À la Cour d’Assises de Paris, où se déroule le procès de 12 accusés pour l'évasion de Redoine Faïd de la prison de Réau le 1er juillet 2018, la défense de Jacques Mariani a plaidé l'acquittement.
Jacques Mariani est "méchant". Un héritier du gang de la Brise de mer, un "grand bandit" corse. Mais au procès du roi de la belle Rédoine Faïd, il n'a "rien à faire" dans le box, soutient sa défense en plaidant l'acquittement.
Les avocats ont compté : quatre enquêteurs, et pas des moindres, sont venus à la barre.
Le premier s'est fait rabrouer par la présidente pour avoir lancé "t'as rien à faire là" au Corse dans le box.
Les deux suivants ont dit à la cour qu'ils n'avaient trouvé "aucun élément" prouvant l'existence d'un projet d'évasion avorté en 2017. Dans ce "volet corse" du procès (qui n'a rien à voir avec le volet principal du procès, l'évasion de Réau en 2018), Rédoine Faïd est accusé d'avoir demandé à Jacques Mariani de l'aider à s'évader en échange d'assassinats ciblés de membres d'un clan rival corse.
Alors "pourquoi", demande Me Yassine Maharsi à la cour, "pourquoi l'accusation refuse d'entendre ses propres enquêteurs, ces grands flics, qui n'ont même pas apporté de petites preuves ?"
"Est-ce qu'avec ça on ne peut pas douter un tout petit peu ?", s'égosille-t-il.
Mardi, l'accusation a requis cinq ans de prison à l'encontre de son client, "sans un mot sur le manque de preuves", accuse la défense.
Les avocats généraux, souligne son autre avocat Me Hedi Dakhlaoui, ont surtout mis en avant son "ancrage certain dans la grande criminalité". Et rappelé les contacts entre Jacques Mariani et Rachid Faïd, frère de Rédoine, la rencontre pour faire passer une lettre, dans laquelle Rédoine Faïd avertissait le bandit corse de menaces de mort planant sur sa sœur.
Il n'y avait eu "rien" de plus, ont juré les Faïd et Jacques Mariani, qui contestent tout projet commun. Le dernier enquêteur s'était lui dit "persuadé" que l'opération avait été discutée, mais vite oubliée par le Corse quand les "menaces" s'étaient révélées de simples rumeurs de prison.
Vrai du faux
Ce volet, soutient la défense, n'existe "que" par les révélations de Marc (prénom modifié), l'accusé qui aurait joué l'intermédiaire avec les Faïd. Il comparaît caché après avoir balancé son ex-ami corse dans ce dossier et, plus grave, dans celui d'un double assassinat de membres d'un clan rival corse à Bastia en 2017.
"Quel intérêt" aurait-il à mentir ? a demandé l'avocate de celui qui a aujourd'hui changé de vie et d'identité, et comparaît derrière un paravent.
"Il est un accusé qui se protège" et "mélange le faux avec le vrai", martèle en réponse Me Maharsi dans sa plaidoirie. Et sans ces "déclarations", "il n'y a pas de dossier".
Il énumère les "incohérences": selon Marc, Jacques Mariani aurait proposé de participer au commando de l'évasion de 2017. "Est-ce que ça paraît crédible ?", s'étrangle l'avocat. Alors que le Corse connaissait à peine Rédoine Faïd, se trouvait en liberté conditionnelle depuis quelques semaines (sous bracelet électronique donc géolocalisé) après 17 ans en prison ?
Et Rédoine Faïd, que tous, lui compris, décrivent comme un "grand paranoïaque", il aurait été assez "débile" pour faire appel à Jacques Mariani, suivi et écouté en permanence par des policiers à cette époque ?
La rivalité entre Jacques Mariani et Marc, et le "volet corse", ont pris une place écrasante au procès. Parce que le "méchant", "grand bandit" corse qui "s'énerve et ne tient pas en place" a été "insupportable" pendant ce mois et demi d'audience, reconnaît Me Maharsi - "Pardon Jacques", s'excuse-t-il auprès de son client dans le box qui reconnaît, d'un large sourire.
Parce que "la défense de Marc a tenté de vous emmener" vers les "autres dossiers", dit-il. Et que sur le procès a plané l'ombre "de doubles assassinats" entre clans corses rivaux, la "réputation" de Jacques Mariani, son casier judiciaire, et les 38 ans qu'il a déjà passés en prison, à 57 ans.
"Il ne faut pas se tromper de réalité", "supplie" Me Maharsi. "Ce dossier c'est beaucoup de bruit pour rien".
"Je sais que l'acquittement se cache dans le doute, je sais que ce dossier ne permet pas de savoir ce qui s'est passé", conclut-il. "Je vous demande de l'acquitter."
La défense de Rédoine Faïd a quant à elle plaidé vendredi 20 octobre, dans l'après-midi.