Les crues de l'Elbe et du Danube en Allemagne ont des conséquences économiques et humaines dramatiques. Au bord du Rhin, la situation est moins grave en cas de crue. Des aménagements comme les polders existent, mais une protection naturelle subsiste toujours par endroit : la forêt alluviale.
Le Rhin, un fleuve emprisonné dans un canal, un cours d'eau rectifié et endigué, pour assainir des zones humides, faciliter la navigation, produire de l'énergie. Mais ces aménagements du fleuve ont coupé le cours d'eau des forêts alluviales qui l'entourent, et l'eau coule tout droit et très rapidement vers le nord. Les crues sont alors plus nombreuses, la navigation est perturbée, et en aval, à Cologne par exemple, on a les pieds dans l'eau.
Des programmes européens au secours des forêts alluviales
Les Etats riverains du fleuve ont réagi, et dans leur boite à outil ils disposent de fonds européens et de réseaux internationaux : Interreg ou Life plus, des conventions internationales comme celle sur les zones humides, et des programmes de coopération entre Etats. " Le Rhin est géré selon un schéma intégré ", explique Hartmut Weinrebe, représentant de l'antenne de Karlsruhe l'organisation allemande de défense de la nature et de l'environnement BUND. " Ce schéma comporte un aspect protection contre les crues, et un volet revitalisation des forêts alluviales. Il s'agit de trouver des compromis acceptables entre les intérêts des habitants et des industries situés le long du fleuve, et la nature ".
A Neuburgweier au sud de Karlsruhe, le fleuve a retrouvé de la place grâce à un programme de revitalisation de la forêt alluviale, qui s'étend entre les berges et la digue: en cas de crue, le Rhin peut quitter son lit et ses eaux coulent dans des méandres pour rejoindre plus tard à nouveau le fleuve. Un délestage du Rhin, qui s'autorégule. " Ces méandres sont situés dans une forêt alluviale revitalisée. Vous voyez, l'eau coule, elle ne stagne pas, il y a des oiseaux, es libellules, des poissons qui viennent pondre ici. C'est un écosystème qui n'existait pas avant. " Hartmut Weinrebe aimerait que cet écosystème prenne encore plus de place : " dans l'idéal, nous aimerions que le Rhin puisse reprendre naturellement sa place d'avant les années 30, jusqu'à l'ancienne digue, en cas de crues. Mais la politique privilégie la construction d'un polder, contrôlé par l'homme. Alors que la nature, si on la laisse faire, régule les choses à sa façon ! ".
Des écosystèmes précieux
Le Rhin a perdu 80% de ses forêts alluviales, des écosystèmes précieux, qui protègent des inondations et qui assurent aussi l'épuration des eaux avant qu'elles ne pénètrent ensuite dans la nappe phréatique. La revitalisation de ces forêts est aussi préconisée par les chercheurs de l'institut universitaire des plaines alluviales de Rastatt. Le professeur Emil Dister, un spécialiste de l'écologie des fleuves, en est un fervent défenseur : " il faut donner plus de place aux fleuves ", plaide t'il, " d'ailleurs, pour le Rhin, la commission internationale qui le gère a décidé, avec l'aval des Etats riverains !, de démanteler le renforcement des rives sur 800 kilomètres, pour que le fleuve puisse à nouveau déborder. "
Statistiquement, une crue du Rhin de grande ampleur ne se produit que tous les 200 ans. Mais celle-ci causerait des dommages estimés, côté allemand,
à 6 milliards d'euros. Face à ce risque, la revitalisation des forêts alluviales est une solution économe et écologique pour réguler les crues, un projet qui pourrait concerner à terme 10 000 hectares dans la région du Rhin supérieur.
Emil Dister insiste : " Il faut être patient, les décisions sont difficiles à prendre, il faut convaincre les élus locaux, qui ne veulent pas froisser les électeurs, il faut compter avec le lobbying des professionnels de la construction et de l'ingénierie, il faut sensibiliser tout le monde à la beauté et à la valeur ajoutée que représente une forêt alluviale !" Et alors, il en est persuadé, le Rhin et d'autres fleuves européens retrouveront certains des méandres du passé…