Le parti indépendantiste compte bien marquer sa différence, et offrir une alternative aux électeurs nationalistes déçus par la coalition au pouvoir. C'est Paul-Felix Benedetti qui mènera la liste.
"Le bilan de l'exécutif est négatif. Ce qui constitue la constance des revendications patriotiques des cinquante dernières années n'a pas été respecté. Il a mené une gestion exclusivement administrative, à l'égale de celle des anciens clans. Le marasme économique s'est amplifié. La détresse sociale s'est amplifiée. L'atonie culturelle s'est amplifiée. Les monopoles se sont renforcés. Le gangstérisme continue de gangréner la Corse".
C'est ce qu'on appelle (r)ouvrir les hostilités. Paul-Felix Benedetti présentait ce samedi 24 avril la liste Core In Fronte pour les prochaines territoriales. Dans le Nebbiu, à Patrimonio, sur les terres de Batti Arena, l'homme qui mènera la campagne au côté du leader indépendantiste.
Avec @BattiArena, nous conduirons la liste #CoreInFronte aux Territoriales de juin, non pas autour d'un seul programme électoral mais avec un vrai projet de société, et des choix clairs, pour la Corse de demain.#AiòTutti! Vutemu Core In Fronte! pic.twitter.com/KWvJpVPOFW
— Paul-Félix Benedetti (@PF_Benedetti) April 24, 2021
Core in Fronte, alternative nationaliste
Ce n'est une surprise pour personne. De front uni nationaliste, il ne sera donc pas question pour le scrutin de juin prochain. Une nouvelle fois Core in Fronte compte bien faire cavalier seul, et cette fois-ci atteindre la barre des 7 %, nécessaires à un maintien au second tour.
Un seuil qui leur avait échappé de peu aux territoriales de 2017.
Face aux listes en course, dont Pè a Corsica, rassemblant les trois autres principaux partis nationalistes, Femu, le PNC et corsica Libera, Core in Fronte était parvenu à faire entendre sa voix. Et avait enregistré 6,69 % des suffrages au premier tour.
Un projet de société plus qu'un programme politique.
De quoi galvaniser le mouvement, qui, cette année, pense faire mieux, comme nous l'explique Batti Arena : "depuis cette échéance de 2017, il y a eu trois ans de travail de terrain, des élus locaux sont venus renforcer notre démarche. Et nous avons trouvé un écho fort auprès de la population sur de nombreux sujets. Nous proposons un projet de société, plus qu'un programme politique, et nous sommes convaincus de faire bien plus que les 7 % qu'il faut pour franchir la barre du premier tour. "
Faire barrière à l'ultra-libéralisme
L'économie, comme souvent chez Core in Fronte, est au cœur du discours. "Parmi les problèmes majeurs auxquels nous devons faire face, sur l'île, il y a la poussée ultra-libérale. Une cinquantaine de familles sont en train de s'approprier tous les secteurs économiques, mais aussi non-économiques. Les gens connaissent notre position sur la question."
Sur ces questions, comme d'autres, Gilles Simeoni et les siens n'ont pas été très efficaces, selon Paul-Felix Benedetti : "pour résumer, la situation est pire qu'il y a six ans [référence à la première victoire des nationalistes aux Territoriales, en décembre 2015 - NDLR]...Est-ce la faute à pas de chance ou à une mauvaise politique ?"
La tête de liste de Core in Fronte ne laisse pas plus de quelques secondes de silence avant d'enchaîner. Manière de dire que la réponse n'est pas difficile à trouver. "Nous, en tout cas, on pense qu'on peut faire les choses autrement."
Durcir le ton
Autrement, ça veut dire quoi ? "Nous cherchons à avoir une représentation à la Collectivité de Corse pour renforcer notre discours, avoir une capacité d'action qui soit au plus près des centres de décision, pour infléchir les politiques. Nous n'acceptons pas le fatalisme, nous voulons changer la société, impulser une politique novatrice. Pour aller vers une Corse où l'on vivra mieux, où la répartition des richesses sera une réalité, où notre culture sera vraiment défendue."
Nous voulons instaurer un rapport de force très soutenu avec l'Etat.
Pour conclure, Paul-Felix Benedetti martèle les fondamentaux. Les fondamentaux d'un parti indépendantiste. "Nous voulons instaurer un rapport de force très soutenu avec l'Etat, pour arracher une évolution institutionnelle et constitutionnelle, à travers une autonomie, à l'égale de celle dont jouit la Sardaigne depuis 70 ans."
Une autonomie que ne représentera qu'une première étape. "Ce sera l'antichambre d'un processus d'autodétermination, avec plus tard la possibilité d'évoluer vers une souveraineté pleine et entière".
Selon Core in Fronte, rien n'a été fait dans ce sens au cours des six dernières années. Malgré le fait que Corsica Libera, ait, de son côté, accédé aux responsabilités. Le message est clair : les vrais indépendantistes, c'est nous. Pas eux.
Core in Fronte n'uarait rien à gagner à s'allier avec les sortants, et à perdre l'avantage non-négligeable de ne pas avoir de bilan à défendre.
Les leaders de la liste n'en font guère mystère : "notre comportement politique ne sera pas d'aller vers des mésalliances, à la recherche d'un mandat pour décrocher des strapontins. Ce n'est un secret pour personne, nous n'avons de discussions avec aucun autre mouvement. Nous ne comptons que sur notre capacité politique".
Natios, combien de divisions ?
Ce n'est pas le cas chez tout le monde. Au sein de Pè a Corsica, les discussions vont bon train. Et les jeux sont loin d'être faits.
A moins de deux mois du premier tour, la liste des sortants n'est pas connue. Et bien malin qui peut dire à quoi elle ressemblera. Et même s'il y en aura une, ou plusieurs.
En coulisse, on prête de plus en plus régulièrement à Jean-Christophe Angelini, fort de sa victoire aux municipales à Porto-Vecchio, des ambitions personnelles. Et du côté de Femu, tout le monde ne milite pas pour une nouvelle union avec le PNC. C'est peu de dire que l'entente n'est pas cordiale...
Quant à Corsica Libera, les désaccords avec le président de l'exécutif sont sur la place publique depuis de longs mois.
A l'approche des municipales, il y a deux ans, Femu a Corsica avait tenu à reprendre son indépendance au sein de l'union Pè a Corsica, ce qui avait suscité la colère de Corsica Libera, et des candidatures au premier tour sous des étiquettes différentes dans l'immense majorité des communes. La rancune, sur le sujet, est tenace.
Eric Simoni et les siens, de leur côté, ont multiplié les conférences de presse pour dénoncer une timidité excessive chez Gilles Simeoni. Qui, à les en croire, ferait mieux de muscler son jeu face à l'Etat, s'il veut continuer à compter sur eux.
Les quelques tentatives du patron de Femu se sont soldées par des couacs, à l'image de sa sortie, face au préfet, en janvier dernier.
Alors, qui derrière Gilles Simeoni pour décrocher un nouveau mandat, face à une liste Marcangeli d'ores et déjà en bon ordre de marche ? Et surtout, le président sortant de l'exécutif peut-il vraiment se passer de ses alliés d'hier, pour retrouver son siège, à l'été prochain ?