Ce mardi 31 janvier, la justice a donné son accord au projet de semi-liberté présenté par Pierre Alessandri. La décision est-elle de nature à rétablir le dialogue entre Paris et la Corse ? La question est au cœur des premières réactions politiques. De son côté, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a confirmé sa venue en Corse le 6 février.
La décision est tombée ce mardi 31 janvier : le projet de semi-liberté présenté par Pierre Alessandri a été accepté par la chambre d'application des peines de la cour d'appel de Paris.
Cet aménagement de peine, réclamé depuis plusieurs années par Pierre Alessandri, représentait un point de crispation majeur dans les négociations entre Paris et la Corse sur l’avenir institutionnel de l’île. La mesure était en effet demandée par l'ensemble de la classe politique insulaire.
"L'amorce d'une solution politique" pour Jean-Christophe Angelini
Les premières réactions politiques n'ont donc pas tardé. Sur les réseaux sociaux, le maire de Porto-Vecchio et président du groupe Avanzemu Jean-Christophe Angelini a salué "avec émotion cette libération tant attendue", ajoutant qu'elle "porte en germe l’amorce d’une solution politique".
"En jeu, la reprise du processus de négociations entre la Corse et Paris" pour Femu a Corsica
Le parti autonomiste Femu a Corsica a également réagi. "Nous actons aujourd'hui cette avancée positive pour ouvrir de nouveaux chemins pour la Corse", peut-on lire dans un communiqué publié sur Twitter.
"Nous attendons maintenant que le même sort soit réservé à Alain Ferrandi, et que tous les éclaircissements nécessaires à l'émergence de la vérité soient apportés concernant l'assassinat d'Yvan Colonna", ajoute le parti.
"Car ce qui est en jeu, aujourd'hui, à quelques jours de la commémoration des 25 ans de la mort du préfet Claude Erignac, et à quelques semaines des 1 an de la mort d'Yvan Colonna, c'est la reprise du processus de négociations entre la Corse et Paris", précise le communiqué.
"Ouvrir une page nouvelle des relations entre la Corse et l’Etat", pour Gilles Simeoni
Dans un communiqué publié en milieu de journée, le président du Conseil exécutif Gilles Simeoni souligne que la décision revêt "une portée symbolique forte, à quelques jours du 25ème anniversaire de l’assassinat du préfet Claude Erignac".
Et de poursuivre: "Le moment est venu, sans rien oublier des faits, et dans le respect intangible de la mémoire de la victime et de la douleur de sa famille, d’ouvrir une page nouvelle des relations entre la Corse et l’Etat."
Pour le Conseil exécutif de Corse, "cette phase nouvelle doit conduire à reconnaître et assumer ensemble, à Paris et en Corse, l’ensemble des douleurs, drames et injustices vécus de part et d’autre et engendrés, pour la période contemporaine, par un demi-siècle de logique de conflit."
Elle doit surtout permettre de construire, souligne le communiqué, "par un dialogue respectueux et loyal entre l’Etat et le peuple corse, ses élus et ses forces vives, une solution politique globale".
"Les portes des prisons devront s'ouvrir", estime le PNC
Le Partitu di a Nazione Corsa (PNC) s'est lui aussi exprimé sur les réseaux sociaux. S'il se dit "satisfait" de la décision, le parti "regrette qu'il ait fallu la mort d'un patriote, des semaines de mobilisations massives, et l'entame de discussions avec l'État pour que le droit s'applique enfin".
Le PNC réclame pour les autres prisonniers, et notamment Alain Ferrandi, que puisse s'appliquer le même régime. "Pour qu'une réconciliation et une solution politique puissent s'opérer, les portes des prisons devront s'ouvrir", estime-t-il.
La libération des prisonniers "devra donc faire partie intégrante, de la solution politique globale pour ce pays que nous serons amenés à négocier avec d'autres", conclut le communiqué.
"Hissons-nous collectivement à la hauteur de l’enjeu", demande Jean-Charles Orsucci
Sur Twitter, le maire de Bonifacio Jean-Charles Orsucci s'est réjoui "que le droit l’ait enfin emporté".
Puis il ajoute : "Le Gouvernement à travers l’action de Gérald Darmanin demeure déterminé à mener à bien ce processus courageux et nécessaire. La Corse aspire à la paix, à la sérénité, à une confiance réciproque pour permettre son développement. Hissons-nous collectivement à la hauteur de l’enjeu".
"La reprise d'un dialogue pour une solution politique globale doit désormais se réaliser" pour Jean-Félix Acquaviva
Les trois députés nationalistes Jean-Félix Acquaviva, Michel Castellani et Paul-André Colombani ont eux aussi fait part de leur satisfaction sur les réseaux sociaux. À l'instar du député de la deuxième circonscription de Haute-Corse, ils en appellent à la "reprise du dialogue" avec le gouvernement.
