Accident mortel du TGV à Eckwersheim : et maintenant ?

C'est désormais officiel. La SNCF et sa filiale Systra sont poursuivies pour "blessures et homicides involontaires" dans le cadre de l'enquête sur le déraillement de la rame d'essai du TGV Est. Survenu le 14 novembre 2015, ce drame avait fait 11 morts et 42 victimes. 

Semaine judiciaire cruciale dans le dossier du déraillement de la rame d’essai 744 du TGV Est à Eckwersheim le 14 Novembre 2015. Hier, jeudi 21 décembre, au terme de deux jours d'audition par le juge d'instruction du pôle des accidents collectifs du tribunal de grande instance de Paris, la SNCF a été mise en examen en tant que personne morale pour "blessures et homicides involontaires par maladresse, imprudence, négligence ou manquement à une obligation de sécurité".

« Cette mise en examen était inévitable. Désormais la SNCF est dans la procédure. Elle va devoir s’expliquer sur chacune des carences, sur chacun des griefs qui ont été mis en évidence par les rapports d’expertise. Et pour les familles que je représente c’est un soulagement. C’est un moment très important » commente Maître Lienhard, l’avocat de deux familles de victimes.

Systra, la filiale de la SNCF chargée des essais avait été, elle aussi, mise en examen deux jours plus tôt pour les mêmes motifs.


Une suite logique


Ces mises en examens étaient attendues. En Octobre dernier, les responsabilités des deux entités avaient été clairement pointées du doigt dans les conclusions définitives du rapport d’enquête sur les causes présumées de l’accident. Un rapport cinglant qui met en avant une série de manquements qui ont conduit à un enclenchement trop tardif du freinage. Les experts judiciaires avaient notamment relevé des briefings insuffisants, le manque de formation du personnel, mais aussi l’inexpérience des équipes chargées de réaliser les essais en survitesse.



En résumé : l'équipage de conduite ne disposait ni des informations suffisantes ni des compétences requises pour conduire ces essais. Une vidéo tournée à bord du train d’essai le 11 novembre 2015, 3 jours avant le drame, semble le démontrer.



Autre élément révélé par ce rapport : Systra a demandé à l'équipage de procéder à des essais en survitesse à 10% de plus que la vitesse de conception de la ligne, et non la vitesse de commercialisation. Donc l'essai à 330 km/h a été validé au lieu de 187 km/h sans justification ni information au personnel d'essai.


Dans ce dossier, trois mises en examen ont déjà été prononcées en 2016 à l'encontre de deux salariés de la SNCF - un conducteur et un cadre transport traction -  et d'un employé de Systra - pilote traction - pour homicides et blessures involontaires. Tous trois avaient été placés sous contrôle judiciaire.


Une étape importante pour les victimes et leurs familles


Deux ans après, cette étape judiciaire est primordiale pour les victimes et familles de victimes qui attendent toujours de comprendre ce qui s’est réellement passé ce 14 novembre 2015 mais surtout que chacun assume désormais ses responsabilités. Aujourd’hui encore leurs témoignages restent rares, mais ces poursuites pénales tendent à libérer quelque peu la parole. Les langues se délient notamment pour dénoncer le silence qui semble entourer la catastrophe. Une catastrophe « oubliée » selon certains, car survenue au lendemain des attentats de Paris. Une catastrophe minimisée et rendue invisible pour d’autres, par les entreprises SNCF et Systra elles-mêmes. Il est vrai que ces deux entités s’expriment peu depuis le début de l’affaire.



A quand le procès ?


Désormais place aux stratégies de défense pour les entreprises dont trois employés font déjà l'objet de poursuites. Ces mises en examen vont leur permettre de pouvoir accéder officiellement au dossier d’instruction, d’y verser des pièces complémentaires, mais aussi de demander de nouvelles expertises et compléments d’enquête.

«La vraie question est de savoir si la SNCF et Systra vont assumer leurs responsabilités» argumente Maître Lienhard. «Il est très important qu’à ce stade, avec ce que l’on sait, les deux entreprises ne soient pas dans le déni. C’est l’impression qu’on a aujourd’hui, alors qu’il y a des fautes manifestes. Les familles sont prêtes à comprendre ce qui s’est passé, elles ne sont sans doute pas prêtes à l’accepter mais elles veulent qu’il y ait une reconnaissance. Hors elles ont le sentiment aujourd’hui qu’il y a une sorte de fuite par rapport aux responsabilités».

La SNCF a indiqué, avant même la décision du juge, qu’elle ne ferait aucun commentaire sur cette phase de l’instruction.


Mais dans un communiqué Systra précise qu’elle s’attachera à démontrer qu’elle n’a commis aucun délit. De quoi sans doute prolonger le temps de l’instruction et retarder la tenue d’un procès attendu pour 2019 voire 2020 !



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