Le pape va appeler une Europe en crise à ne pas se refermer sur elle-même

Le pape François fait mardi à Strasbourg une visite éclair aux institutions européennes pour exhorter un continent en crise à rester ouvert aux étrangers et à continuer à oeuvrer pour la justice dans le monde.


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Ce déplacement de quatre heures, le plus court d'un pape à l'étranger, le verra prendre la parole devant le Parlement européen, où siègent des élus des 28 pays de l'Union européenne, et le Conseil de l'Europe, une organisation intergouvernementale représentant 47 Etats. La dernière visite d'un pape à ces institutions remonte à Jean Paul II en 1988, juste avant la chute du mur de Berlin. François devrait être accueilli à Strasbourg par le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes Harlem Désir. Mais le programme ne prévoit ni célébration publique ni bain de foule. Les fidèles devront se contenter de suivre les deux discours sur un écran géant à la cathédrale, ou d'essayer d'apercevoir la silhouette blanche à son entrée au Conseil de l'Europe. Le fait que Jorge Bergoglio ne met même pas le pied dans la cathédrale qui fête son millénaire a suscité la déception, mais le Vatican a promis une autre visite en France pour 2015.

Le pape argentin, qui avait jusqu'à présent négligé l'Europe dans ses déplacements, a surpris en choisissant de commencer en septembre par l'Albanie, pour insister sur la dimension continentale, populaire, interreligieuse et non-institutionnelle de l'idéal européen. Après Jean Paul II et Benoît XVI, qui évoquaient les racines chrétiennes de l'Europe, une visite du pape François à l'Europe était attendue, dans une période de tensions : crise économique, chômage, immigration, débats de société difficiles, et désormais aussi la menace d'une nouvelle guerre froide avec le conflit en Ukraine. Premier pape du "Nouveau monde", populaire auprès des croyants et des non-croyants, François a souvent semblé critique à l'égard de l'Europe, un continent, selon lui, vieilli et "fatigué", y compris dans sa minorité catholique, alors que les élections européennes de mai ont confirmé une poussée de l'extrême droite. 

Grande autorité

A l'invitation du président du Parlement européen, le socialiste Martin Schulz, le pape ne vient pas en tant que "chef d'Etat" mais fort de la "grande autorité que lui reconnaît une bonne partie de la communauté internationale", selon le porte-parole du Vatican Federico Lombardi. Ce n'est pas l'avis de députés espagnols  d'Izquierda Plural, qui quitteront l'hémicycle. Au nom de la laïcité, l'eurodéputé français Jean-Luc Mélenchon, fondateur du Parti de gauche (gauche radicale), a quant à lui estimé que le pape n'avait "rien à y faire".

Dans une tribune au quotidien du Vatican, Martin Schulz a au contraire estimé que la visite pourrait "sortir l'Europe de sa torpeur". Elle n'est en rien "une attaque contre la laïcité", a-t-il ajouté, évoquant un "rôle de premier plan de l'Eglise pour limiter les dégâts, matériels et immatériels, de la crise économique". Le discours du pape devrait avoir une forte dimension sociale : pour le pape, les catholiques doivent apporter leur "contribution propre" au projet européen en défendant "la solidarité avec les exclus", a expliqué le secrétaire d'Etat Pietro Parolin. 

Le chômage des jeunes, qui touche plus d'un jeune Européen sur cinq, ainsi que la marginalisation des personnes âgées et des immigrés devraient être dénoncés. Le pape François devrait ainsi rappeler aux Européens leur longue histoire de migrations -- sa propre famille a émigré du Piémont italien vers l'Argentine -- et leur devoir d'accueillir ceux qui fuient la misère et les conflits, dans le respect des différences, en particulier avec les musulmans. Un message qui passe de plus en plus mal en Europe, où les discours xénophobes n'ont souvent plus de complexes.

Le mariage homosexuel, les défis bioéthiques, l'avortement et l'euthanasie sont également des sujets brûlants. Dans les cercles conservateurs de l'Eglise, beaucoup attendent de voir si le pape formulera des critiques contre des réformes en vigueur, ou s'il se contentera prudemment d'exhortations générales. Devant le Conseil de l'Europe, le pape devrait appeler les Européens à jeter "des ponts", 25 ans après la disparition du Rideau de Fer, et à rester engagés dans le monde sur les terrains diplomatique, humanitaire et des droits fondamentaux. Au centième anniversaire de la Première guerre mondiale, et près de 50 ans de la fin de la seconde, François devrait appeler à un apaisement en Ukraine. Sa marge de manoeuvre est étroite, car l'orthodoxie russe est vent debout pour défendre le Kremlin.
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