La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) se penche mercredi sur le sort de Vincent Lambert, un tétraplégique de 38 ans plongé dans un état végétatif, devenu l'objet d'une tragédie familiale et d'un débat de société.
Les juges de Strasbourg vont examiner, lors d'une audience, le conflit entre son épouse Rachel, qui souhaite le "laisser partir", et ses parents, qui refusent l'arrêt de l'alimentation et de l'hydratation artificielles de leur fils. Mais il faudra encore attendre pour connaître l'épilogue de ce feuilleton judiciaire à rebondissements, la Grande chambre de la CEDH ne devant rendre son arrêt que "dans au moins un à deux mois", selon une source proche de l'institution.
Ce sont les parents, ainsi qu'une soeur et un demi-frère de Vincent Lambert, qui ont saisi la Cour. Ils contestent la décision du Conseil d'Etat, en juin, d'autoriser l'arrêt de l'alimentation et de l'hydratation artificielles qui le maintiennent en vie depuis plusieurs années. Leur requête a conduit la CEDH à suspendre dans l'urgence cette décision, le jour où elle a été prise, le temps de mener sa propre procédure. D'ordinaire, cette dernière peut durer plusieurs années, mais la Cour européenne a accéléré le rythme pour cette affaire qui concerne la vie d'un homme.
Situation d'euthanasie
Mais ses parents, qui ont déménagé à Reims pour se rapprocher de lui, contestent l'idée qu'il ait eu cette demande, soulignant qu'il n'avait pas rédigé de directives anticipées. Les convictions religieuses de ces catholiques traditionnalistes "n'ont rien à voir avec leur position", assure leur avocat, Me Jean Paillot. L'arrêt des traitements serait "une situation d'euthanasie", estime-t-il, ajoutant que "Vincent Lambert n'est pas du tout en fin de vie et qu'il irait mieux s'il était mieux pris en charge", dans un établissement spécialisé. Devant le CEDH, l'avocat va notamment faire valoir des violations du "droit à la vie" et de l'interdiction de "traitements inhumains ou dégradants" pour faire condamner la France. "Qu'il soit maintenu en vie artificiellement et en totale dépendance, c'est insupportable par rapport à celui qu'il était", déplore de son côté Rachel, qui avait rencontré Vincent en 2002, alors qu'ils étaient tous deux infirmiers psychiatriques en Lorraine. "Respecter Vincent, c'est reconnaître qu'il n'aurait jamais supporté le moindre acharnement thérapeutique", selon la jeune femme de 33 ans, dont la position est partagée par cinq frères et soeurs, et par un neveu de son mari. Ce nouvel épisode de l'"affaire Vincent Lambert" intervient alors que vient d'être relancé en France le débat sensible sur la fin de vie, et sur les améliorations à apporter au cadre légal que constitue depuis 2005 la loi Leonetti.Un débat sans vote doit avoir lieu sur ce thème le 21 janvier à l'Assemblée nationale, sur la base de propositions des députés Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (UMP), remises en décembre à François Hollande. Ce débat sera suivi de la présentation d'une proposition de loi, à une date qui n'a pas encore été précisée.
Voir notre reportage dans le JT 12/13 de ce mercredi 7 janvier 2015 :