"Ayant pris acte de la volonté" des trois partis "de former le nouveau gouvernement", le chef de l'Etat, le Grand-Duc Henri, a reçu M. Bettel "pour le charger de la formation du nouveau gouvernement", a annoncé le Palais.
Jean-Claude Juncker est Premier ministre depuis 1995 et membre du gouvernement depuis 1982. Son parti chrétien social était au pouvoir sans interruption depuis 1944, sauf entre 1974 et 1979, où les libéraux avaient déjà fait alliance avec les socialistes.
Tout en restant le premier parti du pays, les chrétiens sociaux ont perdu des voix et trois sièges lors des élections anticipées de dimanche dernier. Ils ont 23 des 60 sièges de la chambre des députés.
Les libéraux du Parti Démocratique (DP) ont été les grands gagnants du scrutin, avec quatre sièges de députés supplémentaires.
Ils avaient aussitôt entamé des pourparlers avec les socialistes (13 sièges également) et les écologistes (6) pour former une coalition sans les chrétiens-sociaux. Les libéraux, les socialistes et les Verts, qui ont donc obtenu 32 députés à eux trois, devraient avoir besoin de plusieurs semaines pour s'entendre sur un programme de législature, qui au Luxembourg dure cinq ans.
M. Bettel a indiqué qu'il espérait y parvenir d'ici au début du mois de décembre.
En attendant, le gouvernement sortant de M. Juncker reste en place et expédie les affaires courantes.
"Mon état d'esprit n'est pas celui de quelqu'un qui se retire de la politique luxembourgeoise, bien au contraire", a déclaré M. Juncker après avoir participé au sommet européen à Bruxelles. Il a refusé de commenter la décision prise par le Grand-Duc.
Le portrait de Xavier Bettel :
Xavier Bettel, un jeune libéral pressé
Xavier Bettel, qui semble en passe de devenir Premier ministre du Luxembourg, est un jeune libéral qui a brûlé les étapes pour détrôner l'indéboulonnable Jean-Claude Juncker.Ironie de l'histoire, il devrait prendre à tout juste 40 ans la tête du gouvernement au même âge que M. Juncker lorsque ce dernier a accédé à cette fonction en 1995.
Maire de la ville de Luxembourg depuis deux ans, M. Bettel est devenu ces derniers mois une des personnalités politiques les plus populaires de son petit pays, devançant son aîné dans un sondage publié en début d'année.
"Il est perçu par les Luxembourgeois comme aussi sympathique que compétent", commentait alors l'institut TNS Ilres.
Interrogé sur son style, il a dit un jour vouloir privilégier "le dialogue et la proximité". De contact facile, on peut le voir jouer au baby-foot avec des jeunes dans des maisons de quartier ou vendre ses jouets d'enfance dans des brocantes au profit d'associations caritatives.
L'homme, connu pour son franc-parler, est aussi pugnace. Il était ces dernières années l'un des rares responsables politiques à s'opposer frontalement à Jean-Claude Juncker, qui ne l'apprécie guère.
Certains l'accusent en coulisses de manquer de consistance. Mais la plupart, y compris ses adversaires, le décrivent comme un "phénomène".
Né le 3 mars 1973 à Luxembourg, Xavier Bettel est encore adolescent quand il entre en politique. A 15 ans, il adhère au Parti libéral (DP), l'opposant historique des chrétiens sociaux. Jean-Claude Juncker est déjà ministre.
Trois ans plus tard, il est vice-président des jeunesses libérales, avant d'en devenir président jusqu'en 2002. Il a pris la présidence du parti en février.
Il n'a que 26 ans quand il décroche un siège de député. Il sera réélu en 2004 puis en 2009. Il est alors porté à la tête du groupe parlementaire du principal parti d'opposition. Mais Xavier Bettel n'a jamais été ministre, les libéraux étant dans l'opposition depuis neuf ans.
Au niveau local, il entre aussi en 1999 au conseil municipal de sa ville natale. Il en devient maire à la surprise générale en 2011, à 38 ans. Jouant déjà la carte du renouvellement, il a largement devancé le bourgmestre sortant, libéral comme lui, mais en poste depuis 12 ans.
A la tête d'une coalition municipale avec les Verts, autre parti d'opposition à l'alliance chrétiens sociaux/socialistes au niveau national, M. Bettel a contribué à redynamiser le centre de la capitale, qui avait la fâcheuse réputation de se transformer en ville morte après la sortie des bureaux. Les magasins sont désormais ouverts plus tard le soir et certains dimanches.
Avocat parallèlement à ses mandats politiques jusqu'en 2011, il s'était spécialisé dans les affaires pénales, et non dans la finance ou les affaires, qui ont fait la réputation et la fortune du Grand-Duché.
Né d'un père luxembourgeois négociant en vins et d'une mère française d'origine russe, il a commencé ses études de droit public et de sciences politiques à Nancy, en France, avant de poursuivre à l'Université Aristote de Thessalonique, en Grèce, où il a obtenu une maîtrise en droit public et droit européen, mais aussi des diplômes en droit maritime et en droit ecclésiastique.