Le Gouvernement lance son "Pacte en faveur de la haie". Le 29 septembre, il a annoncé un budget de 110 millions d'euros pour créer 50 000 kilomètres de haies d'ici à 2030. Cela nécessite la production massive de plants certifiés, adaptés à la biodiversité locale. Un travail de grande ampleur que la filière prépare déjà. Exemple en Alsace.
Le Pacte en faveur de la haie des ministères de l'Agriculture et de la transition écologique doit servir à réintroduire les haies dans nos paysages, là où elles ont été arrachées, et à démultiplier leur nombre ou les rallonger, là où elles existent déjà. Ce projet a été annoncé le 29 septembre.
"Afin de mettre un coup d’arrêt à la destruction et la dégradation des haies observées depuis une cinquantaine d’années (estimation de - 20 000 kilomètres linaires de haies par an en moyenne ces dernières années) les ministres ont présenté, à l’issue d’une visite dans une exploitation bretonne exemplaire, le Pacte en faveur de la haie et l’agroforesterie."
Développer des structures spécialisées
Le projet de reconstruction est ambitieux : 50 000 km de haies supplémentaires en sept ans. Il en existe 750 000 km en 2023 selon le gouvernement. Alors, pour recréer ces espaces de vie aux multiples bénéfices pour la nature et l'Homme, des structures spécialisées, sous contrôle, se développent.
Jacques Detemple a participé à des centaines de plantations de haies en Alsace. Il fait partie des spécialistes du domaine qui expliquent aux agriculteurs, collectivités, communes, en quoi ces haies sont vitales et les accompagnent dans leurs démarches de plantations.
Ces haies sont des refuges pour la biodiversité, les insectes, les oiseaux et petits animaux, mais elles servent aussi à limiter le lessivage des terres en cas de gros orages, à les protéger de chaleurs extrêmes et garantissent des sources de revenus diverses aux propriétaires. Elles fournissent notamment du bois transformé en plaquettes pour chauffer de nombreux bâtiments communaux et urbains.
En agroforesterie (mode d'exploitation agricole associée à la plantation d'arbres ou d'arbustes), les haies ont aussi toute leur utilité. Ernest Hoeffel et Corinne Bloch, éleveurs à Walbourg dans le Bas-Rhin ont été primés au Concours général pour leur modèle d'exploitation lié à l'agroforesterie. Ils utilisent le bois de recépage (coupe de régénération), déchiqueté, comme litière pour leurs vaches. Litière transformée par la suite en fertilisant pour les terres. Finis les engrais chimiques.
Créer des plants, mais pas n'importe lesquels
Il va falloir planter, mais pas n'importe quoi, et ce point est crucial. "Les arbustes et arbres doivent être exclusivement issus d'essences locales, ayant existé là, avant que ne commence le commerce des plantes à travers le monde", souligne Jacques Detemple. Et ce commerce a démarré avec la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb ! Donc même des arbres qui nous semblent familiers depuis longtemps ne feront pas l'affaire, s'ils sont simplement naturalisés comme le robinier faux acacia, importé d'Amérique du Nord.
"Cette contrainte est due aux interactions écologiques entre faune et flore" précise Jacques Detemple, semencier et producteur de graines pour la scic Végétal Nord Est, une société coopérative d'intérêt collectif. "Chaque plante a ses colonisateurs préférés et des espèces qui s’y reproduisent."
Comment fait-on pour obtenir ces plants ?
Une charte très précise existe pour garantir l'origine des plants locaux, qui pourront être plantés en France. Car un plant local n’est pas juste produit localement, il doit être génétiquement local. C'est donc corbeille au bras, que des personnes bien informées de ce qu'elles ont le droit de prélever partent cueillir à la main des fruits et des baies.
"Nous avons le droit de cueillir maximum 25 % des fruits d'un individu (arbre, arbuste ou buisson), de manière non invasive, donc sans arracher ou couper de branches par exemple" continue le spécialiste. De retour à l'atelier, les graines sont extraites ou retirées des fruits. "Pour l'érable, on sélectionne les fameuses ailettes qu’on se collait sur le nez gamins, on les fait sécher. Pour l'aubépine, on écrase les baies, on nettoie à l'eau et on fait sécher les graines." En ce début octobre, le genévrier et l'alisier blanc font partie des arbres visités par le cueilleur, sur les Hautes Chaumes dans les Vosges.
Valider la traçabilité génétique
Un travail colossal qui nécessite beaucoup de monde. "Nous travaillons avec un réseau de partenaires pour cueillir les fruits sauvages" indique Jacques Detemple. "On s’occupe de leur traçabilité et diversité génétique. Ensuite, nous livrons les pépiniéristes pour répondre à la demande grandissante de replantations de haies." Les agriculteurs peuvent y trouver des intérêts multiples et obtenir des aides pour se lancer.
Les graines d’aujourd’hui vont donner des plants à l’automne 2024.
Jacques Detemple, semencier et producteur de graines
Dans l’ouest de la France, il existe des structures pour entretenir des haies et leur permettre de se régénérer. Tout le bois y est exploité et intégré dans une filière qui fournit les chaudières à plaquettes des collectivités territoriales. Par endroits, le travail est immense.
Les haies de bocage par exemple, ont souvent périclité par manque d'entretien. Or, un bon entretien du patrimoine arboré permet de revenir 15 ans plus tard pour continuer à chercher du bois. Le travail de sensibilisation a déjà bien commencé, les actions efficaces sur le terrain aussi, mais il faut renforcer considérablement le dispositif dans toutes les régions françaises et convaincre encore certains acteurs parmi les paysagistes et les élus de certains milieux urbains.