À la veille d'une élection cruciale pour l'avenir politique du pays, le magazine Mediterraneo a enquêté en Turquie où le président sortant Erdogan est en difficulté dans les sondages face à son principal adversaire.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan, donné souffrant depuis le 25 avril, est réapparu le 29 avril en public en affichant un air combatif après trois jours d'éclipse, à deux semaines de la présidentielle prévue le 14 mai. Le chef de l'Etat, encore pâle, s'est présenté en combinaison rouge de pilote sur l'ancien aéroport Atatürk d'Istanbul. Atteint par un virus intestinal, selon son entourage, M. Erdogan,69 ans dont vingt au pouvoir, ne s'était plus exprimé cette semaine-là que par visioconférence, suscitant des interrogations sur son état de santé à l'approche du scrutin.
Selon un sondage de l'institut TAG Research, 51,8% des électeurs souhaitent voir le chef du CHP (le principal parti d'opposition) Kemal Kiliçdaroglu à la présidence contre 42,6% pour M. Erdogan.
Kiliçdaroglu - souriant sur ses affiches de campagne sous le slogan : "Bonjour, je suis Kemal, j'arrive !" - représente une alliance de six partis, de la gauche à la droite nationaliste, et a reçu le soutien tacite du parti pro-kurde HDP (10 à 13% des électeurs) dont le leader, Selahattin Demirtas, est emprisonné.
Kiliçdaroglu, économiste et ancien haut-fonctionnaire de 74 ans, s'adresse sur Twitter à chaque segment de la société via des messages vidéo, depuis sa cuisine en formica et mal éclairée - 3,3 millions de vues pour le dernier, jeudi, à l'attention des femmes conservatrices.
L'Eurasia Group, consultant en risques politiques, affirme dans une note du 22 mars que depuis l'annonce de sa candidature, le chef du CHP n'a cessé "d'élargir sa base" (de 30 à 40% des intentions de vote) tandis que celle de M. Erdogan s'érode (de 60 à 50%).
"Le principal défi de Kiliçdaroglu sera de gagner les électeurs anti-Erdogan- qui constituent la majorité - sans déclencher de bagarres au sein de l'opposition", juge l'Eurasia Group.
Le vote jeune sera l'une des composantes importantes de cette élection : 70% du corps électoral a moins de 34 ans et six millions de jeunes Turcs voteront pour la première fois le 14 mai.
Outre la grave crise économique (plus de 50% d'inflation et jusqu'à 85% à l'automne) qui plombe le revenu des ménages, le séisme a fait apparaître les failles de l'Etat tout-puissant rêvé par M. Erdogan.
Il a fallu trois jours pour déclencher les secours dans un pays hyper-centralisé, puis des ratés sont apparus dans la distribution de l'aide, en particulier des tentes. Mais surtout, l'effondrement des habitations a révélé la négligence des secteurs immobiliers et de la construction, ceux-là mêmes qui ont tiré la croissance sous M. Erdogan depuis 20 ans.
Le président, qui avait fait campagne en 2003 sur les ruines du séisme de 1999 à Izmit (nord-ouest, 17.000 morts) en dénonçant l'impéritie du système, risque à son tour de payer pour ce sol turc toujours en colère.
Le magazine MEDITERRANEO consacre un reportage réalisé par Yannick Aroussi et Christian Mathieu sur cet enjeu en Turquie, samedi à 11h25 sur France 3 PACA et dimanche à 11h25 sur France 3 Corse Viastella
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