Un statut de repenti "plus incitatif", des moyens supplémentaires pour l'Agrasc... L'échange entre Jean-Félix Acquaviva et Eric Dupond-Moretti autour du budget alloué à la Justice

Le garde des Sceaux était auditionné mardi par la commission des lois sur les crédits de la mission "Justice" du projet de loi de finances pour 2024. Le député Jean-Félix Acquaviva a pu l'interpeller dans ce cadre sur la question de la refonte du statut de repenti et celle des moyens dédiés à l'Agrasc.

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Quelles évolutions des moyens et budgets dédiés au système judiciaire peut-on attendre au cours des prochaines années ? Le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, était auditionné mardi 24 octobre par la commission des lois sur les crédits de la mission "Justice" du projet de loi de finances (PLF) pour 2024.

Une présentation ouverte aux questions des députés et représentants de groupes parlementaires, au cours de laquelle le député de la seconde circonscription de Haute-Corse, Jean-Félix Acquaviva, s'est exprimé au nom du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot).

L'appel à un statut de repenti "plus incitatif"

L'année 2024 sera-t-elle synonyme d'une réforme du statut de repenti ? Créé en 2004 par la loi Perben, entré en vigueur en 2014, il accorde aux criminels ou délinquants qui acceptent de coopérer avec les autorités judiciaires ou policières des avantages divers, pouvant varier, selon la situation, d'une protection financière, à une aide financière ou encore une nouvelle identité. Un statut qui reste néanmoins à ce jour peu utilisé, d'où l'appel d'élus et associations à sa remodélisation, promise "d'ici la fin de l'année" par le ministre, en mai dernier.

"Nous voulons nous inspirer de ce que font les Italiens. Mais pour dire les choses, nous ne sommes pas encore prêts."

Eric Dupond-Moretti

Interrogé par Jean-Félix Acquaviva sur les avancées de cette refonte vers un dispositif "plus incitatif", Eric Dupond-Moretti l'assure : "C'est en cours. Plusieurs députés sont évidemment associés à ce texte", a-t-il ajouté, citant notamment les députés Laurent Marcangeli et Sacha Houlié.

"Nous voulons nous inspirer de ce que font les Italiens [la législation italienne dispose depuis les années 1980 du statut de "collaborateur de justice" dans les domaines du terrorisme, des activités mafieuses ou encore du trafic de stupéfiants, ndlr]. Mais pour dire les choses, nous ne sommes pas encore prêts."

Les moyens et crédits alloués à l'Agrasc

Autre point soulevé par le député corse : celui des moyens alloués à l'Agrasc, l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués. Placée sous la tutelle conjointe du ministre de la Justice et du ministre des Comptes publics, elle est chargée de gérer les biens confisqués au nom du procureur de la République dans le cadre des procédures pénales en France.

"Nous plaidons pour un renforcement de [ses] pouvoirs, afin d'améliorer la saisie et gestion des biens et sommes saisies lors de procédures pénales, a indiqué Jean-Félix Acquaviva. Notre groupe a déposé une proposition de loi. Nous demandons une nouvelle fois son inscription à l'ordre du jour lors des prochaines semaines à l'Assemblée."

"Nous avons une hausse des confiscations [de l'Agrasc] de 100% entre 2020 et 2022, pour atteindre 171 millions d'euros d'avoirs criminels qui vont abonder le budget de l'Etat."

Erci Dupond-Moretti

"Je rappelle que nous avons augmenté considérablement le budget et les moyens de l'Agrasc", rétorque en retour le ministre de la Justice. À savoir, détaille-t-il, 45 ETP (équivalent temps plein) en 2020 contre 83 en 2023, soit 85% de personnels supplémentaires. Cela couplé à la création d'antennes régionales : "à Marseille, Lyon, Lille, Rennes, Bordeaux, Fort-de-France", énumère Eric Dupond-Morettin et "une hausse des confiscations de 100% entre 2020 et 2022, pour atteindre 171 millions d'euros d'avoirs criminels qui vont abonder le budget de l'Etat."

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Le garde des Sceaux était auditionné mardi par la commission des lois sur les crédits de la mission "Justice" du projet de loi de finances pour 2024. ©Assemblée nationale

La surpopulation carcérale et des moyens alloués aux juridictions judiciaires

Outre cet échange, le député de la seconde circonscription de Haute-Corse a également fait part, au cours de son temps de parole, de deux autres points estimés primordiaux par le groupe Liot : le premier, celui de la surpopulation carcérale.

"L'administration pénitentiaire demeure le programme le plus lourd financièrement du ministère mais également le plus en souffrance", a-t-il déploré. "En dépit des 5 milliards d'euros qui lui sont dédiés, le pénitentiaire doit faire face aux mêmes difficultés, surpopulation carcérale quasi ingérable, manque d'attractivité et donc manque criant d'effectif, radicalisation en prison particulièrement problématique, et politique d'insertion à redynamiser entre autres", constate Jean-Félix Acquaviva, qui estime "que la politique de restauration menée ne semble pas avoir donné les résultats annoncés".

"Certaines juridictions, notamment les Outre-mer et la Corse, souffrent toujours d'un manque de personnel qui ne sera pas résolu par le biais de dispositions temporaires,nous avons besoin d'effectifs durables."

Jean-Félix Acquaviva

Second point abordé, celui des moyens dédiés aux juridictions judiciaires. Malgré la mise en place du plan de recrutement de 1500 magistrats et 800 greffiers, "les juridictions de toutes zones confondues enregistrent toujours des délais élevés, en matière de civil notamment. Le stock d'affaire depuis le Covid ne semble toujours pas résorbé. Le risque est désormais celui d'une aggravation de la fracture territoriale dans le fonctionnement et l'accès à notre service public de la justice."

Territorialement, reprend le représentant du groupe Liot, "certaines juridictions, notamment les Outre-mer et la Corse, souffrent toujours d'un manque de personnel qui ne sera pas résolu par le biais de dispositions temporaires. Nous avons besoin d'effectifs durables."

"Je rappelle à cette occasion les avis des bâtonniers, particulièrement de Corse, qui rejoignent celui de l'Assemblée de Corse. Pour eux, il s'agit presque d'une régression. Tout porte à croire que les magistrats qui seront affectés temporairement resteront finalement sur le continent", regrette le député.

"Ces derniers exerceront essentiellement par des moyens de communication audiovisuelle, dans la mesure où ils seront simplement détachés de la cour d'appel de Paris ou d'Aix-en-provence. Il y a en effet peu de chance qu'un déplacement en Corse sur une période de trois mois soit tout simplement possible, car dans ces juridictions importantes et encombrées, les effectifs sont pesés."

Un budget de la justice supérieur à 10 milliards d'euros

Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit d'augmenter les crédits alloués au ministère de la Justice, dépassant la barre symbolique des 10 milliards d'euros (12 160 M€ en 2024 annoncés), avec une augmentation de 503 millions de crédits par rapport à 2023.

Un budget supplémentaire qui devrait notamment permettre, indique le dossier législatif, de permettre "le financement des recrutements supplémentaires accordés pour le quinquennal 2023-2027 et des mesures catégorielles, une augmentation du budget consacré aux frais de justice, ainsi que la poursuite du plan d’investissement en faveur des établissements pénitentiaires, de la modernisation des juridictions et de la transformation numérique (PTN) du ministère."

10.000 emplois seront ainsi créés au ministère de la Justice au titre du quinquennal 2023-2027, assure le document, avec en 2024 la création de 1961 emplois équivalents temps plein.

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