En ce début novembre, la Corse a été traversée par les tempêtes Ciaran et Domingos. Des phénomènes météorologiques intenses expliqués par Patrick Rebillout, directeur du centre météorologique Météo France d’Ajaccio sur le plateau du Corsica Sera, lundi 6 novembre.
Fleuves en crue, ponts effondrés, établissements et habitations détruits, le passage des tempêtes Ciaran et Domingos a laissé des traces en Corse.
Afin d’expliquer l’intensité de ces phénomènes, Patrick Rebillout, directeur du centre météorologique Météo France d’Ajaccio, était l’invité du Corsica Sera, lundi 6 novembre.
Deux tempêtes ont traversé la Corse à quelques heures d’intervalle, deux tempêtes qui se suivent, est-ce fréquent ou peut-on qualifier ce phénomène d’exceptionnel ?
C’est un vrai système dépressionnaire, dont des fronts qui se succèdent comme ça, ce n’est pas complètement inhabituel. C’est un peu surprenant parce que ça a été marqué par des précipitations intenses, mais on est dans la période des précipitations méditerranéennes intenses. Cette succession n’est pas habituelle, mais météorologiquement ça s’explique assez facilement, c’est presque courant.
Vous disiez que c’était un événement composite…
Oui, parce qu’il réunissait toutes les intempéries. On avait du vent fort, des précipitations très importantes, on avait des vagues importantes avec un niveau d’eau important qui fait que les vagues allaient loin sur la côte. C’est ce qu’on appelle un événement composite, c’est assez difficile d’y faire face.
Était-il exceptionnel de par son intensité ? Est-ce que des records ont été atteints ?
Sur les précipitations, sur le premier épisode, on a eu 200-250 mm sur les reliefs. Ce n’est pas habituel, mais ça s’est déjà rencontré. Les cumuls sur les deux, et notamment versant ouest, c’est très très inhabituel, on est pas loin du record, je pense.
L’île a été marquée par la tempête meurtrière du 18 août, cette fois-ci, on a échappé au drame. Est-ce qu’on peut dire que l’on a progressé sur la manière de se préparer à l’arrivée de ces phénomènes, notamment en termes de communication ?
Ce n’est pas du tout le même type de phénomène. Ce genre de tempête que l’on vient d’affronter est relativement facile à prévoir, quatre ou cinq jours à l’avance, on voit que ça s’organise même lorsque c’est des développements explosifs.
Le 18 août, c’était une ligne de grain d’orages qui s’aligne et qui se développe. C’est beaucoup plus difficile à prévoir à longue échéance, et même à très courte échéance, on a du mal à savoir comment va évoluer cette ligne d’orages, on a du mal à savoir les rafales qu’elles vont donner.
Après, on progresse dessus, on a ajouté des moyens d’observation. Car à partir du moment où les scénarios de prévisions qu’on élabore pour ce genre d’événement sont moins probables, c’est-à-dire que l’on a beaucoup d’incertitudes dessus, il est très important de pouvoir surveiller l’évolution des phénomènes qu’on prévoit.
Les tempêtes durant l’automne ne sont pas nouvelles, mais leur intensité semble s’intensifier. Est-ce qu’il faut s’attendre à vivre de plus en plus d’épisodes comme ceux-ci ?
Il y a toujours eu des tempêtes, mais ce qui est très notable, c’est que les précipitations sont de plus en plus importantes à chaque tempête. Le changement est surtout là. On vient de le voir, presque de manière habituelle maintenant, à chaque perturbation importante, on est au-delà des 150 mm.
Statistiquement, on voit que les précipitations méditerranéennes ont évolué. Il y a une augmentation de 22 %, les cumuls multipliés par deux, les surfaces multipliées par quatre. C’est aussi ce que prévoient les modèles climatiques. On doit s’attendre à des tempêtes avec des précipitations de plus en plus importantes et donc des rivières qui répondent en conséquence.