement.
Fin du déconventionnement ?
Un déconventionnement est une rupture de contrat, qui permettrait au médecin de fixer librement ses tarifs. Ces derniers pourraient ainsi être supérieurs aux 25 euros actuels.
De surcroît, la Sécurité sociale ne rembourserait plus que 0,61 euro, contre 70 % du tarif conditionné actuellement. Et les mutuelles sont loin de toutes prendre en compte la différence...
On le voit, ce signal fort pourrait se faire au détriment des patients. Mais les praticiens, eux, martèlent que c'est la main-mise de l'Etat sur le système de santé insulaire qui pénalise fortement les patients, alors que de moins en moins de médecins s'installent sur l'île, en raison des conditions proposées.
Quoi qu'il en soit, la situation des médecins libéraux insulaires, après le refus de la Caisse nationale, semble inextricable.