Le référendum sur un projet de fusion inédite des collectivités départementales et régionale d'Alsace s'est soldé dimanche par un cuisant échec, du fait de son rejet massif par les électeurs du Haut-Rhin et d'une très forte abstention dans toute l'Alsace, selon des résultats définitifs.
Pour être validé, le projet de collectivité unique d'Alsace (CTA) aurait dû non seulement recueillir 50% des suffrages exprimés, mais aussi au moins 25% des inscrits, et ce dans chacun des deux départements. Or 55,74% des votants ont rejeté le projet dans le Haut-Rhin, selon des résultats définitifs. Et si, dans le Bas-Rhin, le oui a recueilli 67,53% des voix, l'abstention a été si forte qu'il n'a rassemblé que 22,90% des inscrits, selon des résultats définitifs.Le Bas-Rhin vote oui mais sans atteindre le seuil des 25% d'inscrits
- Participation : 35,11 %
- "Oui" : 67,53 %
- "Non" : 32,47 %
Le Haut-Rhin vote non
- Participation : 37,18 %
- "Oui" : 44,26 %
- "Non" : 55,74 %.
le "oui" partait pourtant favori...
Censé, selon ses partisans, renforcer le poids de l'Alsace, le "oui" partait pourtant favori. Un sondage publié début mars donnait près de trois-quarts de "oui" pour un quart de "non", même si le camp des opposants était déjà plus fort dans le sud de l'Alsace. Principal initiateur du projet, le président du conseil régional Philippe Richert (UMP) a confié à l'AFP éprouver "le sentiment d'un grand gâchis". Le président de l'UMP Jean-François Copé s'est dit "déçu", estimant qu'il fallait "continuer le travail de persuasion car cette réforme était bonne pour l'Alsace et pourrait l'être aussi pour toute la France". Le PS a mis le rejet sur le compte d'un "manque de dialogue" et des "querelles personnelles des responsables de la droite locale". L'ancien ministre Jean-Pierre Chevènement (MRC) s'est pour sa part félicité du "grand bon sens" des Alsaciens.
Plus petite région de France, l'Alsace était la première à utiliser une possibilité ouverte par la loi de réforme des collectivités territoriales de décembre 2010. Déjà en 2003, les électeurs corses avaient rejeté par référendum un projet comparable. Désormais, "la question du millefeuille (administratif) reste ouverte. Nous avons raté le coche pour dix, quinze ou vingt ans", a regretté Philippe Richert. L'ancien ministre des Collectivités territoriales de Nicolas Sarkozy avançait comme exemples la possibilité future de mieux coordonner la gestion des transports publics régionaux, celle des collèges et lycées, ou de prestations sociales.
"Effet Cahuzac" et peurs du Haut-Rhin
"En Alsace, le peuple s'est levé face à la caste qui voulait lui vendre à la-va-vite un projet conçu dans les couloirs de Bruxelles au bénéfice de l'Europe anti-nationale des régions", s'est réjouie la présidente du Front national Marine Le Pen. "C'est une immense gifle pour les partisans d'une France à plusieurs vitesses, fascinés par le prétendu +modèle allemand+", a commenté le Parti de Gauche, qui agitait avec des syndicats comme FO et la CGT le risque d'une possible remise en cause du droit du travail national.
"Ce résultat est aussi à mettre en relation avec le climat général, la crise, et l'affaire Cahuzac a indiscutablement eu un effet", a estimé M. Richert. Les retombées de l'affaire de l'ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac, qui a reconnu détenir un compte non déclaré à l'étranger après des mois de mensonge, sont également citées par le président du conseil général du Haut-Rhin Guy-Dominique Kennel. "Aujourd'hui, c'est incroyable le nombre de fois où on m'a parlé de l'affaire Cahuzac", a-t-il confié.
"Si la méthode de la fusion a été rejetée, les élus départementaux et régionaux devront continuer à travailler ensemble pour l'Alsace", a estimé le président du conseil général du Haut-Rhin, l'UMP Charles Buttner. Au niveau local, Philippe Richert avance aussi comme explication "un discours d'inquiétude, de peur sur l'avenir du département du Haut-Rhin", nourri notamment par le maire UMP de Colmar Gilbert Meyer, qui avait brandi le risque d'une suppression de la préfecture, pourtant pas à l'ordre du jour. Colmar a d'ailleurs voté non à 60%. Mulhouse en revanche a voté oui à 50,17%.
Les socialistes de Strasbourg, îlot de gauche dans une région très majoritairement de droite, regrettaient pour leur part qu'au terme de tractations visant à ménager les susceptibilités du Haut-Rhin le siège du futur exécutif régional soit projeté dans le chef-lieu de ce département, Colmar, au lieu de la capitale régionale historique. A Strasbourg, où le oui l'a emporté avec 70,96% des suffrages exprimés, le maire Roland Ries (PS) a révélé sur son compte Facebook qu'il avait voté blanc. Tout en se disant favorable au principe, il a expliqué l'échec du référendum par le caractère "flou et confus" du projet.