Apnéiste de l’extrême, habitué des fonds marins, Michel Nox a décidé de rester en surface pendant 236km, le temps de relier à la nage le Var et Calvi. Avec cet exploit sportif, il espère sensibiliser le grand public au problème de la pollution de la mer.
Lors du premier confinement, les habitués de la mer, plaisanciers, surfeurs, pêcheurs amateurs, plongeurs ou simple promeneurs regrettaient de ne pas pouvoir accéder au littoral. Michel Nox était de ceux-là, lui qui côtoie la Méditerranée depuis son enfance et s’est spécialisé il y a sept ans dans l’apnée extrême, en profondeur. "Je me suis dit que cette prise de conscience générale de l’importance de la mer était l’occasion de faire passer un message : si on continue à la dégrader comme ça, ce qu’on a vécu pendant le confinement, à savoir une interdiction du littoral pendant deux mois, ça pouvait, à terme devenir définitif. Et là malheureusement, quand la mer sera définitivement polluée, on ne pourra plus faire machine arrière."
Si on continue à dégrader la mer comme ça, ce qu’on a vécu pendant le confinement, à savoir une interdiction du littoral pendant deux mois, ça peut, à terme devenir définitif. Et là malheureusement, on ne pourra plus faire machine arrière
236km à la nage en 8 jours
Habitué des exploits sportifs, Michel Nox, 46 ans, a alors décidé de se lancer un défi : relier le port du Lavandou (Var) à Calvi (Haute-Corse) à la nage. En huit jours, du 17 au 25 septembre 2020, il a parcouru 236km avec ses palmes, suivi par un bateau à voile qui assurait sa sécurité.
"On entend en permanence que la Méditerranée souffre, dit-il. Mais il ne se passe rien de concret. Quand vous faites un exploit sportif, vous êtes sous le feu des projecteurs et vous pouvez dire "moi je suis apnéiste, je vois une dégradation de la mer Méditerranée qui est récente.""
La disparition des espèces sous nos yeux
Dans cette mer qu’il côtoie quasi quotidiennement, il voit disparaître les espèces et filme, pour témoigner : "Quand j’étais petit, il y avait une prolifération d’oursins monumentale. Quand on courait sur les rochers on faisait attention où on mettait les pieds. Aujourd’hui pour trouver un oursin comestible ça devient problématique. Avant, on pensait qu’il y en avait tellement que ce serait inépuisable."
Je suis apnéiste, je vois une dégradation de la mer Méditerranée qui est récente.
En profondeur, la pollution a parfois remplacé les poissons : "quand j’ai commencé l’apnée, à des profondeurs de 40-50 mètres on trouvait énormément de vie et maintenant vous trouvez de la vie localisée sur les épaves et lorsque vous faites 200 mètres à côté, c’est le désert le plus complet."
Pour lui, témoigner est essentiel, y compris auprès des jeunes générations à qui il montre ses images dans les écoles.
Quand je suis arrivé en Corse, la pollution était la même. Si on ne met pas la tête dans l’eau on ne le remarque pas forcément. Ce qu’on ne voit pas ne nous inquiète pas.
Les bords de mers jonchés de détritus paraissent propres, en comparaison de ce qu’il voit sous l’eau : "Sur le littoral vous avez pas mal de courant, il y a beaucoup de houle donc les déchets finissent toujours sur des plages qui sont ensuite plus ou moins nettoyées mais quand vous allez dans des endroits plus profonds, qui ne sont pas soumis à ce courant et à la force de la houle, tout s’entasse."
Dans un documentaire qui doit sortir cette semaine, Michel Nox va raconter sa traversée, ce qu’il a vu, et "l’expérience humaine" de son exploit.