Femmes et hommes unis dans une course de nuit, pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles

Victime de harcèlement sexuel, Mathilde Castres lance Sine Qua Non Run, la première course de nuit, qui réunit femmes et hommes pour changer les mentalités.

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J’ai appris à vivre avec la peur. La peur de rentrer seule le soir et de me sentir suivie. La peur de ne pas oser prendre mes baskets. Cette peur s’est transformée en colère. Et j’ai décidé de parler, de me battre

 Mathilde a 39 ans. Elle a le regard pétillant et déterminé.  Depuis 5 ans, elle porte en elle une volonté farouche de changer les mentalités.
J’ai été victime de harcèlement sexuel dans le cadre de mon travail. Et je me suis aperçue que, depuis 25 ans, cet homme avait agressé toutes les femmes qui travaillent avec lui, sans que personne ne bouge.
 

Briser la loi du silence

Avec sa voix claire et dynamique, Mathilde poursuit son récit avec tous ces détails que l’on entend si  souvent…plus encore depuis l’affaire Weinstein.
Quand j’ai décidé de porter plainte,  j’ai été confrontée à la difficulté de libérer la parole. On a honte en tant que victime et quand on se décide enfin à aller au commissariat on vous répond que ce n’est pas de drame… C’est très dur… Ma plainte a finalement été prise en compte, grâce au soutien d’une association et d’amis avocats.

Cette histoire a marqué Mathilde au fer rouge. Depuis, elle veut briser cette loi du silence si pesante pour les victimes et libérer les paroles des femmes.  En 2017, elle décide d’agir.  

La mobilisation des consciences par le sport


Il y a près de 3 ans, quelques temps avant #Me Too, avec des femmes de trois générations, Mathilde décide de créer: « Tu vis ! Tu dis ! »  Une association destinée à  lutter contre les violences sexistes faites aux femmes.
 

Pour elle, c’est une évidence : le meilleur vecteur pour mobiliser les consciences,  c’est le sport, et plus particulièrement la course à pied qui fait parler les corps :
L’an dernier, Mathilde Castres décide de mobiliser les consciences des femmes et des hommes contre les violences sexistes et sexuelles, en organisant  la première course mixte de nuit : Sine Qua Non.

Parce qu’il est temps de dire non, de ne plus avoir peur, partageons nos foulées

c’est le slogan de cette course engagée.
C’est symbolique, "ensemble on prend la ligne de départ, celle de la société actuelle vers une ligne d’arrivée, une société plus bienveillante et respectueuse vers laquelle on tend."
L’idée est de fédérer le grand public, des entreprises, des salariés, autour d’un message fort, pour montrer que la société est prête à évoluer.
Mathilde s’est démenée, depuis des mois, pour convaincre des partenaires comme  Les Inrocks, Marie-Claire, l’Onu femmes, la Mairie de Paris et le Ministère des sports.

On a toutes le droit d’être dans la rue, comme les hommes

Parmi les participantes, certaines expriment ce qu’elles vivent au quotidien. Les témoignages s’égrènent…
« un jour au parc Montsouris un mec me colle », « certains nous sifflent », « je sens des regards quand je passe dans la rue ». « Maintenant je cours dans un parc ! »
et cela malgré tout « on a des remarques désobligeantes pour les tenues qu’on a,.
cela me gâche tout mon plaisir et me perturbe dans ma course. J’aimerais bien courir en brassière parce qu’il ait chaud et je ne le fais pas ! »

Mathilde Castres entend toutes ces paroles qui valident, renforcent son engagement
C’est une course pour dire que «  l’on peut courir où et quand on veut, dans la tenue qu’on veut. »
  

A la tombée de la nuit, pour se réapproprier l’espace public


Entre la villette, Pantin et Bobigny, le parcours est emblématique des lieux que les femmes n’osent fréquenter : la journée le public est familial. Et le soir ce parcours est peu fréquenté. Et les femmes disparaissent de la rue…
L’organisation de cette course à la nuit tombée est déjà une revendication. « On travaille sur la réappropriation de l’espace public. Cette course veut toucher toutes les générations, tous les profils. »
 

L’association propose deux parcours : 6 ou 10 km, chronométrés, ou libres. « même si on ne court pas, on peut décider de chausser ses baskets en marchant pour participer symboliquement », conclut Mathilde.

Une volonté de mettre en avant le travail des associations

Mathilde veut profiter de cet événement, pour valoriser toutes celles et ceux qui, au quotidien, font un travail récurrent auprès des victimes.
Un village d’animation appuiera cette année l’objectif de la course. Des associations seront même présentes pour sensibiliser et répondre aux questions du public. La libération de la parole et l’accompagnement des victimes avec  « Parler », la prise de conscience sur le harcèlement de rue avec « HandsAway », ou  la sensibilisation aux stéréotypes sexistes  avec « Pépite Sexiste ».
 

On ne pourra changer les mentalités sans s’adresser aux plus jeunes…. 


Mathilde souligne l’importance de challenges sportifs pour sensibiliser également les enfants, par le sport, sur la question de l’égalité entre genres.
 

Une mobilisation grandissante qui montre la voie…

L’an dernier 800 personnes, en majorité des femmes, parmi lesquelles des victimes. Dans la rue ou dans les entreprises. Les autres dans un souci de militantisme.
Cette année, le nombre de participant.e.s  a doublé : 1600 inscrits à trois jours de la course !
Pour Mathilde Castres, cette mobilisation est très encourageante : « ce sujet préoccupe notre société… La course créé un dialogue entre femmes et hommes. »
Le fruit de la course est reversé à des associations d’aide aux victimes d’agressions sexuelles : la maison des femmes, Fight for dignity et Parler.
Au quotidien l’association « Tu vis tu dis »  travaille sur le terrain, auprès des salariés des entreprises partenaires mais aussi dans les banlieues.
 

Un exemple repris par la ville de Genève

Mais c’est dans les banlieues que l’association s’efforce de tracer une nouvelle voie pour les femmes …
Avec les « Sine qua non squad », on va courir dans les quartiers  où les femmes n’osent pas courir, avec notre ambassadrice Lucille Woodward, une coach sportif et influenceuse. On collabore en amont avec la ville, avec des éducateurs de quartier. L’idée est de montrer qu’on courre où et quand on veut, et même légèrement vêtues l’été…On engage des dialogues avec les habitants du quartier….Chaque mois on change de localité… et peu à peu, on fait changer les mentalités. Le principe a fait des émules : il est dupliqué par la ville de Genève.




 Informations pratiques
Courses sur deux distances : 6 et 10 km
inscriptions sur www.sinequanonrun.com
1er départ 18h au Parc de la Villette à Paris.
Prix de dossard 25 euros
 
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