Ce mardi 7 juin 2022, le CEN (Conservatoire d'espaces naturels d'Alsace) lance une souscription "Forêts" à l'attention du public. Objectif : acquérir et ainsi préserver 30 hectares de forêt, contre toute menace d'exploitation future.
Acquérir trente hectares de forêt est le plus grand défi que s'est donné le CEN d'Alsace (Conservatoire d'espaces naturels) dans les dernières décennies. L'appel pour inciter le public à participer à cet achat collectif d'envergure est lancé ce mardi 7 juin 2022, depuis Balschwiller dans le Haut-Rhin.
Marc Brignon, directeur du CEN d'Alsace (nouveau nom du Conservatoire des sites alsaciens (CSA) créé en 1976), nous explique la démarche et ses objectifs, en précisant d'entrée que la souscription (co-financement d'une action commune) est un mode de fonctionnement du Conservatoire d’espaces naturels d’Alsace.
"La forêt que nous voulons acquérir est celle du Baerenloch à Masevaux, dans le Haut-Rhin. Elle couvre 30 hectares. La dernière fois que nous avons acheté une surface aussi grande, c'était le Rothmoos, il y a 20 ans, dans le bassin potassique."
Pourquoi acheter des forêts ?
Grâce à cette acquisition, l'association va pouvoir protéger cette forêt contre toute forme d'exploitation future (commerciale, chasse, exploitation par des particuliers ou des communes). "Il s'agit d'une hêtraie-sapinière âgée et d'altitude. Elle n'a pas été exploitée depuis plusieurs décennies, ce qui la rend aujourd'hui très précieuse car riche en biodiversité." se réjouit Marc Brignon.
La forêt du Baerenloch n'est pas sous menace immédiate, mais elle fait partie d’un groupement de forêts exploitables, alors l'association préfère prendre les devants.
"Par le passé, les forêts rhénanes ont fait l’objet de transformations à l'occasion d’aménagements et de travaux sur le Rhin. Le rachat de certaines parcelles, au bord des cours d'eau, nous permet d'empêcher leur artificialisation et leur aménagement en zone portuaire ou de loisirs par exemple."
L'association protège déjà 2400 hectares de bois, dans les Hautes-Vosges, dans la vallée de la Doller, la forêt des volcans à Wegscheidt (sur le versant en face de la future nouvelle acquisition). Elle protège aussi quatre réserves naturelles à Erstein, Offendorf, dans le Delta de la Sauer et l'île de Rhinau.
"Notre idée est de laisser la forêt en libre évolution", explique Marc Brignon, "seuls des travaux de sécurisation seront entrepris en cas de présence d'espèces envahissantes. Sinon nous n'allons pas nettoyer le sol, afin de laisser le bois mort qui permet à de très nombreux organismes de vivre. C'est un écosystème complexe de mousses, de champignons, d'insectes etc."
Les arbres peuvent ainsi suivre leur cycle biologique complet : croissance, maturité, vieillissement, lente dégradation et finalement régénération : "Un cycle qui s'étend naturellement sur plusieurs siècles", précise Marc Brignon.
Qui peut participer et comment ?
Tout particulier, entreprise, commune peut participer à cette acquisition de grande envergure, en prenant une part à 40 euros (ou plus) sur le site du Conservatoire des sites alsaciens.
Ces parcelles passeront ainsi de particuliers, trop âgés pour s'en occuper, simplement désireux de vendre ou de faire un geste pour l'environnement, dans le giron de l'association. Pour certains il s'agit même d'une vraie démarche de protection de la nature, puisqu'ils vont plus loin en faisant un legs (don) de leur bien: "Un jour un propriétaire nous a fait un legs de 5 hectares au pied de Ribeauvillé."
Outre les forêts, le CEN d'Alsace s'occupe de la préservation de 4.000 hectares de prairies, de pelouses sèches, de vergers, de roselières, mares et autres espaces naturels. Partout l'enjeu est toujours de les protéger d'une exploitation et même d'une sur-fréquentation dans certains cas.
Il y a urgence à préserver ces réservoirs de biodiversité en Alsace.
Marc BrignonDirecteur de l'association de conservation des sites naturels d'Alsace
Le CEN ou Conservatoire des sites alsaciens a comme partenaires l’Agence de l’eau Rhin-Meuse, la Région Grand Est, la CEA et l’Etat qui l' accompagnent dans l’acquisition des sites. Quant à l'ONF (Office national des forêts), "Il n'y a pas de concurrence pour autant, même si sa finalité est l'exploitation du patrimoine et la nôtre, la préservation à long terme. Parfois, nous travaillons en partenariat ou avec des conventions cadres, quand il s'agit de forêts appartenant à l'Etat et gérées par l'ONF."
"Il y a urgence à préserver ces réservoirs de biodiversité en Alsace." conclut le directeur de l'association de conservation des sites naturels, "d'autant que nous pensons qu'une forêt qui vit librement sera sans doute capable de mieux résister aux changements climatiques et de protéger l'ensemble des espèces qui y évoluent."
L'acquisition de ces forêts par le CEN ne met cependant pas ces espaces sous cloche. Ils restent tous ouverts au public.