On les croise en forêt ou sur les routes de campagne : les grumiers transportent les troncs de bois coupés (grumes) de la forêt à la scierie, sur leurs camions d'une vingtaine de mètres de long. Ils parcourent des centaines de kilomètres par jour.
Ils avalent les kilomètres toute l'année, par tout temps, pour approvisionner leurs clients en continu. Ce jour-là, sur les sentiers enneigés de la forêt de Stosswihr, Gilles Riedlinger se hisse au sommet de la grue de son camion pour charger 35 mètres cube de troncs d'épicéa. Commence alors un véritable spectacle pour les néophytes : l'énorme pince métallique saisit les troncs et les manoeuvre dans les espaces étroits entre les arbres, répondant aux gestes précises du grumier expérimenté. En une vingtaine de minutes, les grumes de 16 mètres de long sont posées et harnachées, prêtes à être livrées aux scieries.
La scierie SIAT, principal client
Parmi les principaux clients de l'entreprise que Gilles Riedlinger a créée voilà quinze ans, la scierie SIAT, à Urmatt, la plus grande de France. "Siat nous fait travailler toute l'année. Et il y a de la demande. Lorsque je me suis lancé, j'étais seul, avec un camion. Aujourd'hui, nous sommes cinq chauffeurs". Sur place, les grumes sont pesées, écorcées et découpées à la demande, surtout en bois de charpente destiné aux grandes enseign
es de bricolage. L'écorce, elle, servira notamment à la fabrication de pellets.Chez SIAT, le discours est rodé. Priorité aux "circuits courts". "Nous nous approvisionnons dans un rayon de 100 km. Et nous connaissons tous les grumiers qui travaillent pour nous. Ils sont aussi, un peu, les représentants de notre société en forêt", explique Régis Dirian, chef de projet de la scierie familiale à échelle quasi industrielle. Sapins, épicéas et feuillus défilent ici tous les jours, au gré des saisons. Le coût du transport du bois par les grumiers, lui, va de 10 à 32 euros le mètre cube, en fonction de la distance parcourue.
Le fils, Damien, grumier lui aussi
Souvent, les chauffeurs parcourent 500 kilomètres par jour. Dans l'entreprise Riedlinger, il peut arriver qu'ils aillent livrer jusqu'à Vesoul, dans les Ardennes, ou en Allemagne. "Parfois, on dort dans le camion", raconte Gilles Riedlinger. Un travail plutôt solitaire, qu'apprécie son fils Damien. A 28 ans, il ne s'imagine pas faire un autre métier. "J'aime bien travailler seul en forêt, rouler dans un beau camion... Je connais cela depuis que je suis petit!" Et sa dextérité, aux commandes de sa grue et de sa remorque, impressionne ceux qui croisent son camion jaune au détour d'une promenade dans les bois.
Il faut dire que ce métier est une histoire de famille. L'arrière-grand-père de Damien, déjà, partait en forêt débarder du bois et le livrer avec deux chevaux aux scieries de la vallée de Munster. Un métier difficile, mais passionnant, aujourd'hui encore, à en croire Gilles. "Il faut l'avoir dans le sang, sinon ce n'est pas la peine", nous confie-t-il. Et l'activité n'est pas près de s'arrêter, vu l'augmentation de la demande suite à la crise sanitaire.