1914-1918 : la Suisse et la Grande Guerre

La Suisse pendant la Première Guerre mondiale : ce petit pays neutre, entouré de puissances belligérantes, est resté loin du bruit et de la fureur guerrière. Mais en réalité, ce premier conflit mondial a eu un impact sur la Confédération, et des conséquences durables pour la Suisse.

Le Vieil Armand, sur le front alsacien : ce tableau apocalyptique du Bâlois Nicolas Stoecklin, peint peu après la Grande Guerre, accueille le visiteur de l’exposition. Un tableau placé là pour signaler la proximité du conflit avec Bâle : la ville entendait les bombardements et les tirs d’artillerie, et craignait l’invasion par les troupes allemandes.

La Suisse et la Grande Guerre, c’est une exposition itinérante qui se penche sur le quotidien helvète pendant le conflit, sur les aspects socio-économiques de cette guerre mondiale en Suisse, plutôt que sur le récit militaire des événements. L’exposition documente également les conséquences du conflit sur ce petit pays au cœur de l’Europe… Une guerre qui a aussi divisé les Suisses, cibles de la propagande naissante, en provenance d’Allemagne ou de France. « Les suisses alémaniques étaient plutôt favorables à l’Allemagne et à ses alliés, leurs compatriotes romands, eux, avaient de la sympathie pour les forces de l’Entente, menées par la France », explique Gudrun Piller, la directrice adjointe du musée et responsable du volet régional de l’exposition. « Il a fallu que la confédération mette en avant le concept de neutralité, pour que les citoyens oublient ces fidélités culturelles pour se réunir autour de ce principe fondamental ! ».

Neutralité et dépendance

La Suisse, un Etat neutre, mais un pays dépendant, pour son approvisionnement en matières première, des pays belligérants. Ceux-ci la fournissaient en céréales, primordiales pour la fabrication de pain, ou en cacao, nécessaire à l’industrie alimentaire qui le transformait en chocolat, un produit très demandé destiné aussi à l’exportation.
Pénuries, frontières verrouillées, mais le conflit a aussi profité à certains : l’industrie suisse livrait ses produits à tous les pays en guerre, elle a aussi occupé la place laissée vide par l' Allemagne dans certains domaines, la chimie par exemple… «  La chimie bâloise a ainsi occupé le créneau des la fabrication de teintures, utilisées par les armées en guerre pour teindre les uniformes. L’horlogerie a fabriqué des détonateurs, l’industrie textile des pansements. Et le chocolat suisse continuait à être très demandé à l’export, c’était un produit très nourrissant et conservable longtemps », raconte Gudrun Piller. La guerre, une aubaine pour l’industrie, qui a pu parfois sextupler ses gains… Mais le conflit a aussi eu pour conséquence l’effondrement de secteur du bâtiment, ou de celui du tourisme.

Frontières fermées et pénurie alimentaire


Quand la guerre éclate, la Suisse ferme ses frontières, et se protège contre toute intrusion étrangère. L’armée est mobilisée, les fortification sont remises en état, le pays se montre prêt à défendre sa neutralité. Les Suisses craignent une invasion allemande par Bâle, qui permettrait aux armées du Kaiser d’atteindre la France par le Jura Suisse. Et ils préviennent : toute violation de la neutralité suisse provoquerait l’entrée en guerre de la Confédération. Bâle, avec sa longue frontière avec le Pays de Bade et l’Alsace – donc avec l’Allemagne, retient son souffle…

Cette histoire locale est, elle aussi, racontée ici, et surtout, on la rencontre dans la ville.

