A Riespach, 80 ans après, l'histoire des réfractaires du Sundgau

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Madeleine Pagani, fille de réfractaire, devant l'Espenweg, par lequel 183 jeunes ont fui en Suisse pour échapper à l'incorporation de force dans l'armée allemande en 1943.
Sujet Rund Um en alsacien sous-titré ©France Télévisions

C'est une histoire méconnue. Il y a 80 ans, 183 jeunes Sundgauviens s'enfuyaient vers la Suisse pour échapper à l'incorporation de force dans l'armée allemande. Mais cette nuit de février 1943 a eu de lourdes conséquences sur leurs familles, souvent déportées après la fuite de leurs fils. A Riespach, un chemin des réfractaires a été inauguré, racontant leur histoire.

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Ils sont partis dans la précipitation, par une froide nuit de février. Certains étaient à peine sortis de l’enfance. « Mon père n’avait que dix-huit ans, et il a dû se décider à partir en une nuit. C’était dur, car il savait que ses parents et son frère seraient déportés après sa fuite », raconte Astrid Stehlin, autour d’une table, à Riespach, à d’autres enfants de réfractaires. Durant la Seconde Guerre mondiale, l’histoire de ces jeunes hommes fuyant vers la Suisse pour échapper à l’incorporation de force dans l’armée allemande, a touché 183 familles. Avec des conséquences parfois dramatiques pour ceux qui sont restés (déportation vers l’Allemagne, travail forcé…).

Le 11 février 1943, 270 jeunes arrivent au point de rendez-vous, l’Espenwald (forêt de trembles) à Riespach. Venus de Knoeringue, de Grentzingen, de Hirsingue, et d’autres villages alentour, souvent à vélo, ils jettent leur deux-roues dans le fossé et s’engouffrent dans la forêt, où un homme doit les guider. Mais celui-ci ne viendra jamais. Certains jeunes se découragent et rentrent chez eux. Les 183 restants décident de tenter tout de même la traversée vers la frontière suisse, motivés par le succès de l’évasion similaire de 18 hommes quelques jours plus tôt, le 7 février.

De réfractaires à ouvriers agricoles en Suisse

S’en suit un périple de 18 kilomètres jusqu’en terre helvète. 3 kilomètres de plus que prévu, car le groupe bruyant, désorganisé, armé seulement de bâtons, se trompe d’itinéraire à Pfetterhouse et doit rebrousser chemin. « Ils étaient trempés jusqu’aux os, c’est ce que mon père me racontait toujours. Ils ont dû traverser des ruisseaux plusieurs fois, comme celui de la Largue », relate Madeleine Pagani, adjointe au maire de Riespach. « Mais lorsqu’ils ont atteint la ferme du Largin, en Suisse, ils étaient heureux et ont entonné des chants », poursuit-elle. Le gérant de la ferme, d’abord surpris par leur nombre, les a accueillis tout de suite après leur arrivée, vers minuit.

Les jours suivants, les autorités suisses ont d’abord voulu renvoyer les réfractaires chez eux. Mais elles les ont finalement répartis dans différentes fermes de la région, pour qu’ils servent de main-d’œuvre. Cette période-là est restée un très bon souvenir pour le père de Véronique Mertz : « Après la guerre, il est retourné dans cette ferme tous les ans en pèlerinage, pour les remercier de l’avoir si bien accueilli. Cela a duré toute sa vie. Et mon fils et moi avons continué à garder le contact avec cette famille de Lauwil ».  

Un chemin de mémoire à Riespach

Si parmi les réfractaires, certains n’ont pas hésité à raconter leurs souvenirs de cette nuit-là, d’autres n’ont presque jamais parlé de leur fuite. C’était le cas du père de Joseph Haas. « Tout cela avait eu des conséquences sur ma famille, notamment ma tante, qui a vécu des choses très difficiles en déportation en Allemagne.. Alors on ne parlait pas de cette histoire. C’était une période qu’il valait mieux oublier ».

80 ans plus tard, cette histoire, justement, Madeleine Pagani a voulu la mettre à l’honneur. Un chemin des réfractaires (« Espenweg »), avec des panneaux explicatifs, a été inauguré en février 2023 à l’endroit même où ils sont partis : l’entrée de la forêt de l’Espenwald, à Riespach. Quelques centaines de mètres pour commémorer la fuite rocambolesque de ces hommes vers la Suisse, leur courage pour échapper à l’incorporation de force. Mais aussi, pour faire la paix avec l’histoire et les traces laissées au sein des familles.

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