Depuis début mai, Gilbert Maréchal a parcouru 1.900 kilomètres à travers la France avec son tracteur et sa roulotte pour faire la promotion de l'alsacien et des langues régionales. Il vient de rentrer en Alsace car son tracteur est en panne, mais compte vite repartir. Pour l'amour des rencontres...
Gilbert Maréchal est un homme de défis. Et pas n’importe lesquels. Début mai, il s’est lancé dans un tour de France avec son fidèle compagnon de chien, Max, et une mission en tête : promouvoir les langues régionales et notamment la sienne, l’alsacien. Oui mais voilà, pour marquer les esprits, il fallait sortir le grand jeu. Alors, le sexagénaire s’est construit une roulotte qu’il trimballe partout, au volant de son tracteur. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne passe pas inaperçu.Il en est à 1.900 kilomètres parcourus en trois mois depuis son village bas-rhinois de Salmbach jusque dans les Landes, en passant par la Moselle, l’Auvergne ou encore Bordeaux. Des heures de route et autant de rencontres : "C’est formidable", rayonne Gilbert Maréchal en guise de mise en bouche.
Retour en Alsace… anticipé
Mais tout aventurier qui se respecte trouve sur son chemin quelques embuches, semées pour rendre le périple encore plus fou. Pour "Giles von Unteremwàld", comme il se surnomme sur les réseaux sociaux, c’est une boîte de vitesses capricieuse sur son tracteur qui l’a obligé à rentrer en Alsace plus tôt que prévu le 8 août."Mon John Deere [son tracteur, ndlr] a une fuite d’huile à l’entrée de la boîte de vitesses. Je pensais pouvoir le réparer mais il faut que j’ouvre la boîte, et sur place je n’avais pas le matériel nécessaire. Je ne pouvais pas prendre le risque de tirer la roulotte comme ça dans la montagne, il me faut un engin sur lequel je puisse compter, explique-t-il. Je suis donc rentré chez moi en train pour préparer un autre tracteur, un McCormick, avec lequel je vais repartir. Il faut que je répare les freins, j’en ai pour deux-trois semaines."
Repartir, d’abord pour chercher son John Deere et le ramener chez lui, puis pour poursuivre sa route, en McCormick donc. Car Gilbert Maréchal ne pouvait pas s’arrêter là, même s’il reconnait que « ça fait du bien » de retrouver son lit.
Des soirées "tartes flambées"
Au départ, il partait pour une expédition de 5.000 kilomètres. Il n’en est qu’à un peu plus du tiers, à raison de 60 bornes et quatre ou cinq heures de route en moyenne par jour. « Je ne m’ennuyais pas », s’exclame-t-il. Et pour cause, partout où il passe, il crée l’émulation."Quand je m’arrête au bord d’une route, dix voitures s’arrêtent à leur tour. Des gens me contactent par avance car ils me suivent sur Facebook sur ma page La roulotte de l’outre-forêt. C’est assez fou. Ils me disent de dormir chez eux, mais bien sûr je leur dis non, je dors dans ma roulotte parfaitement équipée. Je ne me suis jamais fait virer d’un endroit : la roulotte, ça intrigue, ça n’a rien à voir avec un camping-car ou une caravane."
Un folklore propice aux rencontres, c’était le but. En trois mois, il a organisé des dizaines de soirées tartes flambées avec des habitants de toute la France, parfois des amis alsaciens installés ailleurs, parfois aussi des inconnus : "Les gens me fournissent de l’électricité, du bois, et moi, je m’occupe d’acheter la marchandise parce qu’eux, ils ne savent pas ce dont on a besoin. On trouve du munster même en Normandie, ça ne pose pas de problème."
Des tartes flambées qu’il cuit dans un four attaché à sa roulotte, avec en arrière fond de la musique alsacienne, puis petit à petit des rythmes bretons ou basques qu’il a collectionnés çà et là. "J’ai croisé des gens qui vont venir me voir à leur tour en Alsace. Les rencontres, c’est ce qui est prioritaire pour moi. J’adore ça. J’aime cette convivialité, j’ai besoin de choses positives", raconte-il, en précisant qu’il n’a dépensé que 100 euros en nourriture sur les trois mois, les personnes qu’il rencontre lui distribuant des kilos de victuailles. "A un moment donné, je me suis retrouvé avec 80 bouteilles dans ma roulotte."
Son seul regret, ne pas pouvoir débattre autant qu’il l’aurait souhaité des langues régionales, les "autres s’en fichant de ce qui se passe en Alsace et de la cause alsacienne". Tant pis, il tente d’en parler quand même autant que possible au détour des conversations.
Le partage comme maître-mot
Gilbert Maréchal aime partager son aventure, raconter son plaisir à retrouver de vieilles connaissances. Par exemple, un Alsacien originaire d’Oberlauterbach (Bas-Rhin) dont il avait en partie assuré la restauration lors de son mariage il y a…19 ans. "Je lui avais fait des tartes flambées à l’époque. Il m’a retrouvé par hasard et a organisé deux soirées, à Vitré (Ille-et-Vilaine) où il habite, et à Saint-Gilles-Croix-de-Vie (Vendée). Génial !" Ou encore des camarades d’école de l’époque."Je n’ai pas un souvenir particulier à ressortir, toutes les soirées étaient formidables, explique-t-il, même s’il avoue avoir particulièrement apprécié les quelques semaines où sa femme Marguerite a fait la route avec lui. Avant d’ajouter, en riant : Et puis les meilleurs moments, c’étaient aussi les galères. Une panne, c’est positif parce que ça permet de reconstruire, de recommencer quelque chose, il y a toujours des solutions."
Quelques jours à peine après son départ, le circuit électrique de son tracteur a cramé. Résultat : il est resté près de de quinze jours en Moselle, à l’arrêt. "Des gens m’ont prêté leur garage pour que je puisse bricoler tranquillement." Puis, il a éclaté la roue de la remorque portant son four à tarte flambées, en Champagne : "Là, un habitant m’a ramené deux roues pour que je puisse continuer."
Une autre fois, il a cassé cette même remorque en deux : "J’ai demandé de l’électricité à quelqu’un, on a tiré 80 mètres de câble pour que je puisse la réparer sur un parking. Les gens m’ont même amené de la ferraille pour que je puisse renforcer mon châssis."
Une aventure qui en appelle d’autres
Des moments que Gilbert Maréchal revivra dans quelques jours, dès que son autre tracteur sera d’attaque. Au programme : Pau, Perpignan, Avignon, Nyons, Lyon, la Savoie, Besançon, avant de prendre le temps de sillonner l’Alsace, sans doute au printemps prochain."Et dans deux ans, je repars pour un tour, c’est décidé. Mon John Deere sera réparé d’ici-là", conclut-il.