« Il y a ce qu’on voit – des fortifications ou des tranchées en dehors de la zone urbaine, par exemple -, il y a ce qu’on peut illustrer – l’approvisionnement en produits alimentaires, par exemple -, et il y a ce qui est né avec cette guerre, la Foire de Bâle par exemple », nous raconte Thomas Hofmeier, historien et guide au musée. Thomas Hofmeier propose des visites dans le Bâle de cette époque, dans le cadre du programme annexe à l’exposition. Avec lui, les visiteurs se rendent ainsi au marché. « Ici, vous voyez des stands de fruits, de légumes, des boulangers, des bouchers. Tout est bien achalandé, n’est ce pas ? Et bien en 1914, c’était pareil, et quand la guerre a éclaté, les plus riches ont fait des provisions. Ceci a eu pour effet d’augmenter les prix et de créer une pénurie. Les plus pauvres, eux, ont souffert de ces prix élevés et de la pénurie des aliments pendant toute la guerre ! ». Thomas Hofmeier enchaine, en parlant des émeutes de 1918, quand le petit peuple, épuisé par quatre années de dégradation de la situation sociale, a manifesté sa colère dans la rue. « Et c’est triste, vraiment, parce que les soldats suisses ont été opposés aux manifestants, et ils ont tiré sur eux, il y a eu des morts. Ce sont nos morts, avec ceux victimes de la grippe espagnole, de la première guerre mondiale ! ».

Ponts minés et échanges de prisonniers


Thomas Hofmeier nous emmène ensuite sur les ponts de Bâle, théâtres d’opérations de guerre dans un pays en paix! « L’armée a miné tous les ponts de la ville, qu’elle aurait fait sauter si notre territoire avait été envahi. C’était vraiment un signal fort, qui disait aux belligérants que l’invasion ne les mènerait pas loin, puisqu’ils seraient arrêtés, ralentis en tout cas, au bord du Rhin. » Thomas Hofmeier montre un autre pont, tout proche : « et là bas, les bâlois étaient témoins d’un étrange ballet de soldats : sur ce pont, les armées allemandes et françaises échangeaient leurs prisonniers de guerre. Un peu comme à Check Point Charly à Berlin, quelques décennies plus tard ! ». Des histoires et des anecdotes,  notre guide en a beaucoup à raconter sur Bâle pendant la première guerre mondiale. Il nous emmènerait bien au coin des trois frontières, une conséquence de la guerre et du retour de l’Alsace à la France, redonnant à Bâle une frontière avec l’hexagone… Ou encore sur le site de la foire de Bâle, immense et moderne : « La MUBA, notre foire de Bâle, est une création de la guerre : il fallait montrer aux bâlois que la production suisse pouvait suppléer ce qu’avant la guerre, nous achetions à l’étranger ! ».

Le centenaire du début de la Grande Guerre est pour la Suisse l’occasion de redécouvrir cette histoire récente. La Confédération et ses habitants ont été épargnés des horreurs de la guerre, mais cet événement fondateur du 20ième siècle n’est pas resté sans conséquences sur ce petit pays neutre.
« 1914/18 : La Suisse et la Grande Guerre » : l’exposition est montée dans le cadre d’un projet fédéral, http://www.ersterweltkrieg.ch/

Elle vous accueille jusqu’au 15 février :
HMB - Museum für Geschichte , Barfüsserplatz, 4051 Basel
Heures d’ouverture : mardi à dimanche, 10H – 17h, fermé le lundi.
Contact: Téléphone +41 (0)61 205 86 00
Information +41 (0)61 205 86 02
(Visites avec ou sans guide de l’exposition ; visites guidées dans Bâle ; conférences, animations et reconstitutions historiques avec le groupe « Rost und Grünspan », excursions).

L’exposition vous attend aussi sur internet, sur le site du « Historisches Museum Basel » : http://www.hmb.ch/sonderausstellungen/14_18.html
Le musée est membre d’un réseau de musées qui organise environ tous les quatre ans une série d'expositions transfrontalières. En 2014 le sujet porte sur la Première Guerre mondiale.
http://www.dreilaendermuseum.eu/fr/Reseau-Musees

Le HMB publie aussi un magazine avec des articles sur le Bâle de l’époque, des extraits de carnets de bord d’habitants de la ville, et des photos.
Un blog, sous www.baselersterweltkrieg, propose des documents mis à jour hebdomadairement.

Autres sources : le dossier du journal « Le Temps », http://www.letemps.ch/dossiers/dossiers_2014/2014_guerre14/

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