Après avoir annoncé que le ramadan débuterait mardi, le Conseil français du culte musulman (CFCM) est finalement revenu sur sa décision sous la pression de fidèles déboussolés et s'est aligné sur la position des pays arabes, qui ont fixé le début du jeûne à aujourd'hui, mercredi.
Ça y est, c'est officiel, le ramadan commence bien aujourd'hui, comme c'est le cas dans de nombreux pays arabes. Pourtant, il devait commencer hier : pour la première fois, la date du début du ramadan avait été fixée à l'avance par la Conseil français du culte musulman (CFCM). Jusqu'à ce que ce dernier fasse machine arrière pour une "erreur de calcul" astronomique.
Rima, 23 ans, avait commencé à jeûner hier, mardi, après "l'annonce à la télé et à la radio que ça commençait aujourd'hui". Au cours de la matinée, "c'était un peu la pagaille" et finalement la jeune femme a "attendu 13H00 et l'annonce de la mosquée de Paris pour le rompre". "Ça m'étonne un peu qu'en 2013, on n'arrive toujours pas à trouver une date précise...", soupire-t-elle.
Et hier, elle n'était pas la seule fidèle à être victime de l'"erreur de calcul" du CFCM. Lundi soir en effet, l'ambiance était à la confusion à la Grande Mosquée de Paris. Traditionnellement, les croyants se rassemblent et scrutent le ciel lors de la "nuit du doute", la veille du début du ramadan. Mais cette fois-ci, personne n'est parvenu à voir la nouvelle lune.
"Les mosquées nous ont appelés hier jusqu'à 01H00 du matin, les imams étaient dans le désarroi", a expliqué Djelloul Seddiki, responsable de la
commission théologique de la Mosquée de Paris. "Cela part un peu dans tous les sens mais hier c'était la "nuit du doute" dans le calendrier musulman et ce n'est pas pour rien qu'elle s'appelle comme ça!" a commenté avec humour Toufik Chergui, ancien conseiller de la mosquée d'Oyonnax (Ain), qui pratique désormais l'islam à Sens (Yonne).
Face au dilemme, certaines mosquées ont suivi l'avis initial du CFCM, d'autres celui de l'Arabie Saoudite ou d'autres pays musulmans, tandis que d'autres restaient perdus.
"On est très perturbés, parce que les gens n'arrêtent pas de nous téléphoner, de nous demander si la mosquée maintient encore le jeûne ou pas... C'est pas facile de gérer tout ça"
"On est très perturbés, parce que les gens n'arrêtent pas de nous téléphoner, de nous demander si la mosquée maintient encore le jeûne ou pas... C'est pas facile de gérer tout ça", a réagi hier, mardi matin le secrétaire général de la Grande Mosquée de Strasbourg, Mohamed Tahiri.
Bien que des fidèles aient commencé à jeûner dès mardi à l'aube, la zizanie créée a donc poussé le président du CFCM Dalil Boubakeur à faire machine arrière "afin de préserver l'unité des musulmans".
En 2009, environ 70% des musulmans de France déclaraient observer le jeûne du ramadan, contre 60% il y a vingt ans, selon un sondage Ifop. Le nombre des musulmans en France est généralement estimé à 5 millions de personnes. La France compte 2,1 millions de "musulmans déclarés" de 18 à 50 ans, selon l'Institut national des études démographiques (Ined) et l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).
Certains fidèles ont donc commencé à jeûner dès hier, nous étions avec eux pour la rupture du jeûne :
Discrédit sur le CFCM ?
La confusion engendrée jette du discrédit sur une instance censée représenter la communauté musulmane, mais très contestée. "Cette décision a été prise d'en haut, ils ont voulu l'appliquer et le bas ne l'a pas voulu", a commenté Kamel Kabtane, recteur de la Grande Mosquée de Lyon.Pour Mamadou Daffé, imam de la mosquée du Mirail à Toulouse, "le fait pour le CFCM d'avoir pris cette décision-là à l'avance, sans qu'il y ait une confirmation ni une consultation, cela en a vexé plus d'un".
"C'est une leçon", a reconnu Dalil Boubakeur, du CFCM. "Le CFCM devra être conscient de cette difficulté, que l'avis de la communauté compte autant que l'avis scientifique". "L'année prochaine, nous nous y prendrons autrement", a-t-il poursuivi, expliquant que le CFCM devrait déployer "beaucoup de pédagogie".