Procès pour un trafic de stupéfiants en Corse : jusqu'à 16 ans de prison requis

Mardi à Ajaccio, le procureur a requis des peines de prison allant de 6 à 16 ans à l’encontre de Mickaël Sanna, Mickaël et Louis Carboni. Tous les trois comparaissaient depuis lundi pour un trafic de stupéfiants. Le jugement a été mis en délibéré au 17 décembre.

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"Ils nous ont donné les éléments constitutifs de ce qu’on appelle une entreprise : on en a toutes les caractéristiques, à une exception près, c’est qu’elle est illégale."

Pour le procureur, Louis Carboni, son fils Mickaël, et Mickaël Sanna font partie d’une même équipe qui a organisé un trafic de stupéfiants en Corse.

Ce mardi après-midi, dans la salle clairsemée du tribunal correctionnel d’Ajaccio, le ministère public a requis 16 ans de prison et 200.000 euros d’amende à l’encontre de Louis Carboni, 8 ans (et 100.000 €) contre Mickaël Carboni et 6 ans (et 50.000 €) contre Mickaël Sanna. Des réquisitions fortes, dans la lignée de celles demandées par le même procureur lors du premier procès, fin octobre. Pour rappel, les cas des Carboni père et fils et de Mickaël Sanna avaient été disjoints.

"La Corse souffre de l'usage des produits stupéfiants et il faut montrer aux trafiquants que la justice ne leur laissera pas un seul centimètre", a souligné le procureur dans son réquisitoire.

D'après lui, "Louis Carboni, qui reconnaît les faits, achetait des produits stupéfiants en vue de les revendre et d’en tirer le bénéfice maximal. Mickaël Sanna est un exécutant : il est chargé du transport et vend aussi les produits. Mickaël Carboni est lui le "directeur général de l’entreprise". Je ne lui reproche pas dêtre le fils de Louis Carboni. Il sera jugé sur les faits".

Après avoir plaidé tout l’après-midi, les avocats des trois prévenus ne "comprennent pas ces peines requises".

"En 2015, situe Jérôme Susini, conseil de Mickaël Carboni, dans un gros procès de stupéfiants à Marseille, avec 27 prévenus et plus d’un million d’euros saisis,  la plus grosse condamnation avait été 8 ans de prison. Et aujourd’hui, on réclame la même peine contre Mickaël Carboni alors qu’il n’y a aucune preuve."  

"Si ce dossier est tel que vous le présentez, on aurait fini aux assises ou devant la Jirs de Marseille, note Me Vinier-Orsetti, conseil de Mickaël Sanna et de Louis Carboni. On reste au niveau local et au niveau local, on ne condamne pas un homme de presque 66 ans à 16 ans de prison."

"Jamais vus avec des produits"

Mardi matin, avant le réquisitoire du procureur, Mickaël Carboni, le fils de Louis Carboni, a été appelé à la barre. Âgé de 29 ans, ce père d'un petit garçon de 4 ans - déjà condamné par le passé - comparaît libre dans ce dossier dans lequel sa mise en examen remonte à juin 2017. Comme Mickaël Sanna.

"Les autres seraient à vos ordres dans le réseau corse."

Le président du tribunal

Des trois prévenus, Mickaël Carboni est le dernier à se présenter devant le tribunal. À l’instar de Mickaël Sanna la veille, il a nié les faits qui lui sont reprochés.

"Personne ne vous met en cause dans ce dossier, souligne le président du tribunal. Par rapport aux autres prevenus, vous êtes celui où il y a le moins d’éléments. Vous êtes aussi poursuivi pour usage de stupéfiants mais rien ne permet de dire que vous en avez consommé. Néanmoins, les enquêteurs considèrent que vous avez un rôle de leader, avec Ange-Marie Gaffory (10 ans requis lors du premier volet du procès). Les autres seraient à vos ordres dans le réseau corse." 

L’intéressé conteste. Ses avocats mettent en avant le fait que lui et Mickaël Sanna "n’ont jamais été vus avec des produits stupéfiants", lors des surveillances policières. Me Jérôme Susini les reprend une à une. Il s'approche du président pour lui montrer les photos. "Là, à Bastia, les enquêteurs soupçonnent un trafic. Et ce qu'on voit, c'est Mickaël Carboni en train de faire les magasins sur le boulevard Paoli avec Sébastien Albertini, puis de discuter avec un couple de personnes âgées sur la place Saint Nicolas." 

ADN et "téléphones occultes"

Dans son réquisitoire, le procureur fait remarquer que l'ADN de Mickaël Sanna a été relevé dans l'appartement de Sébastien Caussin (jugé le 27 octobre dans ce même dossier), sur la pile d'une balance de précision. En août 2015, la police avait notamment saisi dans ce logement des armes, de la drogue, de la dynamite, une compteuse à billets et une balance. "Cette même empreinte génétique sera retrouvée sur un gilet pare-balles, précise le magistrat, ce qui laisse peu de place au doute." Le procureur ajoute que Mickaël Sanna est également mis en cause par un consommateur à qui il aurait vendu de la drogue.

