Michel Stefani : "il ne faut pas laisser s'éteindre la flamme de l'idéal communiste"

Le secrétaire fédéral du PC, ancien élu à l'Assemblée de Corse, répond à nos questions alors que le Parti communiste fête ses 100 ans. L'occasion de revenir sur l'histoire du mouvement en Corse, et de s'interroger sur demain, alors que, politiquement, le parti connaît des temps difficiles.

Qu'est-ce que vous ressentez, en tant que militant, alors que le PC insulaire a cent ans ?
Cette question m'oblige à regarder notre histoire un travers un prisme personnel, et ce n'est jamais simple... Même si en restant relativement jeune, 60 ans (sourire) j'ai passé presque quarante années à militer. Quarante ans à côtoyer des militants exceptionnels, Leo Micheli, Albert Ferracci, Albert Stefanini, Raoul Begnini, parmi tant d'autres figures. Mais je n'oublie pas bien sûr tous les autres, ouvriers, instits, salariés, qui ont lutté pour défendre l'idéal communiste, et qui ont été de toutes les grandes luttes du siècle, la Résistance, la Libération, les grandes conquêtes sociales, les services publics, la sécurité sociale, les droits des travailleurs, le combat contre le colonialisme...

Tout le monde n'a pas la chance d'avoir des parents communistes

Je pense que la Corse ne serait pas ce qu'elle est sans l'apport des communistes insulaires. Et je le dis avec une certaine fierté, mais en restant humble, par respect pour celles et ceux à qui ont le doit, et qui pour beaucoup ne sont plus là. 

Votre premier contact avec le Parti communiste date de quand ? 
Ca a commencé tôt. On peut dire que j'avais des antécédents... Comme a dit quelqu'un tout le monde n'a pas la chance d'avoir eu des parents communistes ! Et puis j'ai commencé à travailler très tôt, à 16 ans, chez Femenia Fabrication. C'était, pour la Corse, une grande entreprise industrielle de fabrication de cuves pour les vignobles, et de machines à vendanger. Et très vite dans ce contexte, j'ai ressenti la nécessité de m'engager comme militant. Au Parti communiste. Cela me semblait un choix naturel. 

Et l'engagement politique n'a pas tardé à suivre...
J'ai fait ma première campagne électorale avec Giudicelli, lors des élections législatives qui ont suivi la présidentielle de 1981. J'avais une vingtaine d'années. J'en garde un excellent souvenir. On se battait pour une gauche authentique, qui résistait à la domination capitaliste, dans la droite lignée du programme commun, avec des objectis et des valeurs. 

La fuite de la jeunesse

On se dit que les choses ont changé. Le Parti communiste, à l'époque, était un parti qui rassemblait une grande partie de la jeunesse. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Qu'est-ce qui s'est passé ? 
On est victimes, comme d'autres, d'un réel rejet de la politique. Chez les jeunes et les autres. Il y a eu tellement de déceptions, par rapport aux engagements pris, je pense notamment bien sûr aux élections présidentielles...

Beaucoup se mobilisent encore, mais on les retrouve chez la France Insoumise. Le fait de vous être rangé derrière Mélenchon en 2012 et 2017 vous a relégué au second plan, d'une certaine manière ? 
le PC n'existe pas pour lui-même. Nous nous sommes sans doute trompés quand on a fait le choix de soutenir cette candidature. Mais nous pensions qu'il fallait rassembler nos forces, et faire le meilleur résultat possible à l'extrême-gauche pour enclencher des transformations sociales nécessaires dans la société. 

On a l'impression q'un 2022, il pourrait en être autrement.
On a fait une expérience, et nous nous interrogeons aujourd'hui ses ses effets positifs, c'est vrai. Pour la prochaine échéance on a commencé à travailler, on prendra une décision en avril prochain. Mais on doit tirer les enseignements de cet échec. Peut-être déciderons-nous de présenter un candidat communiste. 

Histoire, aussi, de remobiliser la jeunesse ? 
Bien sûr qu'on aimerait que la jeunesse se tourne beaucoup plus vers nous. Mais pour l'instant, reconnaissons-le, ce n'est pas le cas. Alors nous nosu efforçons de faire en sorte que la jeunesse se retrouve dans l'idéal communiste. Surtout en ce moment, alors que le capitalisme montre à quel point il est dévastateur, pour l'être humain et pour l'écologie. Il faut que nous retissions des liens. 

