"Les violences ne sont pas uniquement du fait des clients" : travailleuses du sexe, prostituées face à des violences quotidiennes

À Besançon (Doubs), les travailleuses du sexe se mobilisent pour dénoncer les violences quotidiennes qu’elles subissent, souvent banalisées ou ignorées. Stigmatisées et isolées, elles réclament reconnaissance, justice et sécurité pour exercer leur métier dans de meilleures conditions.

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Ce mardi 17 décembre, l'association PDA de lutte par et pour les travailleuses du sexe et prostituées de Besançon se rassemble place Pasteur, à 19 heures. Plus tôt dans la journée, deux membres de l'association ont accepté de livrer leurs témoignages, sans que l'on voie leurs visages. Elles dénoncent notamment les violences qu'elles rencontrent. Des violences souvent instrumentalisées pour les infantiliser, les mépriser et dégrader leurs conditions de travail. 

La différence entre travailleuse du sexe et prostituée réside dans la portée et la perception des termes. Les travailleuses du sexe englobent divers métiers liés à l'industrie du sexe (comme les performeuses, les escortes ou les masseuses), tandis que les prostituées échangent un acte sexuel contre de l'argent. Le terme prostitué a une connotation souvent plus réductrice et stigmatisante.

"Fallait pas être une pute"

À travers cette mobilisation, Charlotte* souhaite rappeler que les violences existent. Elles ne seront pas là que pour parler d'elles, mais aussi de leurs collègues "qui vivent des violences et qui ont été assassinées". Luna*, enfoncée dans sa chaise et sa doudoune violette, détaille ces violences : braquage, vol d'argent, retrait du préservatif, viol... Selon les chiffres de l'organisation Médecins du monde, il y a 8,5 faits de violence grave signalés chaque jour envers de travailleurs du sexe.

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Pour Luna, ce chiffre est en deçà de la réalité. Elle estime qu'il est deux fois plus important. "C'est un métier dangereux, mais qui le serait beaucoup moins s'il était plus facile de porter plainte", martèle Charlotte avant que Luna illustre ses propos. "Il y a un sentiment d'impunité de la part des agresseurs."

Imaginez une personne qui se prostitue et qui va à la police en disant qu'elle a été agressée. On va surement lui dire : ' Bah, il ne fallait pas être une pute, il faut changer de travail'.

Luna* travailleuse du sexe

Pour Luna, ces violences sont particulières au patriarcat puisqu'il s'agit avant tout de violences faites aux femmes et aux minorités de genre. Même si la prostitution rajoute un facteur aux agressions. 

"On est moins considérés comme de sous citoyens"

Le changement de la pratique du métier peut rajouter l'isolement comme facteur aggravant. Charlotte explique qu'en travaillant de moins en moins dans la rue, le travail est de plus en plus compliqué. "Pour beaucoup, ça paraît plus sécurisant de travailler en appart. Mais travailler seule, sans le soutien des collègues, si on rencontre un problème avec un client, on est seule face à lui. Et cela peut comporter d'autres formes de violences", explique-t-elle. 

Bien qu'il y ait encore du chemin à parcourir, Charlotte et Luna voient une avancée. Selon Luna, il y a une visibilisation des violences qu'on ne voyait pas avant, notamment, car elles sont de plus en plus recensées. Depuis quelques mois, les meurtres de prostitués sont désormais reconnus comme des féminicides, ce qui n'était pas le cas avant. 

On commence enfin à être moins considérés comme des sous citoyens/citoyennes.

Luna*, travailleuse du sexe

Elle précise cependant qu'elles ne restent pas sans réagir. "Il ne faut pas non plus imaginer qu'on est juste complètement passives, vis-à-vis de ce qu'on vit."

Les gens nous voient uniquement comme des pauvres personnes qui passent leur journée les jambes écartées à recevoir des violences.

Luna*, travailleuse du sexe

Elle explique que pour faire face, elles s'organisent contre ces violences, avec des stratégies de prévention qu'elles souhaitent garder secrètes. Luna ajoute que beaucoup de prostituées travaillent depuis leur domicile et doivent être des plus discrètes. "S'il y a un problème, cela va être compliqué d'appeler à l'aide ou de faire du bruit dans le couloir, ou encore virer un client de force."

"Même si on paye le loyer, on peut être expulsée"

En évoquant leur désir d'anonymat, les deux femmes précisent que les violences peuvent être quotidiennes. 

Si aujourd'hui, on révèle nos visages, nos amis, nos familles, peuvent nous tourner le dos. Les violences ne sont pas uniquement faites par nos clients.

Charlotte*, travailleuse du sexe

"On se protège des stigmates. Si notre banquière, notre propriétaire le savent, il peut y avoir des conséquences directes qui sont catastrophiques, souligne Charlotte. Parler à visage découvert en tant que travailleuse du sexe, mais encore plus en tant que prostituée, ça comporte vraiment des risques. Et ça aussi, c'est une violence."

Pour rappel, en France, il est interdit d'être locataire d'un appartement si on exerce la prostitution, "même si on est déclarées en auto-entreprise, si on paye le loyer tous les mois. On peut être expulsée". 

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