Alexandre Dormoy cultive des céréales à Dancevoir (Haute-Marne). Installé aujourd’hui en agriculture biologique, il compte sur ses trois kilomètres de haies pour maintenir le peu de biodiversité qu’il reste dans ses champs et pourquoi pas la voir s’accroître un jour.
Les insectes sont un peu ses collègues de travail. "Des auxiliaires de culture", comme les appelle Alexandre Dormoy. A 40 ans, ce céréalier s’est installé en 2009 à Dancevoir en Haute-Marne. A l’origine, pas de bio, quelques engrais chimiques et des monocultures qu’il a fallu transformer. "Mon objectif était d’avoir recours le moins possible à la chimie car elle n’est pas sélective. Un insecticide détruit tous les insectes sans distinction", nous explique l’agriculteur.
Et au printemps dernier, il a franchi une nouvelle étape : l’installation de 3 kilomètres de haies. Elles sont censées lui permettre d’observer le retour de certains oiseaux et insectes dans ses champs. Une présence qu’il considère comme un atout et une nécessité pour une agriculture toujours plus propre et en accord avec son environnement. "Ce sont des haies avec des arbres : tous les 10 mètres, il y a un grand arbre et entre les arbres, j’ai de la petite haie. L’idée, c’est qu’à terme, elles fassent 7 ou 8 mètres de haut."
Les gens vont pouvoir venir faire un peu de cueillette. Les faire venir dans les champs, c’est leur montrer notre travail.
Alexandre Dormoy, agriculteur
Il va encore falloir faire preuve de patience car les haies plantées et en partie financées par France Relance et le Parc national de forêts ne mesurent pour le moment que 60 centimètres. Mais à mesure qu’elles poussent, les espoirs de l’agriculteur grandissent aussi. "En plantant des haies comme les miennes, on allie le lien social, écologique mais aussi économique. Etant donné que je suis en agriculture biologique et que je n’ai pas recours à la chimie, la présence des auxiliaires de vie (ndlr : les insectes et petits prédateurs) m’aide beaucoup. Même pour mes voisins, ce sont des pesticides en moins."
Des haies pour créer du lien
Planter des haies n’est pas nouveau et de plus en plus d’agriculteurs ont renoué avec cette méthode. Le principe est simple : créer de petits îlots de vie et de nature pour abriter des oiseaux (pourquoi pas des chouettes ou encore des chauves-souris) qui mangeront certains insectes mais aussi des insectes qui eux-mêmes mangeront les pucerons par exemple. "Ce n’est pas forcément revenir à ce qui se faisait avant mais plutôt avoir compris pourquoi on en a besoin aujourd’hui. Et on le fait encore mieux ! Avant, on plantait des haies d’aubépine mais cela ne permettait pas de recréer du lien social par exemple car les gens n’allaient pas s’y promener."
Car pour Alexandre Dormoy, planter des haies dans ses champs, ce n’est pas seulement permettre aux animaux de se réapproprier les lieux, c'est aussi permettre aux humains de la faire. Ses haies sont parsemées de petits arbres fruitiers ou de fleurs. "Les gens vont pouvoir venir faire un peu de cueillette. Les faire venir dans les champs, c’est leur montrer notre travail. Les consommateurs ont tendance à oublier que les agriculteurs sont là pour les nourrir", déplore Alexandre Dormoy.
Polycultures et mélanges
Les haies plantées sur l’exploitation de 155 hectares d’Alexandre Dormoy sont une suite logique pour l’agriculteur. Quand Alexandre Dormoy reprend la ferme en 2009, il met en place une culture de mélanges. Les champs entiers de blés ont disparu. A la place, il sème différents types de cultures sur ses parcelles. "Je ne plante jamais de culture seule. En faisant des mélanges, je choisis moi-même ce qu’on appelle les mauvaises herbes. Par exemple la lentille, c’est une culture qui n’est pas très grande donc en l’associant à une orge de printemps, qui occupe l’espace, cela permet à la lentille de pousser."
L’agriculteur n’utilise plus non plus d’engrais chimiques et il est en agriculture biologique depuis 2018. "Les seuls produits que j’utilise, ce sont des oligo-éléments en traitement de semence pour qu’elles soient saines et que mes plantes soient commercialisables. Autrement, ce ne sont que des fumiers ou des composts végétaux que j’épands", détaille l’exploitant. Rien à voir donc avec les méthodes de l’agriculture conventionnelle, beaucoup plus répandue en Champagne-Ardenne. "On n’est pas très nombreux mais cela fonctionne. Quand j’ai commencé, j’étais un peu marginal mais aujourd’hui, ça se développe donc ça ne m’inquiète pas", se rassure-t-il.
Alexandre Dormoy fait donc le pari d’une agriculture douce : pas de produits chimiques, des cultures diversifiées et mélangées et des haies pour faire revenir les oiseaux et les insectes. Pour le moment, il n’existe pas de comptage précis de la présence d’oiseaux dans ses champs. "Le fait d’implanter des fleurs et des haies, fait que les oiseaux s’en vont moins loin et moins vite. Vous dire qu’ils sont de retour, c’est trop tôt. Aujourd’hui, on plante des haies pour faire en sorte qu’ils restent, déjà, puis qu’ils reviennent, ensuite", conclut le Haut-Marnais.