 La cassure Radicaux/PC corse

Revenons à la Corse. L'année du centenaire a été marqué par un petit tremblement de terre pour la gauche bastiaise, et au-delà, insulaire. La fin d'une alliance de plus de 40 ans entre les radicaux et les communistes. 
Une page d'histoire s'est tournée, c'est vrai. A un moment où la gauche était en totale déshérence. Et aujourd'hui, elle est dans un état pire encore, à cause d'ambitions personnelles, de constructions politiciennes qui laissaient de côté l'espoir de changements. C'est ce à quoi nous avons assisté au second tour des municipales bastiaises, alors que tout était réuni pour un changement de municipalité. 

Vos alliés traditionnels, la famille Zuccarelli, ont rejoint une alliance que vous jugiez pour le moins hétéroclite. Et contraire à vos idées. 
D'ailleurs, il convient de s'interroger sur le résultat de la majorité sortante au second tour... En comparaison de celui qu'elle avait réalisée au premier tour. A ce moment-là, tout le monde la donnait battue. 

Pour vous c'est cette alliance qui n'a pas convaincue ?
C'était le résultat d'arrangements politiciens qui ne tenaient pas compte des principes politiques. Nous les avons refusés. La politique c'est une question de principes, et de confiance. Il fallait convaincre les Bastiaises et les Bastiais de la nécessité de ce changement. Malheureusement la forme a pris le dessus sur le fond. Et cette forme, qui a été présentée au second tour, et que nous avions refusée, a été également refusés par les électrices et les électeurs.  

Recontruire la gauche

C'est un coup dur pour vous.
C'est en tout cas un échec cuisant, qui met en difficulté les forces de progrès de gauche. Ca a suscité énormément de déception. C'était une construction politique depuis d'un demi-siècle, qui avait démarré en 67, 68, qui s'est terminée à ce moment-là.

C'est vraiment terminé ? 
Eh bien oui. Bastia a toujours été le berceau d'une certaine gauche tournée vers le progrès. La participation des communistes à une majorité municipale dans laquelle elle avait une vraie influence a été positive pendant de nombreuses mandatures. C'est toute une conception de la gauche qui a été mise à mal lors des dernières municipales. 

On nous dit souvent qu'il ne reste plus que nous à gauche...

C'est, peut-être, paradoxalement, une aubaine pour le PC...
En tout cas on ne l'a pas voulue, cette situation. Mais c'est vrai que beaucoup nous disent gentiment "il ne reste plus que vous à gauche". Alors nous nous adressons à ces femmes et ces hommes qui ne se reconnaissent pas dans les autres formations, mais qui conservent un attachement pour les idées de gauche. 

Quel avenir pour le PC corse ?

De manière plus générale, les conséquences économiques de la crise du Covid19 pourraient conduire à un retour en force du PC, non ?
On n'a pas pour habitude de surfer sur la vague, mais on pourrait effectivement penser que les conditions sont reunies. Il y a en face de nous des intérêts qui sont défendus par une classe dirigeante au pouuvoir dans les domaines politique et économique.
Et nous, au PC, depuis toujours, nous leur contestons cette domination, qui est contraire aux intérêts populaires des salariés. La crise sanitaire va être un désastre social, et elle fait la démonstration tous les jours que les politiques menées en vertu de l'ultralibéralisme font énormément de dégâts. 

Je répondrai donc à votre question en citant Pierre Gattaz, l'ancien patron du MEDEF : "On ne fait pas la même politique quand le Parti communiste est à 20 % que lorsqu'on a un Parti communiste à 10 %". 

Quel regard vous portez sur le Parti communiste corse en 2020 ? 
Déjà nous avons l'avantage d'avoir un parti organisé, avec des militants en nombre respectable, 300 cotisants réguliers et 700 en comptant les sympathisants. Nous restons une force qui compte. Et un parti animé par une volonté d'altruisme, qui consiste à porter une idée de changement. Si on laisse la flamme s'éteindre il n'y aura plus d'espoir. Et on a tous besoin d'espoir. 

 

 

 

 

 

 

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