Si elle a été officiellement créée au début du XVIIe siècle, la Guardia corsa papale a vu de nombreux Corses composer ses rangs dès le VIIIe siècle. Mercenaires, soldats réputés, les insulaires qui en faisaient partie avaient été choisis à l'origine par le pape Léon III pour garder les murs de Rome.
Cœur battant de Rome avec ses restaurants, ses bâtiments colorés et sa vie animée, le quartier populaire du Trastevere témoigne d’une histoire oubliée : celle de sa communauté corse dont les traces demeurent çà et là comme dans la Basilique de San Crisogono, appelée aussi Chiesa nazionale dei corsi.
En tout, ce sont des centaines voire des milliers de personnes qui, au fil des siècles, se sont impliquées dans la vie de la ville éternelle mais aussi et surtout du Saint-Siège.
L’histoire prendrait sa source au VIIIème siècle, avec la décision du pape Léon III de recruter des Corses pour assurer la sécurité du Vatican. C’est la naissance de la Guardia corsa papale.
"Ils avaient des rôles de policier, de douanier, explique Yves Pasquali, fondateur de l'associu Guardia corsa papale. En faisant cela, ils ont participé au développement de la ville de Rome et du Saint-Siège. Les faits d'armes sont nombreux. Il ne faut pas oublier qu'à un moment donné, ils avaient trois casernes. Ce sont donc des milliers de gens qui ont été au service du pape pendant des siècles. Ce n'est pas une histoire de quelques personnes qui sont allées à Rome..."
Le reportage de Jean-Philippe Mattei, Pierre Nicolas, Anna Péron et Stéphane Lapera :
Poussés vers Rome ou encore Venise par les invasions diverses dans l’île, les Corses sont choisis par le pape avec soin. Mercenaires, soldats réputés, leur bravoure a été reconnue et leurs talents utilisés dans la garde du Saint-Père.
"I Corsi sò stati sempri ubligati à difendasi, dice Antoine Tramini, membru di l'associu Guardia corsa papale. U papa eddu sapia ch'i Corsi erani ghjenti valurosi, ghjenti cumbattanti, chì si battiani, chì manighjavani bè l'armi. Dunqua, sapia bè ch'incù i Corsi ùn ci avia micca da esse tanti prublemi."
Si la Guardia corsa papale perdure au fur et à mesure que les souverains pontifes se succèdent, elle n’est officialisée qu’au XVIIe siècle.
Enracinés à Rome et jouant le rôle de gendarmes, les Corses seraient paradoxalement aussi à l’origine du banditisme et d’une certaine violence dans la cité romaine.
En 1662, un conflit entre la garde corse et la sécurité rapprochée du duc de Créquy, ambassadeur de Louis XIV à Rome éclate devant le palazzo Farnese. Le tout jeune roi Soleil, inexpérimenté, fait feu de tout bois sur le plan militaire.
"Il y a eu plusieurs morts dans cet affrontement, précise l'historien Antoine-Marie Graziani. Le duc de Créquy va protester officiellement et Louis XIV va partir évidemment en avant et va déclencher une quasi guerre avec le Vatican pour l'affaire corse. Et cela va être traité par un traité particulier, le traité de Pise, où le pape abandonne l'idée d'avoir une garde corse."
Confrérie corse à Rome
De nos jours, le souvenir de la Guardia corsa papale perdure grâce au travail de l’association éponyme créée par Yves Pasquali.
"Cela m'a vraiment tenu à coeur, par passion, de la remettre au goût du jour parce qu'elle est très importante pour les Corses, assure ce dernier. Il ne faut pas oublier que nous sommes une terre vaticane depuis très longtemps. Les liens avec Rome sont énormes, et pas seulement au niveau religieux. Là-bas, les Corses ont créé une confrérie qui existe toujours aujourd'hui. Ils ont participé justement à l'évolution de la ville de Rome."
Autant que faire se peut, l’associu Guardia corsa papale se rend à Rome pour célébrer la Madonna Fiumarola avec l’arciconfraternita del Carmine. Une confrérie créée par les Corses à Rome au XVe siècle.
"C'hè a prucissiò ind'a cità, dunqua in tuttu u quartieru di u Trastevere, spiega Antoine Tramini. Eppo c'hè a famosa prucissiò nant'à u Tevere. Si parta incù a madona è si ricodda tuttu u fiume cusì sin'à insù pà ghjunghja sin'à u quartieru corsu è dopu si riparta cantendu. Sò dui ghjorni maravigliosi."
Au fil des siècles, les liens entre la Corse et le Vatican se sont montrés tour à tour resserrés et distendus. La venue du pape François à Ajaccio les renforcera sans doute encore un peu plus.