Concernant Mickaël Carboni, le procureur constate qu'il utilise des "téléphones occultes à peine sorti de prison". "Je les utilisais pendant mes permissions, j'ai continué par facilité", répond le prévenu. "Je pense que lorsqu'on sort de détention, on prend un forfait comme tout le monde", soutient le magistrat.

Avocate de Mickaël Carboni avec Jérôme Susini, Charlotte Cesari précise que "l'une de ces lignes était utilisée pour la commande et la livraison de pizze d'un établissement géré par la famille de Mickaël Carboni".

"Le langage était tellement mystérieux que même entre eux, parfois, ils ont du mal à se comprendre."

Le procureur Alexandre Apel

La nature des échanges des écoutes téléphoniques "intrigue aussi" le procureur pour qui il est question de "langage codé et de points de rendez-vous". "Le langage est tellement mystérieux que même entre eux, parfois, ils ont du mal à se comprendre. Pour moi, avance le repésentant du ministère public, ce sont des éléments de preuves".

"Un procès de rattrapage"

Sur le banc de la défense, on ne voit pas les choses de la même façon. "Il n'y a là aucun début de commencement d'un moment qui pourrait laisser penser que ce code parle de stupéfiants", soutient Me Vinier-Orsetti, avocat de Mickaël Sanna et Louis Carboni. "Est-ce qu’une seule fois dans ces écoutes, sonorisations et filatures, il est fait mention d’un trafic de stupéfiants ?", interroge-t-il. Jamais !"  On ne va pas non plus reprocher à Mickael Sanna d'être ami avec Mickaël Carboni. J’ai été chercher dans le lexique du code pénal délit d’amitié, je n'ai pas trouvé."

Avocat de Mickaël Carboni, Jérôme Susini prend la parole : "En réalité, vous avez beaucoup d’éléments dans ce dossier mais pas de preuves. Vous n’avez aucun élément qui correspond à un trafic de stupéfiants concernant Mickaël Carboni. Zéro, rien."

"Cet acquittement ne passe pas. Le parquet d'Ajaccio l'a reçu comme une gifle."

Me Vinier-Orsetti

"Pour Mickaël Carboni, je m’attendais à plus de "biscuit", plus de consistance, relève Me Charlotte Cesari. Quand on demande 8 ans contre quelqu'un, on attend un élément de preuve. Pour nous, c’est le procès du rattrapage." Référence ici à celui de l’assassinat de Jean-Michel German à l'issue duquel Mickaël Carboni et Mickaël Sanna ont été acquittés fin mars. (Le parquet a fait appel).

"On a l'impression qu'ils ne les ont pas eus par un jury, et qu'ils les auront par des magistrats professionnels, regrette Me Vinier-Orsetti. Cet acquittement ne passe pas. Le parquet d'Ajaccio l'a reçu comme une gifle. Ici, il faut de la sérénité, et le mot relaxe n'est pas un gros mot et n'est pas injurieux pour la société."

"Condamnation à mort"

Derrière son box vitré, Louis Carboni assiste aux échanges. Impassible.

La veille, le sexagénaire interpellé en mars 2017 avec 3,5 kilos de cocaïne près de Lyon avait reconnu les faits et disculpé son fils et Mickaël Sanna. 

Ce mardi, il a suivi les débats assis derrière la vitre. Il ne s'est levé que pour s’adresser une dernière fois au président. "Je ne m‘attendais pas à des requisitions aussi fortes, lance l’homme de 65 ans au lourd passé judiciaire. Je ne vais pas minimiser les faits. Si vous me mettez 16 ans, je ne vous dis pas au revoir mais adieu. Vu mon état de santé, ça équivaut a une condamnation à mort." 

Dans la foulée, c’est au tour de Mickaël Sanna de s'adresser au président : "J’espère que vous nous jugerez avec des faits, pas avec des "on dit" d’audience. J’espère que je pourrai continuer ma vie. Je n’ai jamais trafiqué de drogue."

"Je ne veux pas revenir en arrière."

Mickaël Carboni

La conclusion revient à Mickaël Carboni. Comme il l’avait déjà fait en fin de matinée, il rappelle au tribunal sa volonté de quitter la Corse. "J'ai retrouvé une stabilité. La seule chose que je veux est partir à Paris, vivre avec mon fils et ma compagne. Je ne veux pas revenir en arrière."  

Les trois hommes seront fixés sur leur sort ce vendredi, date de la mise en délibéré du jugement. Il en sera de même pour les huit autres prévenus jugés dans cette même affaire fin octobre.

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