Core in Fronte attend que l'Etat "engage son action dans la durée"
Core in Fronte "prend acte" de la décision de chambre d'application des peines de la Cour d'appel de Paris.
"Cette décision, aux antipodes des mesures de clémence ou de faveur, n'est que la stricte application d'un droit, trop longtemps bafoué par ceux-là mêmes qui en portent la garantie", indique le parti indépendantiste dans un communiqué.
Pour Core in Fronte, "elle en appelle d'autres, significatives, pour, d'une part, clairement indiquer l'arrêt des mécanismes répressifs, de la coercition, des poursuites, des traitements d'exception, et, d'autre part, inscrire le principe d'un dialogue dans le sens d'une manifeste et définitive solution politique".
Le parti de Paul-Félix Benedetti attend désormais de l'Etat "qu'il engage son action dans la durée, avec esprit de réparation humaine, historique, et de volonté de règlement politique".
"Désormais, rien ne s’oppose plus à ce que les discussions de Beauvau reprennent", pour Un Soffiu Novu
Valérie Bozzi et Jean-Martin Mondoloni, co-présidents du groupe Un Soffiu Novu à l’Assemblée de Corse, ont publié un communiqué dans l'après-midi. "Désormais, rien ne s’oppose plus à ce que les discussions de Beauvau reprennent et que le dialogue soit renoué dans des conditions apaisées et constructives", écrivent-ils.
Le groupe d'opposition dit "attendre maintenant que chacun prenne acte de cette nouvelle donne et que les forces politiques constituant l’Assemblée de Corse s’engagent pleinement dans le processus de discussion avec en ligne de mire l’avenir de notre île et le concours que l’État peut apporter à tous niveaux dans une démarche partenariale".
"Une décision sage et fondée" pour Jean-Jacques Panunzi
Autre réaction à droite, celle du sénateur Jean-Jacques Panunzi. Ce dernier salue "une décision sage et fondée", tant "humainement" que "politiquement".
"L’heure doit être à l’apaisement et à la construction de l’avenir de la Corse, loin de la violence et du climat de tension que l’on a pu connaître", indique le sénateur, qui appelle lui aussi à une reprise du dialogue avec Paris "dans les meilleurs délais".
"Pour les générations futures, nous n’avons pas le droit de louper ce train", conclut-il.
"Que la stricte application du droit" pour Corsica Libera
Corsica Libera, pour sa part, "prend acte de cette décision" favorable pour Pierre Alessandri mais rappelle "qu’il ne s’agit là que de la stricte application d’un droit qui aurait dû lui être acquis depuis des années mais auquel s’est opposée la raison d’Etat".
Pour l'heure, le parti indépendantiste "ne saurait considérer cette semi-liberté probatoire comme un geste de nature politique annonciateur d’un véritable processus de sortie de crise en Corse".
La question de la libération de l’ensemble des prisonniers dits politiques est, pour Corsica Libera, plus que jamais au cœur du débat. "La prise en compte de cette question permettra de situer si Paris entend s’inscrire dans une logique résolution du conflit et de solution politique réelle incluant la reconnaissance des droits nationaux du peuple corse", indique le communiqué.
"Aujourd’hui, notre famille accueille cette nouvelle avec un grand soulagement"
La famille de Pierre Alessandri a, elle aussi, réagi à cette annonce, en début d'après-midi. "Nous attendions cette décision avec beaucoup d’appréhension car toutes nos démarches avaient échoué depuis plusieurs années, écrit-elle. Aujourd’hui, notre famille accueille cette nouvelle avec un grand soulagement."
Après avoir remercié "tous ceux qui se sont mobilisés à nos côtés toutes ces longues années", la famille "espère maintenant que les prochaines décisions de justice iront dans le même sens, pour Alain Ferrandi ainsi que pour les autres prisonniers politiques".
Gérald Darmanin le 6 février en Corse
Le sort d’Alain Ferrandi reste, lui, toujours en suspens. L’autre membre du commando Erignac encore incarcéré, s'est lui aussi vu refuser plusieurs aménagements de peine. Il sera fixé le 23 février sur sa dernière demande de libération conditionnelle.
Après cette nouvelle décision concernant Pierre Alessandri, cette fois favorable, les discussions entre Paris et la Corse reprendront-elles ?
Selon nos informations, confirmées dans l'après-midi par le ministère de l'Intérieur, Gérald Darmanin se rendra en Corse le 6 février prochain, à l'occasion de la commémoration des 25 ans de la mort du préfet Erignac, assassiné le 6 février 1998 à Ajaccio.