A Ville-di-Pietrabugno, au Nord de Bastia, une résidence est menacée par la montée des eaux. Les habitants ont investi plus d’1,7 million d’euros pour construire une digue et éviter que la mer grignote encore plus leur immeuble.
Sur son balcon, Marc, octogénaire, tient à nous montrer les conséquences du réchauffement climatique. Propriétaire d'un appartement au sixième étage de la résidence I Minelli, le retraité a vu la mer prendre du terrain au fil des années. Dans les années 80, avec sa femme, il se souvient des baignades sur les rochers, "il y avait une longue dalle en béton, on nageait juste en bas avec les gens de la résidence". Aujourd'hui, le trait de côte a reculé de 15 mètres et la mer atteint parfois le rez-de-chaussée de l'immeuble lors de fortes tempêtes.
Pour protéger la résidence, Marc et les 85 autres copropriétaires de la résidence I Minelli ont opté pour des travaux d'urgence. Après avoir fait appel à des spécialistes, ils choissisent d'investir dans une digue en béton armée de 171 mètres de long. Les travaux ont débuté en mai 2023. "Cette digue, je suis à 100% pour. Si ça continue comme ça, dans le futur il n’y aura plus rien. Je pense à mes enfants et à mes petits-enfants, c’est un investissement mais on protège notre patrimoine", défend le retraité.
Pour réaliser ce mur, la copropriété a déboursé 1,7 million d’euros et n'a bénéficié d'aucune aide. "C’était ça ou plus de maison. Cette digue est indispensable à la survie de l’immeuble", ajoute le voisin de palier de Marc. En moyenne, chacun a investi entre 20.000 et 30.000 euros.
Un investissement d’avenir
L'envie de construire cette digue s'est accentuée au fil des années. Propriétaire d'un appartement au rez-de-chausée, Pierre Garcia, est en première ligne face au danger de la mer. Il fait partie des habitants les plus exposés. Les images de la violente tempête Adrian en 2018 tournent encore dans sa tête. Un mur de pierres était tombé sous les vagues. "La tempête Adrian a été très violente, elle a fait perdre deux mètres de terrain. C'est de pire en pire", se désole le quinquéganaire, propriétaire depuis six ans.
Si Pierre Garcia a accepté d'investir dans cette digue, c'est aussi pour les possibles conséquences juridiques. "Je ne voulais pas accepter le risque que l’immeuble soit déclaré en péril et que nous soyons obligé de quitter l’immeuble", défend-il.
Je ne veux pas encourir ce risque, ce serait une catastrophe de devoir quitter l’immeuble.
Pierre Garcia, copropriétaire de la résidence I Minelli
Un projet qui coûte cher
Si l’investissement semble indispensable pour certains, d’autres regrettent le manque d’aide des pouvoirs publics. "Moi qui ne roule pas sur l’or, ça m’a coûté très cher ! Nous avons supplié partout des aides de l’Etat et de la mairie, nous n’avons rien obtenu. On n’a pas eu un kopeck !", regrette une des propriétaires. "Ça m’a coûté beaucoup d’économie mais au moins, moi j’ai pu payer. D’autres sont partis, ils ont dû vendre car c’était trop cher", surenchérit une voisine, résidente depuis cinquante ans.
Selon la copropriété, ni l'Etat ni les pouvoirs publics ne pouvait participer financièrement. La mise en sécurité du bâtiment ne relevait exclusivement des copropriétaires. "On ne pouvait pas attendre des financements pendant des années, il a fallu agir vite pour la survie de l'immeuble", clâme Pierre Garcia.
Si le projet ne fait pas l’unanimité au sein de la copropriété, les travaux vont reprendre à partir du 15 septembre, après avoir été interrompus pendant les vacances d'été. La fin du chantier, elle, est prévue pour le printemps 2024.