Comme chaque année à Patrimonio, San Martinu a été célébré avec ferveur et convivialité. À la fois religieuse et populaire, cette fête qui rend hommage au saint patron des vignerons a réuni plusieurs confréries de l'île. Le tout dans un contexte marqué par la probable venue du pape François à Ajaccio mi-décembre. L'occasion d'évoquer les liens entre les confrères insulaires et le Vatican.
Ce lundi 11 novembre, San Martinu a été célébré à Patrimonio.
Après la procession et la messe rendant hommage au Saint Patron des vignerons, la journée s'est poursuivie avec la traditionnelle mise en perce du tonneau de vin béni.
À la fois religieuse et populaire, cette fête a une nouvelle fois réuni beaucoup de monde et plusieurs confréries.
Le reportage de Jean-André Marchiani et Typhaine Urtizverea :
Cette année, cette fête religieuse s'est déroulée dans un contexte marqué par la probable venue du pape François dans l'île le 15 décembre prochain.
En marge des célébrations de ce lundi dans le village du Nebbiu, Christian Andreani, prieur de la confrérie San Martinu de Patrimonio, est revenu à notre micro sur les liens entre les confrères corses et le Vatican.
France 3 Corse : le pape est annoncé en Corse le 15 décembre. Quelle est votre réaction en tant que confrère, en tant que personne impliquée dans le patrimoine religieux insulaire ?
Christian Andreani : On peut dire que c'est historique. Il faut rappeler que le Vatican est un État. Il faut rappeler les liens de la Corse dans son histoire avec Rome qui sont très anciens. On travaille avec les historiens locaux ; je ne suis pas historien mais on sait qu'il y a une présence extrêmement ancienne des Corses à Rome. On sait qu'il y a une histoire avec le Vatican, avec la fameuse Guardia papale (cette unité militaire de la garde pontificale aux XVe et XVIe siècles étaient composés de mercenaires corses, ndlr).
On voit tout le travail qui est fait depuis des années pour raviver cette mémoire, et on ne peut que féliciter les associations qui s'occupent de tout cela. Il faut rappeler aussi qu'un des chefs de la police vaticane était un Corse, le cardinal Savelli. On a une tradition de prélats corses à Rome.
Les liens entre la Corse et Rome sont donc anciens et étroits...
Oui, même très étroits. La Corse étant une île en Méditerranée, la proximité avec Rome est forte, quelques dizaines de miles nautiques, ce n'est rien. Comme la présence de San Martinu sur l'île de Gallinara au IVème siècle, comme les martyrs en Corse. Donc, cette visite est vraiment historique pour la Corse et elle ne peut que retisser des liens.
Je rappelle aussi le passé important linguistique de la Corse, faisant fi de toutes les considérations historiques avec toutes les fractures de l'histoire ; notre civilisation en Corse est vraiment latine, Rome étant dans le monde latin. Donc c'est un signe fort, en dehors de toute considération politique ou polémique. C'est un honneur pour la Corse. Et je voudrais rappeler le titre d'un ouvrage paru il y a quelques années : "Corse, Terre Vaticane" (de Michel Orsini, Éditions Sud-Régie, ndlr).
Toute cette histoire que l'on ne connaît pas ou que l'on connaît peu, on essaie de la transmettre, avec l'ensemble des confrères de l'île. Et ça, c'est une dynamique extrêmement forte, vraiment reliée à l'esprit du territoire venant du rural.
En plus des liens entre Rome et la Corse précédemment évoqués, en existe-t-il des particuliers entre le Vatican et les confréries de l'île ?
Depuis quelques années, il y a une oreille attentive, bien sûr, autour des confréries. Il y aura l'an prochain un grand rassemblement de confréries à Rome ; nous y sommes d'ailleurs déjà allés plusieurs fois. Je rappelle aussi que les confréries ont été créées par des ordres, surtout par les franciscains, à des périodes de fracture sociale. Elles s'occupaient de la charité avant tout, a carità in Corsica. Je rappelle là des paroles qui étaient dans les mots de tous nos anciens. Comme "San Martinu divizia" pour dire prospérité. Si on lie cela au territoire romain, on a au Vatican la Chapelle Saint-Martin aux Suisses. Saint-Martin est le gardien de la garde pontificale. Il y a donc des liens importants.
Vous le disiez, avec les confrères, vous vous rendez régulièrement à Rome où San Martinu semble tenir une place particulière...
À chaque fois que nous allons à Rome avec la cunfraterna di San Martinu et d’autes confréries, nous ravivons ces lieux et commençons à travailler avec des chercheurs. Aujourd'hui, on peut donc dire que nous serons en mesure dans quelque temps peut-être d'inaugurer une étape de la Via Sancti Martini à Rome (chemin européen sur les pas de Saint Martin qui relie l'est et l'ouest de l'Europe, ndlr). L’une des plus vieilles basiliques de Rome se nomme San Martino ai Monti ; cette basilique qui date du IIIème siècle abrite les restes de dizaines de martyrs ensevelis. On est donc vraiment dans une histoire importante.
Autre histoire importante : celle de la Madonna Fiumarola des pêcheurs du port d'Ostie qui étaient corses. Cette Madonna di i Corsi a été retrouvée, grâce notamment au travail des associations comme la Guardia papale. Cette madonna remonte le Tibre pour venir à Rome et est fêtée par des centaines de capitaines Corses au Trastevere. Il y a donc une histoire fertile à rechercher.
De plus, ces liens sont aussi économiques, puisque la Corse a toujours eu une place importante en Méditerranée. Et avec ce type de projet comme la San Martinu, on voit la vitalité du monde viticole à Patrimonio et en Corse. C'est une manière de placer le territoire rural au cœur des préoccupations de la politique de demain. L'autonomie alimentaire, c'est une notion extrêmement importante, comme la production qualitative de nos filières. Ces journées avec toutes les associations, tous les producteurs, montrent donc un dynamisme du territoire rural.