Ce vendredi 18 novembre, l'Assemblée de Corse organise une session extraordinaire consacrée à la mafia. La présidente Marie-Antoinette Maupertuis revient dans un entretien avec Marc-Antoine Renucci sur cette session particulière.
Les collectifs anti-mafia sont invités à cette session extraordinaire mais ils ne pourront pas s'exprimer au sein de l'hémicycle. C'était pourtant une demande du collectif Massimu Susini.
Marie-Antoinette Maupertuis : L'hémicycle, comme tout Parlement, est consacré au débat entre élus. C’est ce qui est prévu dans notre règlement intérieur. Les collectifs seront donc présents dans les tribunes “invités” mais, par contre, ils pourront s'exprimer pleinement au sein de la commission permanente dans laquelle nous pouvons inviter des personnalités qualifiées, des experts, des associations, des citoyens.
Je ne doute pas que les débats de demain seront fructueux pour déterminer ensemble une méthode de travail, parce que cette session n'est pas un point final. Cette session, c'est un moment intermédiaire entre les auditions qui ont eu lieu et le travail collectif qu'on veut mener dans les mois à venir.
Cette session était très attendue, elle a été maintes fois reportée. Pourquoi tout ce retard ?
Elle a été reportée, très objectivement, d'abord parce que les premiers travaux ont débuté à la suite de l'assassinat de Massimu Susini, à l'automne 2019. Ensuite, on a enchaîné ; les premières auditions ont eu lieu en janvier, février 2020. Ensuite, on est entré en période COVID. Vous ne pouvez pas auditionner des gens sur des sujets aussi sensibles en visioconférence, c’est quand même compliqué.
Puis, il y a eu les élections. Changement de majorité, installation des nouvelles instances. Le printemps dernier, nous avons eu des événements tragiques, douloureux à la suite de l'assassinat d'Yvan Colonna. Dans ce contexte-là, il eût été impossible de réunir sereinement une session plénière sur le sujet des dérives mafieuses. Nous y sommes, ça va être un moment démocratique fort où les élus s'exprimeront, ainsi que les représentants des collectifs et des associations. Et puis surtout, c'est une session lors de laquelle sera déterminé un calendrier d'actions sur des problématiques très précises.
Intervenante : Marie-Antoinette Maupertuis (Présidente de l'Assemblée de Corse)
Journalistes : M.-A. Renucci / J. Cappaï-Squarcini
Concrètement, que peut faire l'Assemblée de Corse sur ce sujet des dérives mafieuses, sachant que les compétences régaliennes de justice, de police relèvent de l'État ?
Vous avez raison, les élus n’ont pas les pleins pouvoirs dans tous les domaines pour pouvoir alerter ou lutter contre les dérives mafieuses. Déjà, même sur le plan statistique et factuel, nous n'avons pas d'observatoire de la violence criminelle en Corse. Je tiens à préciser que les services de l'État n'ont pas souhaité être auditionnés à ce stade, ni antérieurement sous la mandature de Jean-Guy Talamoni. Nous le regrettons fortement. J'espère que les choses vont changer à l'avenir.
Néanmoins, nous avons une capacité, d’abord, à recevoir la parole des lanceurs d'alerte ; ce qui est bien évidemment très important. Nous avons aussi la capacité et le devoir de nous pencher sur un phénomène qui touche la société corse et toutes les catégories sociales, qui touche aussi différents secteurs qui sont particulièrement exposés sur le plan économique.
Nous avons également une responsabilité collective parce que c'est un enjeu à la fois sociétal et culturel. Je crois qu'il y a aussi tout un travail à faire - et on va en parler demain après-midi - de pédagogie, donc sur le fond. Il y a aussi véritablement un enjeu de transformation sociétale qui ne peut se faire sur une session ou sur quelques réunions, c'est un travail de fond qui, à mon avis, prendra beaucoup de temps.
"C'est un travail collectif qui doit être mené."
Marie-Antoinette Maupertuis
Le procureur général de la Cour d'appel de Bastia a déclaré qu’il ne serait pas présent demain mais qu'il pourrait travailler avec les élus de la Corse. Comment cela pourrait se passer ?
S'il vous a répondu positivement sur ce sujet, nous aurons très prochainement un échange et il pourrait être, lui aussi, auditionné par la Conférence des présidents. Il faut qu'on se parle. Il faut qu'on se parle, même quand c'est difficile parfois de se parler. Cela ne va pas être une session facile, mais c'est une session nécessaire. Parce qu'elle va permettre quand même d'entendre un certain nombre de choses.
Il y a une libération de la parole aussi, mais ça doit se faire dans le calme, la sérénité et le respect des compétences de chacun. Il y a également la nécessité, au-delà de la conscientisation, d'identifier des solutions communes. Et ça ne peut pas être que du côté, évidemment, de la Collectivité de Corse, parce que nous n'avons pas toutes les compétences. C'est donc un travail collectif qui doit être mené.