À 85 ans, Christophe Fritsch n'a rien perdu de son âme d'horticulteur. C'est lui qui s'occupe de tout le fleurissement de la maison de retraite "La Roselière", à Kunheim (Haut-Rhin), où il réside. Une mission qu'il prend très à coeur. Le personnel et les autres pensionnaires de l'ehpad apprécient.
Derrière les portes de "La Roselière", à Kunheim (Haut-Rhin), c'est le branle-bas de combat. À 9 heures, en ce lundi de mai, la terrasse de l'établissement est déjà en pleine agitation. Christophe Fritsch nous a donné rendez-vous pour ses traditionnelles plantations de printemps. "Il a choisi sa journée et vous attend", nous avait-on assuré quelques jours plus tôt, en guise d'invitation. La promesse d'une parenthèse pleine de vie, entre les murs d'une maison de retraite, nous a poussé à vite accepter.
Christophe Fritsch est là, gants aux mains et tablier autour de la taille. Il nous accueille avec, en cadeau de bienvenue, le même équipement. "Pour éviter de salir vos beaux habits", prévient-il. À 85 ans, il a l'élégance et l'en train de sa jeunesse. Lui, l'horticulteur de métier, est devenu le "Monsieur fleurs" de son ehpad. "Je ne suis pas dans cette forme tous les jours, sinon je ne serai pas là. Mais quand ça va, je fais", confie-t-il.
Ce lundi-là est donc un jour avec. Tel un chef d'orchestre, l'octogénaire donne la cadence : il distille ses conseils, impose ses ordres. "Il faut le voir, il est incroyable", nous avait-on prévenu. Il ne faut que quelques minutes pour comprendre. La partition est parfaitement rodée. "Philippe, les bégonias blancs, s'il te plaît", "Raoul, viens par ici, mets-toi en face pour ne pas abîmer les fleurs. Il faut bien creuser...", "Attention, il faut planter les fleurs en quinconce"...
"Il achète et me ramène la facture"
Philippe, un bénévole, et Raoul, responsable du service technique de la maison de retraite, s'exécutent. "On obéit et on n'a pas intérêt à se planter, plaisantent-ils. Christophe est le chef. Il sait ce qu'il veut. Mais c'est génial, on apprend tellement de choses à ses côtés. Il maîtrise toute la technique, il connaît les fleurs...".
À "La Roselière", monsieur Fritsch a pratiquement carte blanche. "C'est lui qui gère. Il achète et me ramène la facture. Avant de partir, il passe dans mon bureau pour savoir ce qu’il peut choisir et pour quel budget. Mais il y a toujours des petites choses en plus..., sourit Robert Kohler, le directeur. Notre objectif, c'est que la vie continue ici à l’ehpad, et tout cela y contribue. Cela me coûte cher, mais ça en vaut la peine", ajoute-t-il encore en riant.
Avec Philippe, son chauffeur autoproclamé, Christophe Fritsch fait régulièrement la tournée des jardineries. Il repère, note, raye, puis dessine. Ici, "une plante qui aime le soleil", là "une fleur qui a besoin d'ombre". Rouge, rose, jaune, violet, toutes les couleurs trouvent leur place sur les plans qu'il griffonne. Le petit numéro n'étonne plus personne : "Bien sûr qu'on connaît monsieur Fritsch, s'emballe Jean-Marie Erdinger, patron d'une jardinerie à Urschenheim. Il nous appelle toutes les semaines, pour avoir des informations. Il sait ce qu’il veut, c’est telle couleur et pas une autre. C’est radical."
"Toutes les familles se posent autour des fleurs"
Les plantations, malgré la météo pluvieuse ce jour-là, ont attiré d'autres résidents, venus s'oxygéner, les mains dans la terre. Le maître de cérémonie a anticipé. Il a prévu des bacs, pas trop bas mais suffisamment hauts pour être accessibles depuis un fauteuil roulant. "Comme ça, chacun peut planter", assure-t-il.
Et les fleurs, une fois installées, font sensation chaque été. "Toutes les familles se posent ici, c’est un espace très apprécié, raconte Raoul Gillmann. En été, on a une machine à glaces, et puis les fleurs… Il y a souvent quelqu’un qui arrose, à côté des familles qui se retrouvent. Ça apporte un plus, c’est agréable, vivant." Là est sans doute le grand bonheur de Christophe Fritsch : observer les enfants courir au milieu de ses plantes, et entendre les plus grands lui adresser leurs compliments.
