Le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti sera en Corse les 22 et 23 septembre. Une visite attendue par les politiques, magistrats ou encore collectifs anti mafia insulaires. Ils expliquent.
Il n'était jusque-là jamais venu en Corse en tant que ministre de la Justice. Eric Dupond-Moretti sera sur l'île jeudi et vendredi.
Il est attendu sur un certain nombre de dossiers : le cas de Pierre Alessandri et d'Alain Ferrandi, l'installation pour le moins contestée de la nouvelle présidente de la cour d'appel de Bastia ou encore les moyens de la justice en corse. Tour d'horizon.
Core in Fronte, parti indépendantiste
Dans une lettre ouverte publiée sur les réseaux sociaux, Core in Fronte pointe du doigt des "conditions" comme "la responsabilité engagée de l’Etat français dans l’exécution du prisonnier politique Yvan Colonna", "la responsabilité de l'Etat français, à travers le Parquet, qui fait systématiquement appel des décisions judiciaires favorables envers Alain Ferrandi et Pierre Alessandri" et plus largement le "traitement" réservé aux prisonniers dits politiques par l'État.
Selon le parti indépendantiste : "le temps est au courage politique et non à une énième visite ministérielle sans véritable lendemain, si ce n’est pour perpétuer ce que nous subissons, depuis des dizaines d’années, de la part de votre appareil judiciaire." Il considère cette visite comme "une énième provocation, d’une politique gouvernementale, qui n’a pour la Corse que condescendance et déconsidération."
Jean-Félix Acquaviva, député de la 2e circonscription de Haute-Corse
Il y a évidemment la commission d'enquête parlementaire que nous avons initiée et pour laquelle nous attendons l'avis juridique du garde des Sceaux pour pouvoir la mettre en place, sur six mois, comme convenu. Évidemment, nous pourrons échanger sur les évolutions des suites des enquêtes internes qui ont été publiées.
Il faudra aussi revenir sur la brèche pour la question de la libération conditionnelle des aménagements de peines rapides pour Pierre Alessandri et Alain Ferrandi, que l'on arrête de tergiverser, de donner le sentiment qu'il y a une vengeance d'État qui continue et arriver à sortir véritablement de ce dossier par le haut. Il faut en terminer. Après le rapprochement, il est plus que temps que ces hommes retrouvent leur famille après 24 à 25 ans de prison. Je crois qu'ils ont effectué leur peine et maintenant, il faut passer à autre chose et ce sera le sens de notre propos.
Et je n'oublie pas ceux qui sont inscrits au Fijait, la question des amendes pour les anciens prisonniers, de la gestion de ces prisonniers où là aussi, il faut sortir par le haut. Cela fait partie du processus pour arriver à une solution politique globale pour entrer dans un cycle nouveau entre la République française et la Corse.
Leo Battesti, un des membres-fondateurs du collectif anti mafia "A Maffia No, A Vita Ie"
J'attends dans un premier temps qu'il nous reçoive, chose que nous avons demandé compte tenu de l'urgence de la situation. La Corse est dans une grave situation. On ne peut pas régler de problèmes culturels, économiques, sociaux sans traiter le problème de la dérive mafieuse de l'île. Il est central et il transcende toutes les autres situations. Nous voulons attirer son attention là-dessus.
L'État a un rôle central et la Justice a un rôle stratégique considérable. Or, aujourd'hui, nous sommes en état de faillite généralisée, y compris au niveau judiciaire. Il y a des procédures mal ficelées, une impunité considérable dès le moment où il s'agit de crimes de personnalités ou de gens de la mafia.
On se retrouve dans une situation grave donc il faut que la Justice s'empare de la question. Nous avons des propositions à faire. Parmi elles, certaines peuvent déjà être appliquées comme faire venir de bons magistrats qui ont le sens de la procédure, parce qu'on ne peut plus continuer dans la dérive actuelle. Et puis il faut des directives précises au niveau des parquets parce qu'il n'y a pas d'action efficace ni une volonté de mener une action contre le système mafieux en Corse.
Jean Leandri, délégué régional de l'union syndicale des magistrats
Quand un garde des Sceaux arrive dans un tribunal, on est satisfait puisque nous avons beaucoup d'attentes. Le fait même qu'il vienne montre qu'il y a une considération pour les juridictions qu'il visite. Pour nous, c'est une bonne chose.
On souffre beaucoup du manque de moyens, quotidiennement et depuis longtemps. Si on prend les statistiques nationales sur le nombre de magistrats par habitants par rapport au reste de l'Europe, on s'aperçoit déjà d'un énorme déficit. Et avec les maladies, les postes vacants, tant pour les magistrats que pour les greffiers, on a beaucoup de mal à faire face à notre mission.
Tous les pans de l'activité juridictionnelle sont affectés par une insuffisance de postes, des maladies, des postes non pourvus. Cela crée une vraie désorganisation, puisqu'il faut remplacer et la Justice doit quand même fonctionner. C'est donc au prix de sacrifices personnels, d'un travail, ça crée un malaise profond dans l'institution.