Plusieurs milliers d'Alsaciennes et Mosellanes ont été incorporées de force en Allemagne nazie lors de la Seconde Guerre mondiale: l'histoire méconnue de ces "Malgré-elles" fait l'objet d'une exposition inédite au Mémorial d'Alsace-Moselle à Schirmeck.
Cette exposition, conçue comme un grand album photo où se mêlent aussi des vidéos et des témoignages audio, montre les parcours dramatiques de ces jeunes femmes, obligées à partir du 8 mai 1941 d'intégrer des camps de travail situés le plus souvent en Allemagne. "Du jour au lendemain, des jeunes femmes de 17 ans qui n'avaient jamais quitté leur famille ont dû partir en convois, ne sachant pas où elles allaient, puis subir l'embrigadement, lire Mein Kampf, travailler" pour le Reich, explique Liliane Hoffmann, l'une des initiatrices du projet.
Elle a recueilli patiemment les témoignages et les documents de certaines de ces femmes, aujourd'hui âgées de plus de 85 ans (quelque 3.000 seraient encore en vie), qui ont accepté d'"ouvrir leurs tiroirs" après des années de silence. Leurs photographies de l'époque, leurs cartes postales ou encore leurs journaux intimes constituent une part importante de l'exposition, qui propose aussi des explications historiques, via une table multimédia tactile installée au centre du hall du Mémorial d'Alsace-Moselle.
Après le Reichsarbeitsdienst (RAD, service du travail du Reich), une partie de ces femmes ont dû participer à partir de l'automne 1943 à la résistance passive du territoire allemand, dans des usines d'armement notamment. "Dans leurs témoignages, toutes évoquent le souvenir des bombardements des usines où elles travaillaient en Allemagne", relève Barbara Hesse, la directrice du Mémorial, qui surplombe la Vallée de la Bruche, et d'où on aperçoit au loin le camp de concentration du Struthof.
Le terme de "Malgré-Elles" est une référence aux "Malgré-nous", ces quelque 130.000 Alsaciens et Mosellans qui furent incorporés de force à partir de 1942 dans les unités militaires allemandes. Ces derniers ont été indemnisés après un accord signé en 1981 entre la France et l'Allemagne, mais les 6.000 personnes incorporées de force dans les formations paramilitaires allemandes, essentiellement des femmes, ont dû attendre 2008 pour bénéficier à leur tour d'une indemnisation. Leur histoire a notamment été mise au jour par le documentaire "Malgré-elles" en 1999 de la réalisatrice Nina Barbier, qui est également l'une des initiatrice de l'exposition proposée jusqu'au 30 décembre à Schirmeck. |