"Votre homophobie tue !", une centaine de manifestants ont défilé contre l'homophobie à Bastia

"L'amour ne fait pas mal, votre haine, si". Ils sont plus d'une centaine à avoir défilé contre l'homophobie, ce dimanche 22 août, dans les rues de Bastia. Une manifestation jugée nécessaire par les militants, qui regrettent des discriminations quotidiennes à l'encontre de la communauté LGBT corse.

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"On est au moins une centaine, c'est positif !" Entourée de militants et alliés, Mattea Riu se félicite. La jeune femme, membre du bureau de l'Arcu, association de lutte contre les LGBTIphobies en Corse, participe, ce dimanche 22 août, à une manifestation anti-homophobie, à Bastia.

Un mouvement qui prend notamment place après l'agression d'un couple homosexuel à Macinaggio, en juillet dernier, et qui ambitionne de sensibiliser la population insulaire aux discriminations rencontrées par la communauté LGBT. Et inciter au passage les élus insulaires à se mobiliser davantage sur la problématique.

"Homophobes, vous faites honte à la Corse", "Votre homophobie tue", "Homophobes fora", "Omofobia ava basta", mais également "FLNGay", "U babbu di a patria era gay" ou "Pasquale Paoli era gay", les slogans sur les pancartes sont variés, et entraînent parfois le sourire des passants, ou les haussements de sourcils désapprobateurs d'autres.

Peu importe : que ça plaise ou non, pour Anaïs, la petite vingtaine, l'essentiel, c'est de provoquer des réactions. "On n'est pas là pour défiler comme des bêtes de foire, mais pour interpeller. Si ça les fait réagir, très bien ! C'est fini les tabous, fini les non-dits sur l'homosexualité. Le message, c'est qu'on existe, qu'on a le droit de vivre comme tout le monde, et qu'on n'entend plus se cacher. La honte doit définitivement changer de camp."

Le message, c'est qu'on existe, qu'on a le droit de vivre comme tout le monde, et qu'on n'entend plus se cacher. La honte doit définitivement changer de camp.

Parmi les manifestants, ils sont nombreux à pouvoir témoigner d'instants difficiles, découlant d'un "manque de tolérance et d'ouverture" envers leur orientation sexuelle ou identité de genre. "J'aime un homme, et alors ? Je ne juge pas ce que les autres font de leur vie. Je ne vois pas pourquoi ils auraient leur mot à dire sur la mienne", soupire, Julien.

Gay et non-binaire [c'est à dire ne s'identifiant ni strictement homme, ni strictement femme], iel [le pronom qu'il préfère utiliser] raconte avoir subi, comme tous ses camarades membres de la communauté LGBT, "de violentes persécutions" tout au long de sa scolarité. "C'était parfois des insultes, d'autres fois des rumeurs qui couraient dans mon dos. Il y a eu des coups, aussi. On ne se remet pas si facilement d'évènements comme ça, on en garde des traces. J'ai le sentiment d'avoir perdu, à cette époque, une partie de moi, et que j'essaie maintenant de me la réapproprier."

Le difficile coming-out à la famille

Quelques mètres plus loin dans le cortège, ces deux adolescentes racontent elles la difficile épreuve du "coming-out" auprès de parents pas toujours compréhensifs. "En Corse, l'homophobie reste très présente au sein des familles", souffle Françoise Santoni. Présidente de l'association BCV-Aiacciu (Benvinutu Ind'è Voi- Aiacciu), qui lutter contre les discriminations et l'exclusion liée à l'orientation sexuelle, elle assure recevoir régulièrement des insulaires "très affectés" et empêchés de vivre leur vie comme ils l'entendent.

"Ils viennent nous voir et nous disent qu'ils sont homosexuels, mais qu'ils n'osent pas l'avouer. Pour certains, ils sont mariés [à une personne du sexe opposé, ndlr], ont des enfants." Une situation à laquelle Françoise Santoni s'identifie bien : elle-même était mariée et mère de deux enfants, avant de faire son coming-out, en 1996.

Ce dont il faut bien se rendre compte, c'est que les attaques, les discriminations contres les personnes LGBT peuvent avoir des conséquences plus que dramatiques.

Immédiatement, elle se souvient avoir senti un changement dans le comportement de certains proches. "Certaines amies ont considéré que parce que je ne leur avais pas dit avant que j'étais lesbienne, j'avais profité d'elles, alors que ce n'est pas du tout le cas. Avec quelques personnes de ma famille, c'est encore aujourd'hui toujours un peu compliqué. Mais le plus important pour moi, c'est que mes enfants m'acceptent comme je suis, et c'est le cas. Ils sont ouverts et tolérants, comme beaucoup de leurs amis, et c'est un beau message d'espoir pour l'avenir.

"Ce dont il faut bien se rendre compte, c'est que les attaques, les discriminations contres les personnes LGBT peuvent avoir des conséquences plus que dramatiques", insiste-t-elle, mentionnant "deux jeunes Corses" qui se seraient suicidés, il y a de ça plusieurs années, à la suite de violentes brimades.

Partir pour "assumer son identité"

Sa vie de femme lesbienne, Françoise Santoni a choisi de la poursuivre à Ajaccio, peu encline de quitter "son île". Une décision pas toujours facile à assumer, du fait de regards et réflexions parfois peu bienveillantes. "Beaucoup préfèrent partir vivre sur le continent, parce que c'est plus facile et qu'on s'y sent moins jugés. Mais on ne devrait pas avoir à partir pour assumer son identité."

Le pays que nous voulons construire, c'est avec toutes les personnes de l'île, qu'elles soient hétérosexuelles, homosexuelles, bisexuelles ou transgenres. On veut qu'elles soient fières de qui elles sont, et libres d'aimer qui elles veulent.

Lauda Guidicelli, conseillère exécutive

Une position partagée par Lauda Guidicelli, conseillère exécutive de Corse en charge de la jeunesse, les sports, l'égalité entre les hommes et les femmes et l'innovation sociale. Sollicitée depuis plusieurs mois par les collectifs, l'élu a rejoint en soutien les rangs de la manifestation, ce dimanche. "Aujourd'hui, la Collectivité veut avancer sur ces questions. Le pays que nous voulons construire, c'est avec toutes les personnes de l'île, qu'elles soient hétérosexuelles, homosexuelles, bisexuelles ou transgenres. On veut qu'elles soient fières de qui elles sont, et libres d'aimer qui elles veulent."

En marge d'une réunion déjà tenue avec notamment l'Arcu en avril dernier, Lauda Guidicelli entend entreprendre, dès septembre, une série de réunion avec collectifs et associations. Des discussions qui se feront également conjointement avec Antonia Luciani,conseillère exécutive en charge de la culture et de la formation, et qui viseront, in fine, à mettre en place un plan de lutte contre les discriminations.

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