Le tribunal correctionnel d'Ajaccio rendra sa décision le 17 décembre. Fait rare : les prévenus ont comparu sans leurs avocats, qui ont quitté la barre pour protester contre le refus du tribunal de renvoyer le procès.
Pour le procureur, il s'agit d'une "véritable entreprise". Ce mercredi 27 octobre, au second jour d'un procès pour trafic de stupéfiants, entre l'Europe et la Corse, et association de malfaiteurs, le parquet est clair : "Il faut punir sévèrement les trafics de stupéfiants et faire comprendre que la Justice ne laissera pas un millimètre de terrain aux trafiquants."
Sur le banc des prévenus, quatre hommes sont présents – au total huit personnes comparaissent – et écoutent. Devant eux, aucun avocat. La veille, la bâtonnière du barreau d'Ajaccio, Me Julia Tiberi, a frappé la barre d'interdit après une série d'incidents. Une mesure extrême, par laquelle plus aucun avocat du barreau ajaccien ne peut plaider au tribunal de la juridiction.
Selon le procureur, l'un des prévenus a un rôle central : Ange-Marie Gaffory. Il est "le lien entre Louis Carboni et l'équipe". Louis Carboni, absent et dont le nom est mentionné à longueur d'audience, est suspecté d'être à la tête du trafic. Son cas, ainsi que celui de son fils Mickaël, et de Mickaël Sanna ont été disjoints. Ils seront jugés les 13 et 14 décembre prochains.
"On pourrait lui donner le rôle de directeur général"
"Dans cette entreprise, on pourrait donner à Ange-Marie Gaffory le rôle de directeur général. Il a pour fonction de s'occuper de la Corse et de la diffusion de la drogue dans l'île", continue le parquet qui estime que le prévenu a un "leadership sur le reste du groupe (...) C'est lui qui coordonne ce qui se passe en interne." Le procureur requiert 10 ans de prison et 90.000 euros d'amende à son encontre.
Concernant Sébastien Caussin, il estime qu'il a un "rôle-double : sans doute revendeur et nourrice" et une "subordination à Ange-Marie Gaffory et Mickaël Carboni". Le parquet demande contre lui 6 ans de prison ferme et 15.000 euros d'amende.
A l'encontre de Jean-Marc Nicodemi, à qui il est reproché des voyages en Espagne et en Hollande à des fins de transport de stupéfiants, le procureur réclame 5 ans d'emprisonnement et 12.000 euros d'amende. Quant au dernier prévenu présent, Marc Pischedda, dont le procureur estime qu'il a participé au trafic, il requiert 18 mois de prison et 5.000 euros d'amende.
À l'encontre des quatre prévenus absents, le parquet réclame des peines de prison ferme de cinq ans pour les cas de Fabrice Leca et Claude Fruchard, de six mois avec sursis pour Michèle Vaudois et le de 500 euros d'amende à l'encontre de Lisa Pradier-Bernard. L'ensemble des peines de prison ferme réclamées est assorti d'un mandat de dépôt. Ainsi, une fois la décision rendue par le tribunal, si les prévenus sont condamnés, ils seront directement placés en détention.
"Je n'ai pas d'avocat et on en profite"
Même sans avocats, les prévenus prennent tous la parole pour leur défense. Si pour trois d'entre eux, elle tient en quelques phrases, Ange-Marie Gaffory prévient dès son arrivée à la barre : "je risque d'être plus long que les autres, et peut-être que je vais paraître un peu arrogant."
Le prévenu se dit "choqué" par la peine demandée. "10 ans de prison sur quoi ? Parce que la cour s'est disputée avec les avocats ? À cause de mon casier judiciaire ?", s'interroge-t-il. "Je n'ai pas d'avocat et on en profite. S'il avait été là, il le casse en deux le dossier", lance-t-il au tribunal. Selon lui, aucune preuve de sa participation à un trafic de stupéfiants n'a pu être établie. "Il faut condamner des gens sur des faits et pas des suppositions", conclut-il.
La décision a été mise en délibéré au 17 décembre prochain.