Session mafia à l'Assemblée de Corse : l'avis du collectif "Maffia nò, a vita iè"

Ce vendredi 18 novembre, le collectif "Maffia nò, a vita iè" participera à la session extraordinaire sur la dérive mafieuse organisée à l'Assemblée de Corse. Son porte-parole, Léo Battesti, fait le point sur la situation dans l'île et le débat à venir.

La session spéciale sur la mafia à l’Assemblée de Corse aura lieu ce vendredi 18 novembre dans l’hémicycle du Cours Grandval.

La tenue de ce débat - reporté à plusieurs reprises - avait été annoncée cet été par le président du Conseil exécutif. Cela faisait notamment suite à plusieurs demandes des deux collectifs antimafia, dont "Maffia nò, a vita iè". 

Porte-parole du collectif créé en septembre 2019, Léo Battesti a accordé un entretien à France 3 Corse. Il a répondu aux questions de Stella Rossi.

"En Corse, on est dans une logique de mafia" 

Vous participerez ce vendredi à la session extraordinaire sur la mafia de l'Assemblée de Corse. Qu'attendez-vous concrètement de l'Assemblée et de la Collectivité dans son champ de compétences ? 

Léo Battesti : D'abord, le symbole est fort. Pour la première fois dans l'histoire de la Corse, des élus et des citoyens vont parler de la mafia qui, pourtant, ne date pas d’hier. On n'est pas dans la prémafia, mais dans une mafia bien ancrée depuis plusieurs dizaines d'années. Ensuite, nous attendons justement que ce message que nous avons transmis - les deux collectifs - depuis 3 ans maintenant ait réussi à changer la donne.

D'ailleurs, c'est ce qu'a bien compris l'un des principaux responsables de la mafia en Corse, Monsieur Santoni du "Petit Bar" en disant : "nous, on est surtout inquiets parce qu'il y a deux collectifs, ils sont obligés maintenant de faire quelque chose". Il avait raison, il est très lucide parce que depuis que nous existons, d'abord, on parle de la mafia. Quand des ministres de l'Intérieur viennent en Corse, c'est le sujet central. On a gagné la bataille sémantique. Aujourd'hui, c'est fini de faire rigoler en disant : "ce sont des bandes". On est dans une dans une logique de mafia.  

Vous œuvrez pour un renforcement de l'outil judiciaire, une prise en compte plus spécifique de la question mafieuse, notamment par l'arsenal législatif. Ce n'est pas le cas de la Ligue des Droits de l'Homme qui sera également présente ce vendredi…

Oui, mais la Ligue des Droits de l’Homme est fondée à défendre ce qu'elle croit être juste. Il faut qu'il y ait des débats. Comprenez bien, nous ne voulons pas menacer les libertés ; c'est la mafia qui menace les libertés.

Êtes-vous pour ce renforcement ?

Bien sûr. Quoi de plus coercitif que "la loi de la mafia" qui va très loin parce que pour avoir des sentences, ils n'ont besoin ni de juge ni de bourreau. On est donc dans une logique mafieuse en Corse et nous sommes désarmés par rapport à cela. La preuve en est avec la façon surréaliste avec laquelle nous fonctionnons pour les procédures. Vous avez des tas de dossiers qui sont pratiquement décryptés depuis très longtemps sur les principales bandes de l'île et pas que celle du "Petit Bar".

En Corse, il y a beaucoup de bandes qui font la loi aujourd'hui et vous n'avez pratiquement pas d'instructions qui suivent. Il n'y a pas de condamnations qui suivent parce que, tout simplement, la notion de "délit d'association mafieuse" qui permettrait d'en avoir tout de suite n'existe pas.

Il faudrait donc prendre en compte les spécificités judiciaires et législatives ?

Bien sûr. Il faut aussi le faire dans les jugements. Vous imaginez qu’en Corse des jurés populaires puissent condamner des mafieux ? Mais personne n'est irresponsable, personne n'est fou ! Vous allez demander à des jurés d'affronter des gens qui sont capables d’éliminer physiquement des citoyens. Nous, nous sommes pour des jurés spéciaux.

En Italie, la lutte contre la mafia passe aussi par la saisie des avoirs criminels. Ces biens sont ensuite remis au service de la société civile avec un usage notamment social, ce qui n'est pas obligatoirement le cas en France. Etes-vous favorable à la mise en place de ce type de dispositif ?

Bien sûr. Il commence à y avoir un dispositif, il faut le renforcer. Cependant, il faut vraiment trouver les solutions juridiques en la matière parce que c'est très vertueux. On le voit avec l'exemple de l'Italie. On ne peut pas comparer la Sicile et la Corse, on est tous d'accord pour le dire. Il y a d'abord la population. Mais ce qui nous rend encore plus vulnérables, précisément, c’est que chez nous ça va très vite. Par rapport à la population, on bat les records de la Sicile, y compris au niveau des assassinats aujourd’hui. Il faut absolument qu'on s'empare de la chose.

On est donc vraiment heureux d'assister à cette session de l'Assemblée, à ce que toute la classe politique corse, quelles que soient les tendances, parle du phénomène, sans langue de bois et qu'on aille au fond des choses. L'État n'est pas là et on le regrette, mais il viendra forcément à un moment donné si j'en crois d'ailleurs ce qu'avait dit le ministre de l'Intérieur. Il faut absolument que le pouvoir et nos élus, nos députés s'occupent de cela. Aujourd'hui, ils ont sans doute beaucoup de chats à fouetter, mais la mafia est un sujet essentiel. Vous ne pouvez pas construire une autonomie vertueuse dans un système aussi pourri que le système mafieux.

 

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