Le complexe situé sur la commune d’Alata a été récemment acquis 4,6 millions d’euros par un entrepreneur insulaire. Un prix remis en cause par la CGT qui l’estime en-dessous de celui du marché. Le syndicat a saisi la justice pour demander une nouvelle expertise.
La vente du Paese di Lava a-t-elle été sous-évaluée ?
Situé sur la commune d’Alata, le village de vacances a été acquis 4.650.000 euros par Jean-Marc Ettori, PDG du tour-opérateur Corsicatours. Le chef d’entreprise porto-vecchiais l’a acheté à l'Association centrale des activités sociales (ACAS) du Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Le site était alors géré par cet organisme en charge des œuvres sociales au sein duquel siégeaient les syndicats.
C’est d’ailleurs l’un d’eux, la CGT, qui conteste aujourd’hui le prix de vente, estimant qu’il est trop faible par rapport à celui du marché. Le syndicat a saisi la justice afin qu’elle procède à une nouvelle expertise de cette résidence de tourisme.
"Il s’agit d’un complexe de 8000 mètres carrés avec 126 logements, 515 lits, une piscine et un cours de tennis, avec une vue imprenable sur la mer, le tout supporté par 12 hectares plongeant dans le Golfe de Lava, détaille Maître Julien Gasbaoui, l’avocat de la CGT. Si vous rapportez ça au prix du mètre carré, nous sommes en-deçà du prix d'un terrain agricole en Corse. Je pense que les doutes de mes clients sont plus que légitimes."
Selon Maître Gasbaoui, ces derniers "sont un peu frustrés des conditions dans lesquelles cette vente s'est réalisée. C'est une cession qui a eu lieu peu après la crise sanitaire. C'est une vente qui a été proposée sans diffusion publique. Nous avons sollicité la possibilité d'une expertise contradictoire, c'est-à-dire par un expert désigné par la société cédante et par mes clients. Les personnes que nous assignons aujourd'hui ont refusé."
Nouveau propriétaire du Paese di Lava, Jean-Marc Ettori se dit quelque peu "étonné" par la démarche de la CGT.
"À travers sa "fille" Touristra (Tourisme et travail), la CGT a fait une offre d’1,5 million d’euro pour racheter le bien, indique-t-il. Je ne vois donc pas comment elle peut se plaindre que ça n’a pas été vendu assez cher. Qu’on vienne me dire aujourd’hui qu’une offre de 5 millions, alors qu’il y a encore 5 millions de travaux derrière, est sous-évaluée, c’est fort de café. Le Commissariat à l’énergie atomique a aussi demandé une évaluation qui était d’un peu plus de 5 millions d’euros."
"Depuis deux ans, ajoute Jean-Marc Ettori, la CGT n’a eu de cesse de faire capoter cette opération."
Pour lui, cette affaire serait la résultante "d’un conflit entre la CGT et la CFDT au sein du Commissariat à l’énergie atomique".
Ci-dessous, le sujet réalisé par nos équipes :
Intervenants : Julien Gasbaoui (avocat CGT) - Jean-Marc Ettori (acquéreur Paese di Lava)
Journalistes : D. Moret - J.Y. Loes - D. Da Meda - F. Bernardini
Plusieurs évaluations
À Lava, plusieurs acquéreurs potentiels s’étaient montrés intéressés par la vente du Paese, dont Touristra, un tour-opérateur spécialisé dans le tourisme social.
Afin d’éviter une potentielle spéculation immobilière, le maire d’Alata, Etienne Ferrandi, avait voulu préempter le complexe. Dans cette optique, il avait fait réaliser deux expertises : l’une avait évalué le bien à 5,7 millions d’euros, l’autre à 10 millions d’euros, en tenant compte du potentiel économique du Paese.
Faute de respect des délais légaux et de financement, la mairie d’Alata n’avait finalement pu préempter le Paese di Lava.
Par ailleurs, Jean-Marc Ettori s’était engagé avec le maire d’Alata à ne pas vendre les terrains à la découpe.
"Nous l’avons fait d’autant plus volontiers que ça n’a jamais été le cas, fait-il savoir. Ma famille et moi n’avons jamais rien vendu de ce que nous avons acheté et nous ne revendrons jamais rien. J’ai donc signé d’autant plus volontiers ce papier avec monsieur le maire."
Nous ne sommes ni des promoteurs, ni des spéculateurs. Cette affaire est une tempête dans un verre d’eau, rien de plus.
Jean-Marc Ettori
À travers l’achat du complexe, le chef d’entreprise réfute toute idée de spéculation.
"Ce site est dans une zone Natura 2000, dans une zone Znef, explique-t-il. Le Padduc y interdit toute construction nouvelle. Ce qui veut dire que ces 12 hectares ne sont pas constructibles pour un promoteur que je ne suis pas. Ce sont 12 hectares de terrain agricole. Si quelqu’un voulait spéculer et faire des appartements sur l’existant, ce n’est pas ma philosophie de vie. La société qui rachète s’appelle Riacquistu 9. C’est la réappropriation de biens et de terrains vendus il y a longtemps par des Corses à des non Corses et je les rachète chaque fois que je peux. Nous ne sommes ni des promoteurs, ni des spéculateurs. Cette affaire est une tempête dans un verre d’eau, rien de plus."
De son côté, Maître Gasbaoui a une conviction : "si cette société civile, Paese di Lava, avait été une société classique, avec un actionnariat classique et un dirigeant véritablement mû par l’intérêt social, je pense qu’elle n’aurait pas accepté de se défaire d’un bien aussi précieux pour un prix de 4.650.000 euros."
Reste à savoir si une nouvelle expertise du Paese di Lava sera diligentée par le tribunal judiciaire d’Ajaccio. Une première audience aura lieu le 20 septembre prochain.