Annie-Claude, pimpante sexagénaire invitée à dîner chez un veuf britannique sur la Côte d'Azur a-t-elle été droguée puis étouffée par son hôte? Jeudi matin, l'avocat général avait requis 30 ans de réclusion assortie d'une période de sûreté de 15 ans et une obligation de soins.
"Je pense qu'il a raccourci ses jours!" avance en marge du procès Yves Chevalier, frère de la défunte, après trois jours d'un défilé d'enquêteurs et d'experts médicaux.
Un psychologue, venu mercredi à la barre, conclut que le Britannique de 74 ans soupçonné notamment du meurtre, le 28 mars 2010, d'Annie-Claude Chevalier, présente "vraisemblablement une double personnalité, docteur Jekyll et Mr. Hyde". Un "clivage" qui s'exprime par une personnalité tantôt "séductrice", tantôt "soumise à une charge pulsionnelle très importante"
Tendances manipulatrices
"On peut parler de perversion narcissique",
énonce pour sa part un psychiatre, en évoquant un homme aux "tendances manipulatrices" lançant "des hameçons séducteurs". Il apparaît "émotionnellement anesthésié, très froid", mais "derrière cette apparence tranquille on a l'impression qu'une autre personne bouillonne".
Dîner arrosé
En 2012, la police fouille le passé de Robert Dolby, cuisinier en semi-retraite installé dans le sud de la France depuis 2005. Cindy, sa jeune et jolie colocataire malvoyante alors âgée de 29 ans, vient de l'accuser de viol et de tentative de meurtre pour avoir refusé ses violentes avances. Les enquêteurs découvrent alors qu'Annie-Claude Chevalier, 67 ans, est décédée deux ans plus tôt au domicile du Britannique, après un dîner arrosé à Roquebrune-Cap-Martin (Alpes-Maritimes). Une mort naturelle par arrêt cardiaque avait conclu un médecin légiste honoraire de 85 ans, le lendemain à la morgue.Des doutes
Mais un urgentiste du SAMU, arrivé dans l'appartement peu après le décès, avait émis des doutes, constatant le calme étrange de Robert Dolby et les traces de rouge à lèvres de couleur criarde sur deux coussins, a-t-il rappelé devant la cour d'assises. Il remarque aussi la couleur bleutée de son corps, laissant penser à une cyanose liée à une insuffisance respiratoire.Après avoir passé une grande partie de sa vie à l'étranger, à Chicago auprès de son premier mari américain, en Roumanie, à Londres avec son deuxième époux britannique, Annie-Claude était revenue seule en France dans les années 90. Elle avait fait la connaissance de M. Dolby à travers une association de Britanniques. La présidente de l'association a déclaré aux enquêteurs que cette femme cultivée évoquait un dégoût pour le sexe.
Traces de somnifère
Son corps avait été retrouvé partiellement dénudé sur le canapé du salon. M. Dolby avait indiqué être allé à la cuisine après des préliminaires sexuels et avoir découvert sa mort à son retour. Il aurait pratiqué en vain un bouche-à-bouche avant d'appeler les secours.Deux ans plus tard, le corps en décomposition avancé est donc exhumé et des examens toxicologiques révèlent des traces d'un puissant somnifère dans le sang, le Zolpidem" (une molécule commercialisée sous le nom de Stilnox). Quelques mois plus tôt, le Britannique était précisément en possession de ce médicament destiné à son épouse mourante décédée d'un cancer en août 2009.
Annie-Claude Chevalier, "joyeuse, coquette et très maquillée, sportive, aimant les bons repas et les bons vins", détestait la prise de médicaments et n'avait même pas de médecin traitant, pointe son frère. Aucun médicament ne sera retrouvé à son domicile ou dans son sac.
Selon un expert du CHU de Nice, elle a forcément pris le somnifère après son arrivée chez M. Dolby, car cette molécule n'est plus décelable dans le sang au bout de quatre heures.
"L'influence de ce médicament permet de tuer les gens sans aucune trace. Le crime parfait c'est ça.
Le Zolpidem peut faciliter le décès par étouffement. On tombe lentement dans l'inconscience. Il suffit d'appliquer un coussin et d'appuyer", décrit l'expert...
Reste que le médecin qui a procédé à l'autopsie sur un corps très détérioré a indiqué que "la suffocation ne peut pas être démontrée scientifiquement".
La Cour d'assises des Alpes-maritimes a rendu son verdict jeudi vers 16h. Robert Dolby a été condamné à 30 ans de réclusion assortie d'une période de sûreté de 15 ans. Il a été reconn coupable de meurtre, tenative de meurtre et viol. Il a tout de juste interjeté appel.
Intervenants:
Me Jacques PEYRAT Avocat de Robert Dolby
Me Charlotte MOREAU Avocate des deux parties civiles