On les reconnaît à leur trogne. Les arbres têtards sont atypiques du fait de leurs branches qui, étêtées au fil des ans, finissent par former une sorte de grosse tête au-dessus du tronc. Des arbres que certains ont décidé d'entretenir pour favoriser le nécessaire maintien de la biodiversité.
Commune rhénane, Offendorf (Bas-Rhin) compte des centaines de saules le long de son cours d'eau. Des arbres qui font partie de la culture et du paysage de cette zone du Ried depuis plus de cent ans et qui ont une grande valeur pour les habitants depuis toujours.
"Le bois était très utilisé autrefois entre 1850 et 1950" raconte Denis Hommel, maire d'Offendorf. "Ces arbres étaient utilisés pour fabriquer les fascines installées le long du Rhin et du canal. Il fallait beaucoup de bois pour cela. Les habitants, eux, prenaient le bois pour confectionner le fond des paniers et leurs sabots". Si cette tradition a disparu, celle de l'étêtage de ces arbres, elles, a bel et bien survécu. Pour ne pas mourir, ces saules doivent être étêtés (les branches sont ratiboisées) tous les 5 à 6 ans. Cette pratique permet d’exploiter le bois des branches sans toucher au tronc. Une technique qui, plusieurs fois répétée, confère à ces arbres cet aspect si particulier.
A Offendorf, c'est le SDEA (syndicat des eaux) qui a conduit le chantier fin janvier 2023. Si rien n'était fait, les branches grossiraient d'année en année jusqu'à plier et fendre les troncs en deux. Ce serait dommage pour les arbres et pour l'environnement, car un saule têtard entretenu vit 4 fois plus longtemps et participe au maintien de la biodiversité. Si quasiment tous les feuillus peuvent être taillés de la sorte, ce sont principalement les saules chez nous.
"Ce sont des sentinelles de la nature" estime François Steimer, naturaliste. Les cavités des troncs sont des foyers de biodiversité. Ces trous abritent de nombreuses espèces de petits animaux et sont de formidables nids pour les oiseaux et gîtes pour les chauves-souris.
Bois utile en agriculture
A Wahlbourg (Bas-Rhin) Corinne Bloch et Ernest Hoeffel veillent précieusement sur leurs milliers d'arbres têtards qui entourent leur élevage de charolaises. Ces paysans récupèrent le bois des branches. Une fois séché, il est broyé et mélangé à d'autres copeaux issus de leurs haies pour constituer la litière de leurs bovins.
"La présence du bois dans la litière permet de l'assécher. Nous alternons les couches de bois broyés et de paille. Après usage, cette litière sera mélangée et retournée puis elle sera compostée avant d'être épandue sur nos champs", un compost remarquable pour Ernest Hoeffel qui ne pourrait pas envisager l'agriculture sans ce travail du bois.
"Ces arbres amènent de la vie. Il y a des oiseaux qui y nichent, la petite faune et les insectes en raffolent. Dans 5 à 7 ans, je retaillerai ces saules et ainsi de suite. Ils n'arrêteront pas de pousser. Un tel saule têtard peut pomper jusqu'à 700 litres d'eau par jour en fonction de sa taille. Ce qui va générer un microclimat apportant de l'humidité", un fabuleux microcosme ultra-bénéfique pour ses champs, cultures et bêtes.
Formidable source d'énergie
Plusieurs communes ont conscience de la nécessité de préserver ces arbres. Que ce soit à Offendorf ou à Roeschwoog par exemple, les branches sont sciées pour en faire du bois de chauffage pour les habitants. Un bois qui sèche vite et qui brule bien.
Les communes sont soutenues financièrement par la Collectivité européenne d'Alsace. Elles perçoivent 200 euros par arbre têtard à partir du moment qu'elles étêtent au moins 10 arbres.